Dans l’Antiquité*, tout ce que l’homme ne peut pas atteindre (le ciel, le fond des mers…) est le domaine des dieux et des héros. Ainsi, l’un des douze travaux d’Hercule fut de tuer l’Hydre de Lerne, serpent d’eau à corps de chien possédant plusieurs têtes.
Poséidon, le dieu grec des mers et des océans (Neptune chez les romains), apparaît dans de nombreux récits dont « L’Odyssée » d’Homère où il poursuit Ulysse de sa vengeance, car le héros a tué son fils, le cyclope Polyphème.
A la Renaissance*, l’homme sait peu de chose du monde marin. Sur les cartes marines ou portulans, les cartographes font apparaître des monstres marins pour orner les espaces vides, mais aussi parce que l’on croyait encore en leur existence et qu’ils apparaissaient comme des démonstrations divines.
Dans la « Cosmographie » de Münster, publiée en 1552, les contours du monde sont plus précis : les océans sont mieux dessinés et le continent américain, récemment découvert, est inséré. Et l’on note, aussi étonnant que cela puisse paraître, la présence de monstres marins ! Ces ouvrages remportaient beaucoup de succès. Cela peut expliquer en partie la persistance de ces images dans les traités géographiques ou scientifiques.
En 1561, Olaus Magnus évoque les horribles monstres marins qui se trouvent sur la côte norvégienne : « Il se trouve dans la mer de Norvège, des poissons forts étranges et monstrueux, dont on ne connaît pas le nom […], ils provoquent une grande frayeur quand on les regarde et semblent fort cruels. »
Dans de nombreux ouvrages (Ambroise Paré, Ulysse Aldrovandi, Conrad Gesner…) sont évoqués les monstres marins avec des noms toujours évocateurs :
- la vache marine
- le monstre marin rhinocéros
- le poisson dit ailé
- le limaçon de la mer Sarmatique
- le lion marin couvert d’écailles
- le moine marin
- la hyène cétacée qui possède trois yeux sur le corps
- le cheval de mer
- le veau marin
- la truie marine
- l’aigle de mer
- le diable de mer décrit comme ayant » la tête fort curieuse, avec deux cornes et longues oreilles, et tout le reste du corps d’un poisson hors les bras qui approchaient du naturel »…
Cette liste n’étant pas exhaustive !
Ces monstres de la Renaissance* recoupent en fait des catégories animales réelles, pas encore bien identifiées.
Ainsi, Ambroise Paré écrit à propos de la baleine qu’elle est « le plus grand monstre poisson qui se trouve en la mer ». Le requin quant à lui est évoqué sous le nom général de « lamie ». Ambroise Paré dépeint la voracité de ce poisson qui s’attaque à ses congénères mais également aux hommes : ainsi, il écrit qu’ »un homme entier tout armé » a été retrouvé dans l’estomac d’un « lamie ».
Les encyclopédies zoologiques, ouvrages par nature rigoureux et descriptifs, contiennent également des illustrations de monstres marins. En 1555, Pierre Belon (naturaliste* et médecin) consacre dans son livre une rubrique aux monstres marins avec, entre autre, une illustration d’un « monstre marin ayant façon d’un moyne » ! Il est pourtant considéré comme le premier écrivain scientifique en langue française !
Traversant les siècles, les monstres marins réapparaissent au 17ème et 18ème siècle, se déclinant en figures de proue ou en éléments de décoration. Au 19ème siècle, des écrivains comme Victor Hugo ou Jules Verne les font revivre : pieuvre géante dans « Les Travailleurs de la mer » (1866) ou poulpe gigantesque dans « Vingt Mille Lieues sous les mers » (1870).
Au 20ème siècle, le cinéma (science-fiction, horreur, aventure…) s’empare des monstres marins : « Vingt Mille Lieues sous les mers » de Richard Fleisher (1954) ; « Moby Dick » de John Huston (1956) ; « Le sous-marin de l’apocalypse » d’Irwin Allen (1961) ; « Abyss » de James Cameron (1989) ; …