4 juillet 2000 – Le transfert du Redoutable. Construit à Cherbourg, Le Redoutable est le 1er sous-marin nucléaire français. Lancé le 29 mars 1967, il rejoint le 4 juillet 2000 La Cité de la Mer. Une nouvelle vie « touristique » commence pour le « bateau noir ».

Le Redoutable : premier sous-marin nucléaire français

Le Redoutable est le premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) français.

Il est le 76e sous-marin construit à l’Arsenal de Cherbourg.

Il aura nécessité :

  • 14 000 000 heures de travail,
  • 6 000 plans de construction,
  • 7 000 tonnes d’acier,
  • 6 km de soudure de coque,
  • 24 tronçons d’un poids unitaire de 200 tonnes.
Ecorché du SNLE Le Redoutable © DCNS
Ecorché du SNLE Le Redoutable © DCNS

Le Redoutable mesure 128 mètres de longueur sur 10,60 mètres de largeur et pèse 8 000 tonnes.

Son immersion maximale est supérieure à 200 mètres.

Il peut se déplacer, en plongée, à plus de 20 nœuds (soit environ 36 km/h).

ouvriers © Collection Jean PIVAIN
Ouvriers du Redoutable © Collection Jean PIVAIN
en construction à l’Arsenal de Cherbourg © DCNS
Le Redoutable en construction © DCNS
en construction à l’Arsenal de Cherbourg © DCNS
Le Redoutable en construction © DCNS
en construction à l’Arsenal de Cherbourg © DCNS
Le Redoutable en construction © DCNS
L’équipe de manoeuvre plage avant du Redoutable pendant les essais © ECPAD
L’équipe de manœuvre plage avant du Redoutable pendant les essais © ECPAD

La dissuasion nucléaire

Dans un contexte de Guerre froide opposant les États-Unis à l’Union Soviétique, le Général de Gaulle décide, dès son arrivée au pouvoir en 1958, de constituer une force de dissuasion nucléaire nationale au travers du programme Cœlacanthe.

« L’accession de la France à la puissance atomique et son accession à son indépendance en matière de défense sont pour elle, désormais, une garantie essentielle et sans précédent de sa sécurité propre. – Charles de Gaulle, Président de la République

Le programme Cœlacanthe englobe l’étude, le développement et la construction :

  • de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et de leur dispositif de propulsion et de mise à feu ;
  • de missiles balistiques munis de têtes nucléaires ;
  • d’infrastructures dédiées telles que l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelatte ou la base navale de l’Ile Longue…

En 1967, avec le lancement du Redoutable, la France devient le 4e puissance mondiale à se doter d’une force de dissuasion nucléaire sous-marine. La même année, les Anglais mettent en service effectif le HMS Resolution, un sous-marin nucléaire lanceur d’engins.

Ce sont les Américains qui ont construit le 1er sous-marin propulsion nucléaire : l’USS Nautilus lancé en 1954. Ils sont suivis, en 1957, par les Russes avec le K-3 Leninski Komsomol.

29 mars 1967 : Lancement du Redoutable à Cherbourg

« Je félicite tout l’Arsenal de Cherbourg. C’est une journée capitale. Capitale pour notre marine, et par là, pour notre défense, et par là, pour notre indépendance. » – Charles de Gaulle, Président de la République

Découvrez sur le site de l’INA, la vidéo des actualités françaises montrant le lancement du Redoutable en présence du Général de Gaulle le 29 mars 1967.

Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © Marni BONNEMAINS
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © Marni BONNEMAINS
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE. © Marni BONNEMAINS
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © Marni BONNEMAINS
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © DCNS, Naval Group
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE.
Lancement officiel du Redoutable à Cherbourg, le 29 mars 1967, en présence du Général DE GAULLE © SHD

Reportage de la Marine Nationale sur la construction du SNLE Le Redoutable et son lancement en présence du Général de Gaulle le 29 mars 1967.

Le Redoutable en patrouille

Deux équipages rouge et bleu sont affectés au sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Redoutable, permettant ainsi d’avoir en permanence en mer une force de dissuasion.

