Yvan TCHERNOMORDIK est né le 12 janvier 1948 à Marseille (Bouches-du-Rhône). Très tôt élevé par ses grands-parents, Yvan TCHERNOMORDIK s’initie dès l’âge de 12 ans à la plongée sous-marine dans la calanque de Morgiou à Marseille. Un voisin de la famille lui fait rapidement découvrir la mécanique et il obtient brillement un CAP de mécanicien auto.
À l’adolescence, il donne régulièrement un coup de main sur un bateau armé. À 18 ans, il entre à l’École des Apprentis Mécaniciens de la Marine nationale à Saint-Mandrier-sur-Mer (Var).
Diplôme en main, il embarque sur le navire de servitude la Fourmi. Afin de pallier un manque de plongeurs sous-marins à bord, Yvan TCHERNOMORDIK décide se former à cette activité.
En 1968, il rejoint l’équipe du bathyscaphe Archimède, construit par la Marine Nationale, en tant que mécanicien plongeur. Il assure la surveillance lors de la mise à l’eau et de la remontée du bathyscaphe. C’est à cette occasion qu’il rencontre Henri-Germain DELAUZE alors responsable du Laboratoire du Bathyscaphe et fondateur de la Compagnie maritime d’expertises, Comex.
« Sur l’Archimède, mon travail c’était de la mécanique, tout ce qui était mise en place des caméras, des flashes à l’intérieur du bathyscaphe et les contrôles avant les plongées. »
Durant cette période, il participe notamment à la campagne REMINER dont l’objectif est de localiser l’épave du sous-marin français Minerve qui a sombré au large du Cap Sicié (Var) le 27 janvier 1968, avec 52 marins à son bord.
Il est également missionné en 1970 sur la recherche de débris du sous-marin de type Daphné, l’Eurydice, qui a sombré corps et biens à 1 000 mètres de profondeur au sud de la presqu’île de Saint-Tropez le 4 mars 1970. La même année, il quitte la Marine Nationale pour rejoindre le Centre National pour l’Exploitation des Océans (CNEXO et futur Ifremer), en qualité de technicien mécanicien plongeur.
En 1972, Yvan TCHERNOMORDIK fait son entrée à la Comex et retrouve Henri-Germain DELAUZE qui devient un fidèle ami. « Je dois dire qu’Henri-Germain DELAUZE a donné l’opportunité, à moi comme à bien d’autres, de vivre une passion au travers de notre métier et de nous dépasser bien souvent. »
Dans un premier temps, il participe à l’élaboration de chalumeaux sous-marins, de tourelles de plongées et de prototypes d’engins d’intervention sur les pipelines comme par exemple les ligneurs. C’est à cette occasion qu’il établit un record de temps de plongée personnel singulier !
« Le premier projet sur lequel j’ai travaillé était le ligneur de Frigg, un engin de 300 tonnes avec un robot pour souder les pipelines en ligne sur le fond. C’est là que j’ai établi mon record personnel : 29 heures en plongée à cause d’un problème qui avait fait se dresser l’engin à la verticale au fond de l’eau. »
En 1977, il est le responsable du montage et des essais de deux tourelles d’observation et de travail capables d’atteindre 1 000 mètres de profondeur.
Surnommé « Popof » par ses collègues, Yvan TCHERNOMORDIK se spécialise, au milieu des années 1970, dans la conception d’engins habités. Un service spécifique, dirigé par Jean-Pierre MARQUINET, est d’ailleurs créé au sein de la filiale Comex Industrie.
« Je me suis orienté vers ce qui me passionnait le plus, les engins habités. C’est devenu ma principale activité. […] Je m’occupais de la partie hydraulique, mécanique, pneumatique et quand l’engin était terminé, on le mettait aux essais. C’était le moment où on le pilotait. C’était la récompense. »
Il est en effet chargé du montage, des essais et du pilotage des sous-marins de la Comex.
En 1974, il réalise le sous-marin biplace Globule. Équipé d’un bras télémanipulateur, Globule est un sous-marin industriel conçu pour des missions d’observation, de surveillance et d’inspection d’équipements sous-marins (câbles, forages…).
En 1975, Yvan TCHERNOMORDIK élabore et construit le sous-marin Moana I capable de plonger à 300 mètres de profondeur. Équipé d’un bras manipulateur, il peut embarquer trois personnes (un pilote, un copilote et un observateur).
La même année, le Moana II, plongeant à 400 mètres de profondeur, est également fabriqué. Moana III est, quant à lui, lancé en 1976.
Fin 1977-début 1978, à l’invitation d’Henri-Germain DELAUZE, Yvan TCHERNOMORDIK collabore durant 7 mois à une campagne d’exploration du corail rose à Formose (ancien nom de l’île de Taïwan) en tant que pilote du Moana III.
