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Le Commandant Philippe de GUILLEBON devant le kiosque de l’Archimède

Philippe de GUILLEBON

Une jeunesse en mer

Philippe de GUILLEBON est né au Havre (Seine-Maritime) le 17 octobre 1934. Dès l’âge de 10 ans, à Saint-Malo, il se passionne pour la mer et la voile et quelques années plus tard pour la plongée sous-marine. Alors qu’il est encore étudiant, en 1953, il est invité par le Commandant Jacques-Yves COUSTEAU, à plonger sur l’épave du Grand Congloué, un navire grec ayant fait naufrage au IIe siècle avant J.-C., au large de Marseille.

« Pendant 15 jours j’ai pu plonger sur l’épave à 40 mètres. Cela a été un grand souvenir, et de là, a débuté mon amour des fonds sous-marins et de la vie sous-marine. »

Il entre ensuite à l’École Navale (1959-1961) puis poursuit une formation d’officier sur le croiseur-école Jeanne d’Arc (1961-1962).

De 1962 à 1965, il effectue un tour du monde à bord de l’aviso-escorteur Amiral Charner. Il embarque ensuite à bord du sous-marin Vénus (sous-marin de type Daphné lancé en 1964 à Cherbourg) comme officier transmetteur puis évolue vers le poste d’officier Armes et détection sous-marines.

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Le croiseur-école Jeanne d’Arc

Une carrière à bord de l’Archimède

En 1967, Philippe de GUILLEBON intègre le Groupe des Bathyscaphes, basé à l’arsenal de Toulon, et dirigé par le Commandant Georges HOUOT, secondé par le lieutenant de vaisseau Gérard HUET de FROBERVILLE.

En juillet 1967, il rejoint une mission scientifique dans la fosse des Kouriles (Japon). L’objectif est d’étudier la géologie du terrain et la présence d’une éventuelle faune sous-marine. À cette occasion il rencontre, celui qui deviendra un de ses fidèles amis, Henri-Germain DELAUZE, le responsable des équipements scientifiques de l’Archimède et créateur de la COMEX (Compagnie Maritime d’Expertise).

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Archimède prêt à plonger

Le 22 juillet 1967, Philippe de GUILLEBON atteint 7 260 mètres de profondeur à bord de l’Archimède piloté par l’officier en second Gérard de FROBERVILLE. Formé par FROBERVILLE – qui sera ensuite affecté à un autre poste – Philippe de GUILLEBON est nommé officier en second du Groupe des Bathyscaphes et pilote de l’Archimède.

« Le pilotage en soi n’était pas très difficile mais il demandait du doigté et de l’expérience. Or, après quelques répétitions en surface, le pilote débutant était lâché après seulement une plongée en double. Ce n’était pas beaucoup ! »

De juin à juillet 1968, il est missionné, à bord de l’Archimède, pour rechercher une torpille d’exercice perdue dans la baie de Saint-Tropez. Au cours d’une des plongées, Philippe de GUILLEBON et Gérard CORDIER (ingénieur mécanicien pour le Groupe des Bathyscaphes) frôlent la catastrophe en percutant un câble auquel est reliée une cible sous-marine. Sous le choc, les défenses de l’Archimède sont enfoncées, mais heureusement, le câble ne reste pas accroché. Si cela était arrivé, il aurait été impossible au bathyscaphe de se dégager.

De septembre à octobre 1968 puis d’octobre à novembre 1969 et enfin en avril et mai 1970, il participe à la campagne REMINER afin de localiser l’épave du sous-marin français Minerve qui a sombré au large du Cap Sicié (près de Toulon) le 27 janvier 1968 et fait 52 morts.

La zone du naufrage est délimitée par un navire hydrographique mais la Marine Nationale a besoin de l’Archimède pour localiser précisément l’épave. Le bathyscaphe vient, en effet, d’être équipé d’un sonar Straza qui lui permet de repérer les obstacles dans un rayon de 1 000 mètres. Lors des différentes campagnes de recherche de l’épave, l’Archimède effectue 18 plongées sur zone, hélas sans succès.

À l’occasion d’une campagne REMINER, tandis que Philippe de GUILLEBON et ses coéquipiers plongent à 2 200 mètres de fond, ils aperçoivent une mine. Philippe de GUILLEBON bat en arrière. Des secondes interminables s’écoulent car l’Archimède a une grande inertie du fait de ses 200 tonnes de masse. Philippe de GUILLEBON voit alors s’approcher cette mine avec ses cornes qu’il ne faut briser à aucun prix, au risque de provoquer son explosion. Quand l’Archimède s’arrête enfin, une de ces cornes est à moins de 3 centimètres du hublot. Philippe de GUILLEBON prend une photo, pousse un grand « Ouf ! » de soulagement et continue de battre en arrière.

En mai 1969, l’Archimède est requis pour rechercher et étudier l’épave d’une Caravelle explosée en plein vol au large de Nice quelques mois plus tôt. De juin à août 1969, Philippe de GUILLEBON participe à la campagne Açores 69. Les objectifs de cette campagne sont d’observer, mesurer et prélever la faune et la flore sous-marine riche et dense vivant à proximité de l’archipel des Açores. Il effectue des plongées jusqu’à 3 400 mètres.

