Portrait de Nicolas VINCENT

Interview

Quel a été votre rôle pendant l’expédition « Endurance22 » ?

Je suis le Subsea Project Manager de l’Expédition. Ce projet représente 3 ans de ma vie. J’ai été nommé par le sponsor du projet en 2019 alors que l’Expédition précédente venait de perdre un drone à $6M sous la glace.

Il m’a fallu repartir de la feuille blanche pour inventer et construire une solution capable d’intervenir par 3 000m de fond sous 5m de glace dérivante. Un défi que nul n’avait jamais réussi auparavant.

Pour cela, j’ai analysé les problèmes de dérives de glace, puis déterminé et construit le drone le plus adapté, et j’ai enfin dû inventer des procédures jamais employées auparavant dans l’industrie.

 

John SHEARS, Mensun BOUND et Nicolas VINCENT © Esther Horvath, endurance22.org

 

Vos études à Intechmer : quel fut votre cursus ? Avez-vous une anecdote particulière ? Qu’est-ce que cette formation vous a apporté dans votre carrière ?

J’ai étudié à Intechmer dans les années 1989-1991. Je suis de la promotion Marco Polo.

À cette époque, Intech prenait à peine ses marques dans le nouveau bâtiment de Collignon et était dirigé par JC. Guary.

En première année, j’ai été l’organisateur de la toute première journée Portes Ouvertes de l’institut et j’ai passé mon premier été sur site pour supporter le DRASSM (Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-marines) dans la fouille de la Bataille de Hougue. Il faut croire qu’une vocation était déjà née.

Mais ce qu’il me reste de mes années à Intechmer est surtout l’incroyable énergie, le professionnalisme, la rigueur et la volonté insufflés au quotidien par mes deux professeurs principaux, Anne Murat et Yann Mear.

Ce sont eux qui nous ont élevés, moi et mes camarades, pour devenir ce que nous sommes et nous leur devons beaucoup. Aujourd’hui, j’ai même le privilège d’avoir gardé un profond lien d’amitié et de respect envers eux.

C’est Yann Mear qui va propulser ma carrière et parvenir à me faire entrer comme stagiaire chez COMEX (Compagnie Maritime d’Expertises), où je serais embauché avant même l’obtention de mon diplôme.

J’ai passé 15 ans dans cette merveilleuse maison COMEX en collaboration directe avec son fondateur Henri Germain Delauze. Il a fait de moi ce que je suis devenu aujourd’hui.

 

S.A Agulhas II © Frédéric Bassemayousse, endurance22.org

Pourquoi chercher l’Endurance ?

Sir Ernest Shackleton est reconnu au Royaume-Uni comme le plus grand explorateur de tous les temps. Le Boss, celui dont le leadership est un exemple unanime.

« Pour les découvertes scientifiques, donnez-moi Scott ; pour la rapidité et l’efficacité du voyage, donnez-moi Amundsen ; mais lorsque le désastre frappe et que tout espoir est perdu, mettez-vous à genoux et priez pour Shackleton. »

Dans le monde Anglo-saxon, trouver l’Endurance était le Graal absolu, au même titre, si ce n’est plus, que le Titanic. Nulle épave au monde n’est plus mythique que l’Endurance.

 

Pourquoi cette épave est-elle qualifiée comme la plus difficile au monde à retrouver selon vous ?

« La recherche impossible de la plus fabuleuse épave » a ainsi été qualifiée par le journaliste Jonathon Amos (BBC Science, 4 février 2022).

Intervenir dans les fonds marins par plus de 3 000m d’eau reste tout de même un challenge, mais l’accomplir sous 5m de glace de mer dérivante est un exploit unique au monde. Cet exploit est comparable au premier pas de l’homme sur la lune en 1969.

Jusqu’à Endurance22, aucun groupement n’est seulement parvenu ne serait-ce qu’à établir la méthode pour réussir cet exploit sans précédent. Les conditions de l’Antarctique sont le défi absolu à toute prospection sous-marine non dérivante.

 

Epave de l’Endurance © Falklands Maritime Heritage Trust / National Geographic, endurance22.org

Pourquoi DOS a été sélectionné pour faire partie de cette aventure ? Quel savoir-faire/expertise a fait la différence ?

DOS (Deep Ocean Search) possède 30 ans d’expérience inégalée d’abord en France, mais aussi dans le monde. Cette équipe détient 4 records du monde, dont la cargaison de 100 tonnes de pièces d’argent la plus profonde du monde, appartenant au gouvernement britannique et récupérée par 5 200 m, ou la découverte de l’épave la plus profonde du monde, l’USS Samuel B Roberts, révélée par l’explorateur Victor Vescovo à 6 800 m de profondeur.

C’est aussi la découverte de l’avion de chasse de Saint-Exupéry, la réponse à la disparition des sous-marins Minerve et Aja San Juan, ou des participations aux enquêtes les plus complexes sur les incidents aériens depuis plus de 20 ans (AF447, MH370, MS804, etc.).

Aujourd’hui cette équipe intervient jusqu’à 11 000m de profondeur via le submersible Limiting Factor pour lequel DOS produit une veille technologique inédite. Enfin, c’est la capacité inédite de DOS à gérer des projets spéciaux intégralement qui a fait aussi la différence pour conduire la partie sous-marine de plus grande expédition polaire non gouvernementale.