Ces équipages fonctionnement par « roulement » : par exemple quand l’équipage rouge est en mer, l’équipage bleu est en permission ou en entraînement. Au bout d’environ 65 à 70 jours en mer, l’équipage rouge est relevé par l’équipage bleu.

Á bord du Redoutable, l’équipage de 135 hommes est composé de :

  • 15 officiers dont le Commandant, 4 ingénieurs et 1 médecin,
  • 100 officiers sous-mariniers dont 50 brevetés supérieurs,
  • 15 quartiers-maîtres,
  • 5 matelots sans spécialité de contingent.

En 20 ans, plus de 2 500 hommes ont été affectés à bord avec une moyenne d’âge de 24 ans.

Quels sont les moyens de communication à bord du Redoutable ?

Le Redoutable dispose de différents moyens de communication :

La transmission sans fil (TSF)

Les communications avec l’extérieur (état-major, familles) s’effectuent par ondes électromagnétiques de basse fréquence.

  • Communication en surface : 5 antennes sont toujours disponibles au sommet du kiosque pour opérer dans différentes bandes d’ondes ;
  • Communication en immersion profonde : seules les ondes LF (Low Frequency / basse fréquence) et VLF (Very Low Frequency / très basse fréquence) peuvent être captées.

Les ondes LF pénètrent légèrement dans l’eau et peuvent être reçues en plongée par des antennes immergées proche de la surface.

Les ondes VLF pénètrent dans l’eau de quelques mètres et peuvent être reçues en plongée. Le problème avec ce type d’ondes, est qu’elles pénètrent difficilement dans l’eau, ce qui oblige le sous-marin à se trouver proche de la surface.

Pour recevoir les ondes LF et VLF, Le Redoutable dispose de 2 moyens :

  • une bouée remorquée par un câble dont la longueur peut atteindre plusieurs centaines de mètres. Elle est pilotée automatiquement à quelques mètres de profondeur par un système de gouvernail.
  • une antenne filaire qui émerge en haut à l’arrière du massif et remonte à la surface. Elle peut capter où émettre des signaux basse fréquence. Elle évite ainsi au sous-marin de remonter trop près de la surface.

Le PC Radio est donc équipé de plusieurs appareils pouvant émettre ou transmettre des informations par ondes électromagnétiques :

  • 1 ERUM : émetteur radio mixte
  • 1 RRUM : récepteur radio mixte
  • 2 TUUM : émetteur- récepteur ultra sonore mixte

Cette technique de communication est l’installation privilégiée à bord des SNLE. Elle permet de donner des ordres aux sous-marins en plongée.

La force de dissuasion nucléaire française reste donc en permanence opérationnelle par ce canal. Les installations d’émissions sont réparties sur le territoire français.

Le téléphone

Le téléphone installé à l’intérieur du PC Radio fonctionne par ondes acoustiques.

Celles-ci n’ont qu’une portée de quelques nautiques. Le téléphone n’est donc utilisé à l’émission uniquement en surface pour joindre la terre et dans certaines circonstances où l’indiscrétion n’est pas à craindre.

Le sous-marinier J-L Laesser interviewé par Jacques Druel raconte :

« Le 14 juillet 1969, l’équipage du Redoutable était confiné pour trois jours à bord pour un essai d’autonomie.

Le sous-marin était totalement fermé, la seule liaison avec la terre était la ligne téléphonique. Le service radio avait connecté sur la diffusion du bord une émission de radio dont le thème était « Ceux qui ne défilent pas ».

L’animateur invitait des militaires à lui téléphoner pour lui préciser la raison de la non-participation aux cérémonies patriotiques. Dans notre chambrée étaient regroupés les détecteurs et les DSM, qui n’avaient pas grand travail pendant cet essai. L’idée de téléphoner à cet animateur nous est venue.

Après prise de contact, il s’est montré très sceptique lorsque nous lui avons dit que nous étions à bord du Redoutable et demandait à parler au Commandant. Je suis monté au pont supérieur, voir le Commandant, le CF Louzeau, lui expliquer notre démarche et l’inviter à prendre contact avec l’animateur.

