Henri-Germain Delauze, un pionnier des grandes profondeurs

II. d. Comex dans les annees 80- 90 : une entreprise en difficulté

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De 1982 à 1987, Comex va concevoir, en association avec l’Ifremer (ex-CNEXO, Centre National pour l’Exploitation des Océans), l’un des plus grands sous-marins civils du monde : le « SAGA » (Sous-marin d’Assistance à Grande Autonomie). La coque du « SAGA »  a été achetée en 1982, à l’Institut français du Pétrole (IFP). Il s’agit de la coque de l’ »Argyronète » dont la fabrication avait été lancée dans les années 70 par le Commandant Cousteau.

La première mise à l’eau du sous-marin « SAGA » aura lieu le 28 février 1987, en présence du Premier Ministre Jacques Chirac. En 1990, le désengagement d’Ifremer entraîne l’arrêt du chantier alors que le « SAGA » est pratiquement terminé : il fait d’une part, des essais réussis en ‘’crache-plongeurs*’’ à plus de 300 mètres, et a réalisé d’autre part, les tests de qualification en plongée d’observation à 667 mètres de profondeur.

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Henri-Germain Delauze crée dans les années 80 de nouvelles filiales pour tenter de pallier le manque à gagner lié à une utilisation de plus en plus grande de la robotique sous-marine par l’industrie offshore :

  • Cybernétix lancé en 1985, en partenariat avec Technicatome, cette filiale  se spécialise dans le développement de la robotique dans différents domaines : robots sous-marins ; spatial ; interventions télécommandées en milieu hostile…

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  • « Comex Espace », crée en 1986 : cette filiale intervient pendant quelques années dans le domaine spatial en coopération avec le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), l’Agence Spatiale Européenne (ESA), l’aérospatiale et l’avionneur Dassault. En 1988, il sera même envisagé de construire sur le site de Comex Marseille un Centre Spatial Européen, équipé d’une très grande piscine pour l’entraînement des astronautes en microgravité.
  • « Comex Nucléaire » voit le jour en 1989 avec le lancement d’activités auprès d’EDF et du CEA pour les interventions robotisées sur réacteurs nucléaires civils ou militaires.

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Henri-Germain Delauze s’intéresse également aux loisirs sous-marins. C’est ainsi, qu’en 1987, il crée la société « Comex Marine Parks », une filiale dédiée aux loisirs sous-marins  (sous-marins  de tourisme, aquariums géants,…). Il fait de très nombreux voyages commerciaux pour un lancement difficile de cette activité. De nombreux projets d’aquariums sont présentés à des investisseurs du monde entier. Hélas, aucun de ces grands projets n’aboutira, sauf pour l’Exposition universelle de Séville en partenariat avec le Prince Rainier de Monaco.

Quelques années plus tard, le PDG de la Comex lance le sous-marin de tourisme « Seabus » (rebaptisé « Deepstar » en 1995)  sur un site immergé aménagé près de l’entrée du Port de Monaco. Des épaves et des équipements  »offshore » sont disposés au fond afin que la faune et la flore s’y développent et que les passagers du « Seabus »  profitent d’une vision directe du monde sous-marin.

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Parallèlement, Henri-Germain Delauze fait procéder aux études architecturales et de génie civil pour la construction sur le site de Comex à Marseille du Centre Spatial Européen pour la formation et l’entraînement des astronautes aux activités extravéhiculaires (EVA), dont la nouvelle société « Comex Espace » aura à assurer le fonctionnement et la gestion. Un héliport* et d’importants bâtiments sont prévus pour abriter les équipements et maquettes à l’échelle 1 de l’avion spatial « Hermès » et de la station orbitale « Columbus » nécessaires à la formation de base aux EVA des astronautes européens. Les bâtiments devront également intégrer une très grande piscine pour l’entraînement aux EVA en microgravité sur deux autres maquettes immergées d’Hermès et Colombus à l’échelle 1.

En 1990, le scaphandre d’entraînement aux activités extravéhiculaires (EVA) développé par Comex et Dassault est validé en micropesanteur par l’ensemble des astronautes français et européens dont le Général de l’Armée de l’Air Jean-Loup Chrétien.

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En 1991, Henri-Germain Delauze reçoit à Houston la distinction « OTC – Distinguished Achievement Award for Individuals », en reconnaissance de son rôle de pionnier dans le développement des technologies de pointe au service des activités sous-marines pour la production du pétrole offshore. (OTC : Offshore Technological Conference, réunion annuelle en mai).

« A l’époque, on venait de découvrir les premiers champs de pétrole par production à la profondeur de 2000 – 3000 mètres en Afrique et au Brésil. Au cours du dîner qui réunissait environ 2 000 invités, j’étais attablé avec une dizaine de personnes : « la table des chefs ». Les grands patrons m’ont alors demandé : « Jusqu’où veux-tu plonger ? », je leur ai répondu : « Je pense qu’on ira à 1 000 mètres puisqu’on a envoyé des singes à 1 200 mètres et qu’on va tenter les 1 500 mètres. » Et en blaguant j’ai ajouté :  » Mais à quoi ça sert de plonger jusqu’à 1 000 mètres puisqu’on trouvera du pétrole à 4 000 mètres ! » A ce moment-là il fallait remplacer notre flotte de bateaux de 100 mètres et 10 000 tonnes dont la valeur était estimée à 500 millions d’euros par des navires capables de faire du très profond (bateaux de 150 mètres et 30 000 à 40 000 tonnes). Cela impliquait un besoin d’investissement d’environ 1 milliard d’euros. Mais les banques ne nous ont pas suivis, probablement à cause de mon âge, c’était logique et nous avons donc vendu cette filiale pétrolière (« Comex Services ») au groupe « Stolt Nielsen Seaway » qui est alors devenu « Stolt Comex Seaway » puis « Stolt offshore » et enfin « Acergy ». Nous partageons d’ailleurs avec le dirigeant de cette entreprise, un ancien de Comex, des relations très amicales et mêmes professionnelles. »

Malgré un très faible endettement du Groupe Comex, deux banques de son pool bancaire bloquent tout crédit à Comex et mettent Henri-Germain Delauze dans l’impossibilité de gérer la filiale opérationnelle « Comex Services » sur le plan international.

En 1992, Henri-Germain Delauze négocie et signe la cession de sa filiale mondiale de travaux offshore, « Comex Services », à l’armateur norvégien Jacob Stolt Nielsen et le transfert de tout le personnel de « Comex Services » (plus de 2000 personnes) à « StoltComex ».

« C’était une aventure, inutile aujourd’hui : il y avait en 1992, 2 000 plongeurs profonds dans le monde dont 800 chez Comex (soit presque la moitié), aujourd’hui ils ne sont plus que 400. En effet, le pétrole des tranches 100 à 400 mètres est en fin d’exploitation. Les hommes font maintenant appel à des engins sous-marins qui interviennent entre 3 000 et 4 000 mètres pour aller chercher le pétrole profond. »

« Cette aventure m’a laissé un goût merveilleux […] Je me suis amusé comme un fou. J’ai travaillé comme un fou aussi ! […]  La Direction d’une société […] c’est d’abord 14 heures de travail par jour […] ce n’est pas uniquement du bonheur mais l’ensemble, la dynamique […], la communion que j’ai eu avec la plupart des plongeurs […] avec mon équipe, avec Fructus, avec l’équipe scientifique. Si je devais recommencer ma vie, je ferai la même chose. » (« Le Président », Thalassa, France 3, juin 1996.)

Documents HG Delauze