Les sirènes
Nous nous représentons souvent les sirènes comme des créatures dotées d’un corps de femme sur une queue de poisson. Pourtant, dans l’Antiquité*, elles avaient l’apparence d’oiseaux à visage de femme, elles possédaient des serres* puissantes ou des pattes de lion. Elles étaient dotées d’une belle voix et parfois jouaient d’un instrument de musique, elles étaient alors pourvues de bras.
Le mot « sirène » qui vient du latin siren et du grec seirèn aurait deux significations : « attacher avec une corde » (rappel de l’épisode d’Ulysse dans « L’Odyssée », cf. ci-dessous) ou « clair et sec » car ce serait par temps clair, sec et sans vent que les sirènes apparaîtraient le plus souvent. Dans l’Antiquité*, les marins devaient s’attacher au mât de leur navire pour ne pas être tenté de rejoindre les sirènes, leur chants fascinants visant à les attirer sur les écueils*. Ce fut ainsi le cas d’Ulysse dans « L’Odyssée ».
Les sirènes sont les filles du dieu-fleuve Achéloos (la filiation est moins assurée du côté maternel : les muses, …).
Elles sont associées, dès le départ, à la mort. Ainsi, les sirènes, femmes à corps d’oiseaux, apparaissent sur des vases funéraires ou sur des tombes grecs. Elles évoquent l’oiseau à tête humaine qui incarnait l’âme des morts en Égypte.
Les sirènes symbolisent également le dernier refuge des noyés : elles prennent soin des marins morts et les emmènent au fond des mers, là où les vivants ne peuvent se rendre.
Il semble que la sirène à queue de poisson soit apparue dans la littérature vers le 8e siècle. Elle est représentée, tantôt comme une très jolie femme, dotée d’une belle poitrine, de cheveux toujours longs et ondulés, variant du blond au vert en passant par le roux flamboyant, tantôt comme un monstre hideux. Dans ce cas, la queue de poisson symbolisait une sorte de serpent et faisait d’elle un véritable démon femelle, symbole de la luxure* (représentée par le miroir et le peigne qui évoquent les prostitués). Argument repris par l’Eglise chrétienne : la sirène représente l’amour charnel. L’élément dans lequel elle évolue, la mer, est un espace inconnu, insondable, constituant le domaine du diable.
Femme-oiseau et femme-poisson coexistent au Moyen Âge* et ont les mêmes fonctions : elles attirent les marins par leur beauté, les envoûtent par leurs chants mélodieux, les endorment puis les tuent et les dévorent.
Une mort certaine attend donc les navigateurs (noyade ; erreurs de navigation du marin en raison de sa baisse de vigilance ce qui peut être fatal en mer …). La vue d’une sirène par un marin, qu’il soit en mer ou à terre, est d’ailleurs un présage de malheur : tempête, mauvaise pêche, mort,…
Puis progressivement, la femme-oiseau laisse la place à la femme-poisson : à partir des années 1500, elle disparaît définitivement. Il est d’ailleurs intéressant de préciser que les européens du nord, les asiatiques… avaient déjà intégré les femmes-poissons dans leurs traditions orales ou écrites.
L’image associant la sirène à une séductrice maléfique va s’estomper avec la publication, en 1836, par Hans Christian Andersen de La Petite Sirène. Celle-ci voulant vivre parmi les humains, échange sa voix contre deux jolies jambes. Mais elle ne parvient pas à séduire celui qu’elle aime et, tandis qu’il en épouse une autre, elle disparaît dans la mer avant de se transformer en fille des airs.
Selon Aliette Geistdoerfer, anthropologue, les sirènes « représentent les épreuves que doivent passer les terriens pour devenir marins. […] Le marin en mer qui aperçoit une sirène est attiré par cette femme nue […] S’il se laisse aller à ses charmes, il mourra, non pas en termes physiques, mais parce qu’il restera en mer et ne reviendra pas à terre. Le terrien laissera la place au marin […]. » Mais « s’il rejette cette écoute […], il s’expose également à une certaine forme de mort […], il se détourne de la mer et reviendra à terre. Le marin doit (donc) écouter la sirène, elle lui apprendra à connaître et à apprécier la mer mais il ne doit pas se donner à elle ».
Les naturalistes* ont émis plusieurs hypothèses quant à la nature de la sirène. Elle serait, pour les uns, un lamantin (mammifère herbivore dont la poitrine chez les femelles porte deux seins apparents), pour les autres, une espèce de phoque ou une raie manta. Celle-ci possède en effet deux diverticules* sous le ventre pouvant atteindre un mètre de long et ainsi être assimilés aux bras d’une femme-poisson !
Les Néréides
Elles englobent les 50 filles issues de l’union entre Nérée et Doris. Avant elles, 300 nymphes* de l’eau naquirent de l’amour incestueux entre le dieu Océan et sa sœur Thethys : ce sont les Océanides (parmi elles, Euromyne représentée comme une sirène et Doris qui deviendra la femme de Nérée).