Le Commandant s’est prêté au jeu et a expliqué à cet animateur ce que nous faisions. En quittant notre chambrée, le Commandant nous a fait une petite remontrance pour l’initiative de cet appel téléphonique. »

Le morse

Bien qu’équipé de matériels modernes capables de transmettre des messages à vitesse ultra rapide, Le Redoutable dispose également d’un manipulateur morse. Les transmetteurs devenaient alors des « Tac-Tac ».

Pendant la période d’essais du Redoutable, entre 1970 et 1971, les transmetteurs réceptionnaient parfois des messages en code morse comme le bulletin météo grâce au système récepteur-téléscripteur-décodeur.

Toutefois, les transmetteurs envoyaient rarement des messages, même en morse, discrétion oblige. De plus, pour des raisons techniques, le sous-marin devait se trouver à faible profondeur.

Ensuite, de son entrée au service actif jusqu’à la fin des années 1980, le morse était quelque fois utilisé à bord du Redoutable pour contacter un navire de surface mais uniquement au moment du départ ou de retour de patrouille. Hors de ces périodes et en plongée, Le Redoutable était en silence radio !

L’évolution technologique des appareils de transmissions ont peu à peu fait disparaître l’utilisation du morse à bord des SNLE.

Comment Le Redoutable connaît-il sa position ?

Lorsqu’il est en plongée, le sous-marin a besoin de connaître sa position. Il dispose pour cela de plusieurs moyens, souvent complémentaires.

A BORD DU SNA SAPHIR
Sous-marinier au périscope à bord du SNA Saphir © Marine Nationale, V. MAUPILE
  • Le périscope est le moyen classique de positionnement des sous-marins.

Il a l’avantage de permettre de se situer par rapport à des points fixes : côtes, étoiles la nuit. Seul inconvénient : cela implique que le sous-marin soit proche de la surface, donc facilement repérable.

  • Le sonar actif permet au sous-marin de se repérer par rapport au fond de l’océan.

Il consiste à émettre des ondes sonores qui sont réfléchies par le fond.

La mesure du temps nécessaire à ces ondes pour revenir au sous-marin et la connaissance de la célérité du son dans l’eau de mer permet de calculer la distance du sous-marin par rapport au fond.

Cette technique présente l’inconvénient, pour un sous-marin militaire, d’émettre des ondes sonores et donc de nuire à sa discrétion.

  • Les centrales inertielles (ou centrales à inertie) sont des appareils basés sur l’utilisation de gyroscopes, de capteurs d’accélération et de vitesse angulaire.

Elles permettent de calculer en temps réel à partir de ces mesures, l’évolution du vecteur vitesse et de la position du sous-marin, ainsi que de son attitude : roulis, tangage, cap.

  • Le GPS est utilisé par le sous-marin lorsqu’il est proche de la surface (immersion périscopique).

Le système GPS fonctionne grâce à une constellation de 24 satellites tournant à plus de 19000 km au-dessus de la Terre.

Ils transmettent en continu leur position dans l’espace ainsi que l’heure précise. Ils révolutionnent autour de la Terre en 12 heures.

En se positionnant par rapport à 3 satellites, le sous-marin peut connaître de façon très précise sa longitude et sa latitude.

Comment sont produits l’eau et l’oxygène à bord du Redoutable ?

Une centaine de sous-mariniers vivent à bord du sous-marin en autonomie totale et pendant plusieurs semaines.

Ils ont besoin d’oxygène et d’eau douce qui sont produits à bord.

  • La production d’eau douce est assurée par distillation d’eau de mer.

Le principe consiste à faire bouillir de l’eau de mer. Seule l’eau se vaporise. La vapeur est ensuite condensée par refroidissement et donne de l’eau douce.

La « saumure » (partie non vaporisée fortement concentrée en sel) est rejetée à la mer. Cette eau sert à la vie quotidienne des sous-mariniers : boisson, douche, lavabo… Elle est également indispensable au fonctionnement du sous-marin :

  • chaufferie,
  • propulsion,
  • circuits de refroidissement,…

Les eaux usées ne sont pas recyclées. Elles sont recueillies dans des caisses qui, une fois pleines, sont évacuées vers l’extérieur par pompage ou par chasse selon le type de sous-marin.

