Quel a été votre rôle pendant l’expédition « Endurance22 » ?
Mon rôle a été d’être l’adjoint de Nicolas VINCENT, le responsable de l’expédition, pendant la préparation sur le dimensionnement des équipements du camp en cas de déploiement depuis la glace.
Parallèlement à ça, j’ai été en charge de monter l’équipe avec Nicolas pour trouver les bonnes personnes afin d’avoir une équipe la plus performante et polyvalente possible.
Environ 12 mois avant le début de l’expédition, j’ai été l’interlocuteur principal de l’armateur du navire, l’Agulhas II, pour préparer la mobilisation du matériel en cas de déploiement des équipements Subsea depuis le navire, mais également sur tous les aspects logistiques (plan de cargaison, localisation du carburant grand froid, trouver les solutions de communications satellites pour l’équipe et les équipes média pour les lives depuis la zone de recherche avec la problématique de la couverture satellite dans ces zones).
Il a fallu également préparer l’approvisionnement de plusieurs dizaines de m3 de carburant aviation pour les hélicoptères et pour les générateurs que nous avions prévus de faire tourner avec ce type de carburant afin de limiter l’approvisionnement de carburant à un seul type, le Jet 1A1.
J’ai été en charge de préparer et organiser les essais qui ont été réalisés en France, à Toulon pour les essais en mer (localisation d’un navire, expédition du matériel, hébergement de l’équipe, etc…). Puis une fois les essais en mer terminés, nous avons déplacé les équipements vers Gardanne pour mener les essais des « ice camp » (montage/démontage des tentes, essais pour faire les trous dans la glace).
Il a fallu trouver une patinoire synthétique pour se mettre le plus possible en situation pour que l’équipe répète les gestes et se familiarise avec l’ensemble du matériel. Tous ces essais ont mobilisé une équipe d’une douzaine de personnes et le transport de plusieurs tonnes de matériel.
Lors de ces essais, nous nous sommes rendu compte que les générateurs ne fonctionnaient pas correctement avec le type de carburant que nous avions prévu, nous avons donc dû trouver en urgence sur Cape Town un autre carburant pour les générateurs, le Polar Diesel. Sans ce carburant, les générateurs risquaient de s’arrêter et mettre en danger de mort l’équipe qui serait par conséquent privée de source d’énergie sur les camps (chauffage, préparation des repas, lumière, communications, etc…).
Une fois ces essais terminés, j’ai été en charge de la préparation de l’envoi par avion-cargo des plus de 30 tonnes de matériel vers l’Afrique du Sud. Il a fallu organiser une multitude d’actions pour que le matériel arrive en temps et en heure à Cape Town où l’équipe devait faire une pré-mobilisation pendant une dizaine de jours.
Cette pré-mobilisation consistait à réassembler les AUV Sabertooth et les préparer pour l’expédition, finaliser l’installation des shelters/containers de contrôle des AUV, tester les communications et enfin monter les structures métalliques qui seront déployées sur la glace en cas d’impossibilité pour le navire de rejoindre la zone de recherche. Nous avions seulement 10 jours pour préparer tout cela avant que le navire soit disponible pour embarquer tout l’équipement.
Il y a eu en permanence des obstacles à surmonter pour pouvoir être dans les temps. Cela allait d’un retard de livraison d’un équipement de location, à la hauteur des structures métalliques qui n’avait pas été bien prise en compte par notre prestataire sur Cape Town en charge du transport.
Du coup le passage d’un pont était un obstacle qui a retardé de 24 heures le transport que nous avons dû faire de nuit en enlevant certains feux rouges pour pouvoir se rendre jusqu’au quai où se trouvait le navire. Cet exemple est anecdotique, mais illustre bien les innombrables complications qu’il faut surmonter et pour lesquelles il faut trouver des solutions.
Dès que le contrat d’affrètement a démarré, nous avons bénéficié de quatre jours pour tout préparer. Il fallut souder des éléments sur le pont pour arrimer tous les équipements : charger un container 40 pieds, 2 containers 20 pieds, les AUVs, les shelters, les équipements des « ice camps », les motoneiges, les générateurs, les tanktainers de carburant aviation et polaire diesel pour les générateurs et motoneige, installer les antennes satellites pour les communications média, installer les équipements informatique en passerelle pour leur transmettre les informations de position en temps réel, installer nos GPS et notre matériel de positionnement sous-marin, enlever des éléments du pont du navire qui gênait à la manœuvre, etc…
Le challenge de cette mobilisation a été principalement du fait que le navire n’est pas un navire habitué à ce genre de mobilisation et de travail de survey. Nous avons dû donc nous adapter en permanence.
En parallèle de tout ça, il a fallu organiser l’arrivée des 65 membres de l’expédition avec toutes les variables qui vont avec (voyages, immigrations à l’arrivée, respecter le protocole COVID qui était en place, hébergement, transport vers le bateau des membres et de leurs innombrables bagages que nous avions sous-estimés !).
Malgré toutes les précautions, des complications de dernières minutes arrivent toujours. Un dédouanement d’un équipement a eu lieu le matin même du départ et a été livré sur le navire quelques minutes avant l’appareillage.
Combien de temps prépare-t-on en amont une expédition de cette ampleur ?
Le temps de préparation est différent selon le type d’équipement. Il a fallu de deux ans pour le choix du design des équipements des camps de glace à quelques jours pour le petit matériel. Le maître mot est l’organisation et l’anticipation pour chaque type d’équipement (disponibilité, délais de livraison, complexité de transport à cause de sa dangerosité).
Qu’est-ce qui est le plus compliqué quand on gère une expédition à distance ?
J’ai eu la chance de pouvoir me rendre à Cape Town sur le navire en novembre 2021 pour vérifier que ce que nous avions prévu était réalisable et aussi voir de visu si des modifications étaient nécessaires. Cela nous a permis de ne pas être pris au dépourvu au moment de la mobilisation sur le navire.
Cela a été également l’occasion de rencontrer tous les intervenants (AMSOL l’armateur du navire, l’agent pour préparer l’arrivée du fret aérien et des membres de l’expédition, l’entreprise en charge de la chaudronnerie et qui nous avait mis à disposition un hangar pendant les 10 jours de pré-mobilisation, etc…). Donc, finalement, la distance n’a pas été un problème, car c’est une variable que nous connaissions et qui a été maitrisée.
N’est-ce pas frustrant finalement de rester à terre ?
Si bien entendu, il y a un côté frustrant, mais tous les membres de l’expédition étaient animés par un seul objectif, la découverte de l’Endurance.
Lorsque l’on travaille sur ce type de projet, c’est le collectif qui prime avant les intérêts personnels. Ma motivation pendant tous ces mois a été de fournir à l’équipe tout le nécessaire pour qu’elle ait uniquement à se concentrer sur la mise en œuvre des équipements et la recherche de l’Endurance et non pas se faire polluer par des problèmes dus à un manque de préparation et d’anticipation.
Je pense que le but a été atteint. Lorsque Nicolas m’a contacté pour me dire qu’ils venaient de trouver l’Endurance, cela a été une véritable émotion et le sentiment du travail accompli. Toutes ces heures et ces nuits à penser si on n’a pas oublié quelque chose le valaient bien.