« Avec ce sous-marin nous sommes partis en mer de Chine pêcher le corail. C’était dans des eaux d’une limpidité extraordinaire. C’est mon meilleur souvenir de plongée en sous-marin parce que c’étaient des fonds extraordinaires et on travaillait à des profondeurs moyennes de 300 mètres. »
Yvan TCHERNOMORDIK réalise également des sous-marins « crache-plongeurs », conçus pour libérer des plongeurs en profondeur, et destinés au marché international. En 1979, l’Institut d’Océanologie de Roumanie reçoit ainsi le sous-marin lock-out SM358-I capable de plonger à 300 mètres. Ce sous-marin est équipé d’un compartiment atmosphérique pour les pilotes et d’un compartiment lock-out pour les plongeurs.
En 1980, les sous-marins lock-out SM358 II et SM 360 sont livrés à la Chine. La Russie acquiert quant à elle, en 1981, les sous-marins d’observation Moana IV et lockout SM 370.
En 1982, la société française Intersub se fait livrer le sous-marin d’observation OS 400 capable d’intervenir à 400 mètres de profondeur. En 1983, Comex Industrie est chargée, dans le cadre de son partenariat avec le CNEXO (futur Ifremer), de concevoir le SAGA, Sous-marin d’Assistance à Grande Autonomie. Yvan TCHERNOMORDIK participe à l’équipement du sous-marin entre 1984 et 1986. Il est également responsable de la formation de pilotes et techniciens de sous-marins (russes et chinois).
En 1986, Yvan TCHERNOMORDIK, contribue à la construction du sous-marin de loisirs Seabus. Ce sous-marin de tourisme, d’une capacité de 50 personnes, plonge jusqu’à 80 mètres de profondeur.
Lancé en 1990, il est d’abord opéré à Monaco sur un site sous-marin spécialement aménagé puis il effectue sa carrière aux Bahamas sous le nom de Deepstar.
« Nous avons effectué à la Comex la fabrication d’un sous-marin à vision panoramique, le Seabus, qui est, à mon sens, le plus beau sous-marin touristique qui ait jamais été conçu. […] J’ai eu l’honneur de faire la première plongée. […]. Pour moi, c’est un bon souvenir cette plongée d’essai du Seabus. »
En 1987, Henri-Germain DELAUZE confie à Yvan TCHERNOMORDIK la construction d’un sous-marin d’observation monoplace avec demi-coque hémisphérique transparente en matière acrylique. Baptisé Remora 600, il est capable de plonger à 300 mètres et est alimenté en énergie électrique par câble ombilical depuis son navire support.
En 1990, Yvan TCHERNOMORDIK réalise 2 plongées, à bord du Remora 600, dans le cadre d’une mission menée par le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Il s’agit d’expertiser l’épave de la Sainte-Dorothéa qui a sombré le 25 avril 1693 dans la rade de Villefranche-sur-Mer.
« Pour le premier Remora, j’ai fait ma première plongée dans 30 mètres d’eau, la toute première suivie par une deuxième plongée avec Monsieur DELAUZE et ensuite c’est lui qui a fait pratiquement toutes les plongées profondes avec le Remora 1. »
En 1993, Henri-Germain DELAUZE souhaite faire évoluer le Remora 600 afin qu’il puisse accueillir un pilote et un observateur et qu’il soit autonome (non relié par un ombilical).
Sous la direction de Michel BAYLOT et en collaboration avec Antoine DUPUY et Jean-Paul PICHOT, Yvan TCHERNOMORDIK participe à la conception, à la construction, aux balbutiements dans la piscine d’essais de la Comex et à la quasi-totalité des plongées opérationnelles de ce sous-marin « bulle ».
En octobre 1994, le Remora 2000 est prêt pour ses plongées d’essais. Yvan TCHERNOMORDIK est nommé responsable des opérations et de la direction technique de ce sous-marin extraordinaire. À bord, ou sur le pont arrière du Minibex, le premier bateau support du sous-marin, il veille au bon déroulement des opérations.
Les équipements du Remora 2000 – bras manipulateurs, caméras numériques, éclairages, outils de prélèvements etc… – lui permettent de remplir un grand nombre de missions variées jusqu’à 610 mètres de profondeur : localisation, inspection et récupération d’épaves, tournage de documentaires, inspection et échantillonnages pour la recherche scientifique…
« On a mis un peu plus d’un an à le construire. Il a aussi fallu qu’on rallonge le Minibex pour pouvoir l’accueillir sur le pont arrière et qu’on équipe le bateau d’un portique de mise à l’eau de 5 tonnes pour le sous-marin. Je l’ai piloté plusieurs centaines de fois depuis. »
Pour la toute première plongée d’essai du Remora 2000, c’est Yvan TCHERNOMORDIK qui est aux commandes, évoluant au niveau de l’épave de La Drôme, qui gît par 50 mètres de fond près des îles du Frioul.