  • La production d’oxygène est réalisée par électrolyse d’eau douce.

L’oxygène est produit par électrolyse de l’eau et diffusé dans la ventilation du bord.

Le principe consiste à appliquer une différence de potentiel entre deux électrodes plongeant dans de l’eau rendue conductrice par l’adjonction d’hydroxyde de potassium. La réaction produit du dihydrogène et du dioxygène.

Le dioxygène est diffusé dans le circuit de ventilation du sous-marin.

Le dihydrogène est évacué en continu à l’extérieur, il se dissout dans l’eau de mer.

Pour éliminer le dioxyde de carbone rejeté naturellement par les membres d’équipage, l’air du sous-marin passe en permanence dans une installation qui récupère le dioxyde de carbone ainsi que d’autres polluants comme le monoxyde de carbone, les fréons…

L’efficacité de cette installation permet de maintenir la composition de l’atmosphère de bord identique à celle que l’on respire dans des lieux non pollués sur terre.

L’air du bord est pur et contrôlé en continu. Il est également interdit de fumer sur les sous-marins français.

1991 : Désarmement du Redoutable

démentèlement © DCNS
© DCNS

Le Redoutable termine sa vie active en 1991 et rejoint Cherbourg le 7 octobre, après 20 années d’exercice, 58 patrouilles et 90 000 heures de plongées.

Son constructeur, DCN, devenu depuis DCNS, se lance alors dans son démantèlement qui durera un peu plus de 2 années.

Dans le courant de l’année 1993, la tranche réacteur est séparée du reste du sous-marin. Elle est transportée sur une aire antisismique spécialement aménagée et protégée.

Doit-on réhabiliter le premier sous-marin nucléaire qui a assuré l’indépendance militaire de la France ? Cette idée germe dans l’esprit de passionnés…

Le Redoutable : « un objet du patrimoine maritime »

En 1989, pour la première fois, une étude est menée. Le ministère de la Défense est prêt à confier Le Redoutable à une collectivité.

Mais, le coût d’une réhabilitation du sous-marin est estimé à 400 millions de francs. Les élus locaux de Cherbourg abandonnent l’idée.

Parallèlement, l’ancienne Gare Maritime Transatlantique de Cherbourg est sur le point d’être condamnée à la démolition…

Les membres de l’association pour une Cité Navale ne baissent pas les bras et maintiennent le projet en continuant les discussions avec l’Etat et en obtenant des subventions.

LOUZEAU Bernard
Amiral Bernard LOUZEAU © Libre de droits

L’Amiral LOUZEAU, 1er commandant de l’équipage bleu du sous-marin appuie le dossier auprès du plus haut représentant de l’Etat.

En 1994, les élus dont Bernard CAUVIN, président de Communauté urbaine de Cherbourg attrapent le virus de La Cité de la Mer. Ils imaginent localiser ce nouveau lieu touristique dans l’ancienne Gare Maritime Transatlantique.

Il est ainsi décidé que Le Redoutable deviendrait le pôle principal de la future Cité de la Mer. Il sera exposé à sec dans une darse spécialement conçue à cet effet : il deviendra le premier sous-marin nucléaire visitable au monde.

Le 19 janvier 1996, le ministère de la Défense fait don du Redoutable à la Communauté urbaine de Cherbourg en vue d’en faire l’attraction de la future Cité de la Mer.

Cette opération unique en son genre, réalisée par l’arsenal de Cherbourg en collaboration avec la Communauté urbaine de Cherbourg nécessite un investissement de 25 millions de francs, financé en totalité par le ministère de la Défense.

« Le Redoutable va devenir un objet du patrimoine maritime »

François Milou, architecte de La Cité de la Mer

1998-2000 : Une seconde vie pour Le Redoutable

Dans l’après-midi du lundi 30 novembre 1998, Le Redoutable quitte le bassin Charles X de l’arsenal pour regagner le bassin Napoléon III. De là, il est mis à sec pour commencer les travaux d’aménagements intérieurs.