De mai à juillet 1970, c’est en tant que pilote de l’Archimède que Philippe de GUILLEBON inspecte, de façon détaillée, les débris du sous-marin de type Daphné, l’Eurydice, qui a sombré corps et biens à 1 000 mètres de profondeur au sud de la presqu’île de Saint-Tropez le 4 mars 1970.

Les 15 plongées effectuées par le bathyscaphe permettent aux ingénieurs de l’arsenal et à la commission d’enquête de mieux cerner les causes de l’accident grâce aux 800 photos prises de l’épave.

En novembre 1970, le Commandant Georges HOUOT, atteint par la limite d’âge, fait ses adieux à la Marine et confie son poste de Commandant du Groupe des Bathyscaphes à Gérard de FROBERVILLE.

Parallèlement à ses différentes missions d’intervention sous-marine, Philippe de GUILLEBON prépare à l’ENSTA (École nationale supérieure de techniques avancées) le diplôme d’ingénieur océanographe. Son projet de fin d’études concerne le sous-marin océanographique 6 000 mètres du CNEXO, qui sera baptisé Nautile.

En août 1973 puis de juillet à septembre 1974, il participe à la campagne franco-américaine FAMOUS (French American Mid Undersea Survey), en tant que pilote de l’Archimède. Cette campagne qui se déroule en au large des Açores a pour objectif de cartographier une partie de la dorsale médio-atlantique dans laquelle se met en place la nouvelle croûte océanique et d’étudier la géologie et la géophysique de ces fonds sous-marins.

Pendant cette campagne, une plongée périlleuse marque Philippe de GUILLEBON. Alors que l’ingénieur CNEXO effectue un prélèvement de roches, l’Archimède se trouve bloqué par 2 800 mètres de fond.

« L’Archimède refusait absolument de bouger. Il a fallu pas moins de 4 heures pour arriver à trouver un point d’appui pour le bras articulé suffisant […] pour bouger de quelques millimètres puis quelques centimètres, et enfin nous avons pu reprendre la plongée et la mener à son terme […]. Dans ce genre de situation, le plus inquiet n’est pas le pilote qui est très occupé par ses manœuvres, mais plutôt les deux autres occupants de la sphère qui sont plus passifs et surtout le deuxième pilote resté en surface qui, lui, se fait réellement des cheveux blancs. »

De 1973 à 1975, Philippe de GUILLEBON est chef de la Commission d’Études Pratiques d’Océanographie (CEPOC). Cet organisme, créé par la Marine Nationale, met en relation les spécialistes embarqués (surface et sous-marin), les ingénieurs du génie maritime et océanographes afin de concevoir de nouvelles technologies sous-marines. Suite à cette mission, Philippe de GUILLEBON devient, en 1975, chef de la division des véhicules d’intervention sous la mer au sein du Gismer (Groupe d’Intervention Sous la Mer).

De la mer à l’espace

Alors que le domaine de l’exploration sous-marine est en plein essor dans les années 1970, la conquête spatiale n’est pas en reste. L’agence spatiale européenne (ESA) débute, en 1973, ses activités dans le domaine des vols habités avec le programme Spacelab, laboratoire scientifique européen embarqué à bord de la navette spatiale américaine, le Space Shuttle.

Le 28 mars 1977, l’ESA lance un appel à candidature auprès des agences nationales de ses États membres afin de sélectionner les premiers astronautes européens qui voleront à bord du Spacelab. Plus de 2 200 candidatures sont reçues par l’ESA. La France propose 401 dossiers.

Le 10 mai 1977, 53 candidats sont retenus dont Philippe de GUILLEBON. Après de nombreux tests, il figure parmi les 5 candidats finalistes de la France. Malheureusement, seuls trois étrangers sont retenus par l’ESA.

De retour à la surface

De 1979 à 1981, Philippe de GUILLEBON est nommé commandant de l’aviso Second-maître Le Bihan, basé à Cherbourg, avec lequel il naviguera en Méditerranée, en Manche et en mer du Nord avec de nombreuses escales.

Composante de la Force d’Action Navale, le navire est mis en service le 11 juillet 1979. Il est spécialisé dans la lutte anti-sous-marine côtière. En 1981, il est affecté à Toulon et devient officier de relations publiques du Préfet maritime de la IIIe région.

Philippe de GUILLEBON prend sa retraite en 1983 et laisse libre cours à sa passion pour la voile : il effectue de nombreux voyages dont un tour du monde en solitaire et traverse 5 fois l’Atlantique.

La reconnaissance

Plusieurs distinctions viennent récompenser sa carrière océanographique : il est fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite en 1977, Chevalier de l’Ordre du Mérite maritime en 1980, Officier en 1986 et Chevalier de la Légion d’Honneur en 1983.

Philippe De Guillebon © Sylvain Guichard, La Cité de la Mer
Le Commandant Philippe de GUILLEBON devant l’Archimède à La Cité de la Mer © Sylvain Guichard, La Cité de la Mer

Le 21 juin 2001, Philippe de GUILLEBON inaugure l’installation de l’Archimède dans la future Cité de la Mer qui ouvre ses portes au public un an plus tard.

Le 14 juin 2011, il revient à La Cité de la Mer à l’occasion de la soirée grand public « L’aventure française » pour partager ses expériences à bord de l’Archimède.

Crédits photos

© Archives de Vancouver (Canada) │ La Cité de la Mer, Sylvain GUICHARD │ Collection Philippe de GUILLEBON │ Collection Jean JARRY │ Collection Alain TOCCO