Quel est votre métier aujourd’hui ?
Je suis chercheur en écologie benthique au Laboratoire Environnement Profond à Ifremer – Brest. J’étudie les foraminifères benthiques et la biodiversité des écosystèmes abyssaux.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux grands fonds ?
Les grands fonds sont directement liés à la régulation du climat, à l’origine de la vie sur la planète mais portent aussi une part de mystère quant aux formes de vies réelles ou fantasmées qui les habitent et ont ainsi contribué à éveiller ma curiosité tant scientifique que personnelle.
À l’origine de mon intérêt, il y avait les études portant sur les climats du passé issus de carottages sédimentaires des grands fonds, couvrant des millions d’années et permettant d’imaginer la planète soumise à des conditions climatiques extrêmes.
Racontez-nous votre première plongée dans les grands fonds.
En 2017, je suis entré pour la première fois dans le container de pilotage d’un ROV (engin sous-marin contrôlé à distance), sur un bateau norvégien, explorant la mer de Barents. Nous avons « survolé » une large étendue de sédiments nus à la recherche de bulles de gaz que nous traquions depuis plusieurs heures grâce à des sondes du bateau.
Soudainement, nous avons vu apparaître des étendues de tapis microbiens et de roches de différentes couleurs, des champs de tubes de vers sortant du sédiment et des bulles de méthane couvrant l’intégralité des 6 écrans géants du container. C’était comme trouver un village secret dans le désert, un très petit village, dans un très grand désert.
Racontez-nous une anecdote en lien avec les grands fonds.
L’expérience de mission qui m’a marqué s’est passée en Arctique sur un brise-glace, nous devions faire des carottages de glace de mer le lendemain (travail éprouvant) et nous avions fini assez tard dans la nuit le traitement d’échantillons de sédiments.
Plutôt contents d’aller nous coucher, nous avons été réveillés par une alarme du bateau que je ne reconnaissais pas. Il y a eu ensuite une annonce du commandant pour dire qu’un ours polaire et son petit étaient sur la glace juste devant le bateau, fixant le projecteur. Nous sommes tous sortis sur l’héliport pour regarder, aussi curieux que les ours qui nous faisaient face, les autochtones de la banquise. Ils sont restés là près de 20 minutes, faisant la pose pour les photographes et sont repartis dans la nuit.