18 mois et 60 000 heures de travaux seront nécessaires pour préparer la nouvelle carrière du Redoutable. L’objectif est de proposer un parcours de visite de 45 minutes et de recréer l’ambiance à bord d’un SNLE en patrouille.

Redoutable © Baptiste Almodovar (2)-min
© Baptiste ALMODOVAR

Deux hommes relèvent le défi de transformer le sous-marin en musée : René Nivez, chef de projet ingénieur à la DCN et Denis Thiphaine, directeur du chantier.

« Même les yeux bandés, on peut vous faire visiter Le Redoutable. Depuis dix-huit mois, nous vivons à l’intérieur. » – René Nivez

Remplacer le réacteur

démentèlement © DCNS
Le sous-marin est d’abord coupé en deux © DCNS

Le projet de transformer Le Redoutable en attraction comportait une étape particulièrement délicate : la pose d’une fausse tranche de sous-marin à la place de la chaufferie nucléaire. Pour cela, la DCN fait venir une grue.

Cette manœuvre nécessite plusieurs semaines de travail pour une manipulation qui ne dure que quelques dizaines de minutes.

Lentement, la nouvelle coque de 70 tonnes est descendue avant de réaligner l’ensemble petit à petit. Cette manœuvre n’est pas sans difficulté. En effet, au moment de réunir les deux parties, la partie arrière du bâtiment se positionne de travers.

Heureusement, après des heures de réflexion et des nuits sans sommeil, une solution est trouvée. Cette partie du sous-marin sera accessible aux personnes à mobilité réduite, elles pourront y visionner un film sur le parcours de visite.

Mise en place d’une scénographie

160 personnes pourront s’embarquer simultanément pour des plongées fictives de 45 minutes.

Equipé d’un audio-guide, le visiteur pourra suivre le commentaire au fil de sa visite, mais aussi vivre en temps réel la vie d’un équipage en mission au cœur des abysses.

Afin de mettre en place un parcours de visite adapté au grand public, une vingtaine de personnes est mobilisée.

Redoutable © Baptiste Almodovar, Handiprint (8)-min
Un plancher en verre est installé dans une chambre afin que les visiteurs puissent découvrir l’hôpital, un pont en dessous © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint

Il faut d’abord sécuriser Le Redoutable, sont alors installés :

  • des accès,
  • des garde-corps,
  • une ventilation,
  • un éclairage,
  • une sonorisation

Le local radio est supprimé tandis qu’un escalier est posé. Des câbles sont enlevés et d’autres sont rajoutés. On ouvre des portes.

L’accès s’effectue par la partie arrière du bâtiment et la sortie au niveau des tubes lance-torpilles à l’avant du sous-marin.

Des travaux de scénographie sont effectués afin de mettre en évidence les parties les plus spectaculaires du Redoutable :

  • l’électronique,
  • les tubes lance-missiles,
  • les locaux de vie et l’hôpital…

Par exemple, un plancher en verre est installé dans une chambrée située près de la cafétéria afin que les visiteurs puissent découvrir l’hôpital, un pont en dessous.

Une darse sur mesure

Creusée entièrement dans la partie nord du quai de France et à ciel ouvert, les travaux de la forme de radoub* débute en juin 1999.

La darse de La Cité de la Mer devait être conçue pour répondre à un projet touristique. C’est pourquoi, elle ne répond pas aux normes des bassins destinés à accueillir les bâtiments militaires en construction ou en opération programmée d’entretien.

La darse est effectivement trop étroite pour permettre le passage d’un navire accompagné d’un attelage de remorqueurs ou de pousseurs et, elle est très haute par rapport au niveau moyen de la mer.

Le Redoutable ne peut donc pénétrer dans la darse qu’à marée haute de fort coefficient, et par conditions météorologiques parfaites.

Toutes les prouesses techniques doivent être réunies pour introduire et échouer un bâtiment de 128 mètres de long sur 10,60 mètres de large dans une darse de 136 mètres sur 19 mètres.