Les Néréides, « filles des vagues », forment une variété de sirènes vivant exclusivement dans la mer Méditerranée et la mer Egée. Chevauchant des monstres marins, elles symbolisent le mouvement de la mer.
Elles sont représentées comme des nymphes* très belles, portant souvent des perles dans leur longue chevelure. Elles vivent au fond de la mer dans le palais de leur père, Nérée, et passent leur temps à filer, tisser, chanter et s’amuser dans les vagues. Contrairement aux sirènes, les Néréides protègent les marins, et n’utilisent leur merveilleuse voix que pour contenter leur père et non pour attirer les navires contre les récifs. Une seule fois, elles firent preuve de cruauté : Cassiopé, reine légendaire d’Éthiopie, ayant prétendu qu’elle était plus belle que les Néréides, celles-ci protestèrent auprès de Poséidon qui envoya un monstre marin ravager le pays.
Le « monstre marin en habit d’évêque »
Le « monstre marin en habit d’évêque » est l’un des personnages fabuleux représenté dans un ouvrage de Guillaume Rondelet au 16ème siècle. Le naturaliste* raconte que ce monstre en habit d’évêque avait été présenté au roi de Pologne en 1531. Peu impressionné, il fit comprendre par certains gestes qu’il voulait rejoindre la mer. On l’y amena donc et il s’y jeta aussitôt. Plusieurs hypothèses ont été émises pour tenter d’expliquer ce qu’était réellement cette créature. Ainsi, on a supposé que le poisson-évêque était un grenadier, poisson très présent dans les eaux norvégiennes : son museau allongé pouvant faire penser à la mitre* épiscopale.
D’autres créatures semblables (moine-marin, phoque-moine) ont donné lieu à de nombreuses histoires fantastiques au Moyen Âge* et à la Renaissance*. Qu’ils aient pour explications poisson, calmar ou phoque, il semblerait que ces récits ne soient pas dénués d’ironie* envers le clergé catholique de l’époque.
Le roi des Auxcriniers
En littérature, le roi des Auxcriniers est l’un des personnages décrit par Victor Hugo dans « Les travailleurs de la mer ». Il est représenté comme un monstre marin redoutable habitant la mer de la Manche.
Mi-homme mi-poisson, son allure est terrifiante : « Une tête massive en bas et étroite en haut, un corps trapu, un ventre visqueux et difforme, des nodosités* sur le crâne, de courtes jambes, de longs bras, pour pieds des nageoires, pour mains des griffes, un large visage vert, tel est ce roi. Ses griffes sont palmées et ses nageoires sont onglées. »
« Le Roi des Auxcriniers n’est visible que dans la mer violente ». Il se tient tout entier hors de l’eau et comme un fou, entame une danse, à la vue d’éventuels navires en détresse. Il suffit de l’apercevoir pour faire naufrage aussitôt…
Pour en savoir plus : http://expositions.bnf.fr/hugo/grands/250.htm
Les Tritons
Triton est le fils d’Amphitrite (déesse des mers et fille de Nérée) et de Poséidon. Divinité de la mer à figure humaine et à queue de poisson, il est armé d’une conque* dans laquelle il souffle pour apaiser les flots déchaînés.
Triton contribua à la victoire des dieux contre les Géants qu’il terrifia avec le son de sa conque*. Il aida également les Argonautes, échoués par une énorme vague jusqu’en Libye, à reprendre la mer. On dit aussi que c’est à Triton que Zeus demanda de faire reculer les eaux du déluge.
A côté de ce dieu, existent des tritons qui apparaissent aux mêmes époques et dont l’apparence physique est la même, mais qui n’ont pas de légende et ne semblent jouer qu’un rôle décoratif. Ainsi, tandis que les Néréides escortaient Aphrodite et Amphitrite, Poséidon lui, était accompagné des tritons.
Sous l’Empire romain on assimile les Néréides à des êtres marins réels, les tritons étant l’équivalent masculin mythologique des Néréides. Les premiers naturalistes* ne veulent pas admettre l’existence de ces semi-humains, mais Pline l’Ancien (écrivain latin), n’est pas de cet avis. Il raconte qu’un triton jouant de la conque* a été vu dans une grotte et qu’un autre, dans l’océan de Cadix, a été observé montant à bord des bateaux et les faisant sombrer par sa seule présence.
Au 2ème siècle après J.-C., Pausanias (géographe et historien grec) croit également à l’existence des tritons, il les décrit portant des algues sur la tête avec un corps couvert d’écailles, une bouche édentée, des mains en forme de coquilles et des jambes en forme de queue de dauphin. Cette croyance perdurera jusqu’au début du 19ème siècle.