« Quand on a fini l’engin, son propre bébé que l’on connaît de A à Z, il suffit de s’asseoir dedans et de prendre les commandes. »
Le 15 novembre 1994, il effectue, en tant que pilote, la première plongée opérationnelle du Remora 2000 à 610 mètres au large de Marseille en compagnie de Michel BAYLOT.
Le 6 avril 1995, Yvan TCHERNOMORDIK et Henri-Germain DELAUZE testent un sonar du Remora 2000 au large de Marseille. Ils font alors une découverte inattendue : l’épave du Protée. Le sous-marin militaire français avait disparu en 1943 avec 76 hommes à son bord.
« En plongeant dessus, par 120 mètres de fond, on s’attendait à trouver un cargo. Et on découvre ce sous-marin. On croyait que c’était un U-Boat allemand. Le lendemain, j’ai retrouvé la trace du Protée dans un bouquin. Tout correspondait. C’est cet ensemble de choses qui a rendu l’épisode très émouvant. »
En 1996, une campagne de sondage de l’épave du navire Sud Caveaux 1 (découverte par Henri-Germain DELAUZE en 1977) située au large de Marseille. Elle est organisée par le DRASSM en étroite collaboration avec la Comex qui met à disposition des moyens techniques importants, dont le sous-marin Globule et son bateau-base, un ROV et un blaster. Cette logistique permet de tester et de développer de nouvelles méthodes d’intervention à grande profondeur, comme :
De 2001 à 2003, Yvan TCHERNOMORDIK pilote le Remora 2000 lors de trois missions du DRASSM, conduites par Luc LONG, sur une épave étrusque découverte en 2000 par Henri-Germain DELAUZE. Yvan TCHERNOMORDIK embarque également régulièrement des passagers pour la réalisation de documentaires.
Ainsi, en 2012, il participe au tournage d’un documentaire de Stéphane BÉGOIN sur l’épave du sous-marin allemand U-455, disparu en avril 1944 au large de Gènes, et qui avait été découverte en 2008. À cette occasion, il embarque à bord du Remora 2000 le seul rescapé de l’équipage (il n’avait pas embarqué ce jour-là et avait donc échappé au naufrage).
Ce documentaire de 52 minutes, « U-455, le sous-marin disparu », est récompensé au Festival mondial de l’image sous-marine à Marseille, obtenant la Palme d’Or du Prix du Président de la République et le prix de la Fédération Française d’études et de Sports Sous-Marins (FFESSM).
Des plongées exceptionnelles sur l’épave de La Lune
Du 8 au 13 octobre 2012, débute la première campagne d’expertise sur le site de l’épave de La Lune, une frégate de la Marine Royale française devenue mythique en raison de son naufrage soudain et inexpliqué en 1664. L’épave est découverte le 15 mai 1993 par Paul-Henri NARGEOLET lors d’une plongée d’essai du Nautile (sous-marin d’exploration de l’Ifremer).
Le programme est ambitieux : en seulement 5 jours, de nouvelles technologies doivent être testées. La Comex est ainsi mandatée par Grand Angle Productions pour réaliser des images sous-marines, à l’aide du Remora 2000 et de son robot téléopéré Achille M4. Le navire Minibex de la Comex met à l’eau le Remora 2000, piloté par Yvan TCHERNOMORDIK accompagné du caméraman Denis LAGRANGE.
Yvan TCHERNOMORDIK est chargé d’accumuler des images 3D en vue d’un documentaire pour ARTE. Équipé d’un prototype de caméra permettant de filmer l’épave en relief, le Remora 2000 survole l’ensemble de l’épave. Un robot contrôlé à distance, lui aussi équipé d’une caméra, est également déployé. L’objectif est de survoler les cuisines (riches en objets) dont les images vont permettre aux ingénieurs de Dassault Système de reconstituer en images 3D cette partie de l’épave pour en faciliter l’étude.
En 2014, le Remora 2000 qui compte à son actif pas moins de 731 plongées est désarmé. Yvan TCHERNOMORDIK, quant à lui, prend sa retraite en 2015 après 43 années au service de la Comex. Mais son attachement au Remora 2000 reste toujours vif. C’est pourquoi, il convainc l’actuelle présidente de la Comex, Alexandra OPPENHEIM-DELAUZE (petite-fille d’Henri-Germain DELAUZE), d’offrir le Remora 2000 à La Cité de la Mer.</p<
En janvier 2017, Remora 2000 rejoint ainsi La Grande Galerie des Engins et des Hommes à La Cité de la Mer au côté du Remora 600, sous la supervision avisée du comexien « Popof ».
© Collection Yvan TCHERNOMORDIK │ Collection HenriGermain DELAUZE │ Frédéric BASSEMAYOUSSE │ Wikimedia Commons / Benh LIEU SONG │ La Cité de la Mer