La darse est en effet dépourvue d’un dispositif de fermeture, de moyens d’assèchement et d’infrastructures de manutention ou d’amarrage.

Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
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Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg
Visite du Redoutable à La Cité de la Mer de Cherbourg © Baptiste ALMODOVAR, Handiprint

Le Redoutable ne passe pas…

Le déroulement des travaux ne se fera pas sans mauvaise surprise.

À l’automne 1999, le dessinateur de l’arsenal met sur papier le sous-marin en position d’entrée devant la forme.

Il s’aperçoit très vite que les ailerons du Redoutable ne peuvent pas franchir la forme. En effet, la porte de la forme mesure 12,60 mètres tandis que la largeur du sous-marin est estimée à 13,50 mètres.

Deux solutions s’offrent aux ingénieurs : agrandir la porte de la forme ou découper les ailerons du Redoutable.

La seconde solution est choisie pour des raisons de coûts et de délais. Il est effectivement décidé de réduire chaque aileron de 1,05 mètre afin de réduire la largeur du sous-marin à 11,40 mètres.

Les ailerons seront ressoudés après l’entrée du Redoutable dans la darse qui doit définitivement l’accueillir.

Une météo optimale

Afin de relever le défi de faire entrer Le Redoutable dans la darse, la Marine Nationale et DCN, co-responsables de la cession du sous-marin à la Communauté urbaine de Cherbourg, ont défini un créneau de faisabilité de 3 jours.

Cela correspond aux plus grandes marées du début de l’été 2000, la force du vent pouvant les contraindre à annuler le transfert jusqu’à la dernière minute.

L’opération de transfert est jugée impossible par houle de plus de 50 centimètres de hauteur. Elle est seulement envisagée sous réserve d’une étude particulière pour tout risque de clapot compris entre 30 et 50 centimètres.

Les conditions météorologiques sont donc déterminantes dans les heures qui précèdent la manœuvre.

La date du 4 juillet 2000 est choisie car une marée d’un coefficient 101 est prévue.

Si les conditions météorologiques ne sont pas réunies, l’opération pourrait être reculée de plusieurs mois en attendant de forts coefficients de marées…

2000 : Le transfert vers La Cité de la Mer

Avant de rejoindre La Cité de la Mer, Le Redoutable doit subir une dernière révision et changer de lieu.

Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY

Lundi 26 juin 2000, 11h15 : René Nivez, chef de l’opération donne l’ordre à Denis Tiphaigne d’ouvrir les vannes.

L’eau pénètre dans la forme 5 où Le Redoutable subit une transformation depuis 18 mois pour devenir un sous-marin visitable par le grand public.

L’eau doit atteindre 7,50 mètres pour que l’objectif soit atteint.

L'arrivée du Redoutable à La Cité de la Mer

13h00 : Le bassin est rempli mais Le Redoutable ne flotte toujours pas. L’avant du navire commence cependant à bouger. Plusieurs hommes montent à bord. La grue relève la passerelle. L’arrière du sous-marin flotte enfin. Le bateau–porte* vide ses ballasts* et gagne 1 mètre.

L’eau du bassin Napoléon III s’engouffre dans la forme. Petit à petit, la porte s’écarte. Les deux remorqueurs de la direction du port peuvent entrer à leur tour. L’un se place sur le côté, l’autre devant. Un petit pousseur dégage Le Redoutable.

Lentement le sous-marin se place face à la sortie. Un câble est lancé du remorqueur Saire. Les marins courent sur le sous-marin, l’attrapent et l’arriment. Le long de la forme, les aussières* sont dégagées. Le Redoutablepeut enfin quitter la forme 5.

13h30 : Le Redoutable a définitivement quitté les lieux. A quai, il va subir une dernière révision avant de reprendre la mer le mardi 4 juillet…

Un public conquis

Le grand jour est arrivé pour Le Redoutable. Bien que les responsables du transfert du sous-marin n’aient pas prévu de manifestation populaire, le public peut suivre toutes les opérations depuis la jetée du port de plaisance Chantereyne, la jetée du Surcouf, le long de la plage verte ou encore en mer.

Pour que cette traversée reste une journée inoubliable, la Communauté urbaine de Cherbourg et la Marine Nationale ont souhaité que la navigation soit autorisée en petite rade.

C’est ainsi que tout au long de son transfert, Le Redoutable est accompagné par une flottille d’embarcations de toutes sortes : remorqueurs, pousseurs, vedettes, voiliers, chaloupes, engins pneumatiques, kayaks de mer et même les Optimist des enfants de l’Ecole de voile.

Les marins doivent cependant respecter les distances de sécurité : 50 mètres sur les côtés, 100 mètres derrière et 150 mètres devant.

De même, pour des raisons de sécurité, le public ne peut pas assister à l’entrée du Redoutable dans la darse.

Deux milles ballons seront donc lâchés au moment de l’entrée du sous-marin pour le prévenir de l’arrivée du Redoutable à « bon port ».

« Ce souvenir, je le garderai pour toujours dans mon cœur. Fanny, élève de Tourlaville »

Les passagers du ferry Normandie, massés sur le pont attendent le spectacle.

Les autorités locales et de nombreux sous-mariniers, ingénieurs, techniciens et ouvriers ayant participés à la grande aventure sont également présents.

Les 19 commandants du Redoutablesont invités et peuvent suivre les opérations à bord d’une chaloupe.

« Je suis très content que ce soit aujourd’hui, ici à Cherbourg, que Le Redoutable termine sa vie, son existence, pour être un musée. » – Amiral LOUZEAU, 1er commandant du Redoutable

L’entrée du Redoutable dans sa darse

En ce jour d’été un peu pluvieux, 70 hommes et la presque totalité des moyens nautiques de la base navale de Cherbourg sont mobilisés pour conduire Le Redoutable du port militaire à la darse de La Cité de la Mer.

En effet, l’entrée du Redoutable dans la forme additionne toutes les difficultés.

Il faut amener le bâtiment en bout de cale tout en lui évitant de prendre de la vitesse.

L’étroitesse de la porte rend l’opération délicate puisque le personnel ne dispose de chaque côté que d’une soixantaine de centimètres. Or, Le Redoutable, qui n’est plus en mesure de se diriger, pèse plus de 6 800 tonnes et mesure 130 mètres.

Mais c’est sans compter sur une mer d’huile et une marée ponctuelle.

8H30 : Le major général le capitaine de vaisseau Alain Regard, le commandant de la base navale le capitaine de frégate Poureau et le commandant de la direction du port, le capitaine de frégate Gaullier sont déjà sur le pont du sous-marin tandis que le major Lefeuvre s’apprête à les rejoindre.

Le remorqueur portuaire et côtier Fréhel, de 25 mètres de long en défense, 1 200 chevaux dans les machines et une capacité de traction de 12 tonnes, va constituer avec son sistership Saire, la garde rapprochée du Redoutable.

À son bord, le maître Lemon, le premier maître Poligaré, le maître Boulay et le mécanicien, maître Brunet sont prêts.

Des bassins au Homet, la manœuvre a été maintes fois répétée depuis plus de trente ans.

9H00 : L’appareillage commence. Le commandant du Fréhel, le premier maître Poligaré, lance les deux diesels. Le Fréhel vient se mettre à couple, sur flanc tribord, garde et les 2 aussières sont promptement capelées* par le premier maître Ahmed, le maître Boulay et le quartier maître Binard, les « boscos »*.

Le Saire vient de partir devant jusqu’à la présentation face à la darse. Il sera le « fléchard », le remorqueur de pointe.

Quatre pousseurs se répartissent autour du sous-marin, devant, derrière, à droite, à gauche.

Dans la baignoire du sous-marin, le pilote du port, le major Lefeuvre commande la manœuvre.

Cependant l’appareillage tarde car des chaudronniers de la DCN ont investi le pont du Redoutable. Ils entendent ainsi manifester contre les incertitudes qui planent sur l’avenir de l’atelier. Ils acceptent de débarquer à l’arrivée du directeur de la branche « Constructions neuves ».

9H40 : Le signal est donné par le pilote. Le déhalage commence à grands renforts de bouillonnements et d’écume entre pousseurs et coque inerte du sous-marin.

« Fréhel, arrière 2, Fréhel arrière 4, Fréhel, 2 seulement arrière. »

En passerelle, les ordres tombent à la radio.

Devant, le Saire a raidi sa remorque.

A 0,2 nœuds*, l’équipage franchit le pertuis* du port et passe devant la cale n°3 où Le Redoutable a été construit, tandis que les ouvriers de l’arsenal se massent sur les quais afin d’admirer le symbole de leur savoir-faire.

Le Fréhel fait route machines avant 6, avec 2 nœuds affichés sur l’écran du GPS.

10H30 : Le Redoutable commence à casser son erre*, cap plus franc vers la darse de La Cité de la Mer.

10H45 : Le Saire largue sa remorque et vient se positionner sur l’arrière du sous-marin. Aidé par des plongeurs, un autre câble d’acier est récupéré, qui aidera au positionnement du sous-marin.

« Fréhel, avant 3. »

C’est le remorqueur Fréhel qui va guider les dernières centaines de brasses. Aidés par les pousseurs, le sous-marin se présente dans l’axe, se rapproche de la darse d’où apparait une vedette, câble du treuil de 10 tonnes qui va tracter Le Redoutable en remorque. Le sous-marin est bientôt arrimé sur les bites du pont avant.

La partie de la manœuvre la plus délicate commence. En effet, les rochers, au pied du quai se rapprochent.

« Larguez, Fréhel… »

11H15 : Les « boscos » libèrent les aussières.

« …Pilote de Fréhel, on est largué. »

Le remorqueur s’écarte doucement.

« P1, P2, dégagez…, 13, P15, dégagez. »

Les pousseurs s’écartent à leur tour.

Le nez du sous-marin est maintenant engagé dans la darse, puis le kiosque.

Le plus difficile reste le passage des ailerons arrière même découpés, matérialisés par des drapeaux.

« Le Redoutable pénètre dans la darse sans difficulté. »

11H35 : Le Redoutable est enfin à poste.

« Merci à tous vous pouvez rentrer. Champion du monde, Chef. »

Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © CUC- LEHUBY
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © DCNS
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © DCNS
Le Redoutable lors de son transfert à La Cité de la Mer le 4 juillet 2000
Le Redoutable lors de son transfert le 4 juillet 2000 © DCNS

Conclusion

En ce 4 juillet 2000, tout n’est pas terminé pour autant pour Le Redoutable. Il reste à échouer le sous-marin sur sa ligne de tins.

Et refaire l’opération deux fois par jour, jusqu’à la fermeture de la darse par des palplanches et son assèchement. C’est sans compter sur les variations dues aux marées.

René Nivez et son équipe reprennent les travaux d’aménagement intérieurs. Les passerelles sont installées, ainsi que l’éclairage. Les peintures et les ultimes transformations sont effectuées.

« C’est sans aucun doute mon meilleur souvenir professionnel. » – René NIVEZ

Au printemps 2002, Le Redoutable accueille ses premiers visiteurs devenant ainsi le premier sous-marin nucléaire visitable au monde.

Glossaire

Aussière : Gros cordage utilisé pour l’amarrage des navires.

Ballast : Compartiment servant au lestage et à l’équilibrage d’un navire.

Bateau-porte : Caisson flottant qui sert de fermeture à un bassin de radoub.

Bosco : Maître de manœuvre.

Capeler : Entourer avec la boucle d’une manœuvre.

Erre : Vitesse résiduelle d’un navire sur lequel n’agit plus le dispositif propulseur.

Forme de radoub : Cale sèche servant à la réparation ou à l’entretien de la coque d’un navire.

Nœud : Unité de vitesse, utilisée en navigation maritime ou aérienne, équivalent à 1 mille marin par heure, soit 0,514 4 mètre par seconde.

Pertuis : Ouverture, trou.