Henri-Germain Delauze, un pionnier des grandes profondeurs

II. b. À quoi sert le Centre Expérimental Hyperbare ?

Le Centre Expérimental Hyperbare, mis en place dès 1963 par la Comex, sert à tester les mélanges gazeux et à étudier le comportement de l’homme lors de ses plongées expérimentales à de grandes profondeurs. Objectif : mettre au point les mélanges gazeux les plus efficaces et les moins néfastes pour les plongeurs.

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Parmi les programmes expérimentaux réalisés dans le Centre Expérimental Hyperbare, nous citerons :

– PHYSALIE (1968–1972) : programme axé sur l’étude des réactions physiologiques et médicales de l’homme. C’est au cours de cette expérience, qu’a été mis en  évidence le Syndrome Nerveux des Hautes Pressions (SNHP).

– SAGITTAIRE (1971-1974) qui a permis de déterminer les performances physiques et intellectuelles de plongeurs au cours de plongées profondes (entre 300 et 610 mètres) de longue durée.

– JANUS (1968-1977) qui a permis de tester les possibilités opérationnelles des plongeurs à grande profondeur (entre 150 et 501 mètres) avec réalisation d’un travail.

En 1976, Henri-Germain Delauze établira avec la Marine Nationale une coopération dans le domaine de la plongée profonde qui verra des plongeurs des deux entités participer à de grandes opérations dans leurs centres hyperbares respectifs et également en mer. Ainsi, en 1977, Henri-Germain Delauze codirige avec le GISMER, (Groupe d’Intervention Sous la Mer) de la Marine Nationale, l’opération « Janus IV » qui verra des plongeurs travailler sur une connexion de pipeline* par 460 mètres de profondeur en mer Méditerranée au moyen d’un nouveau connecteur développé par Comex.

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– HYDRA (1968-1992) : programme axé sur le développement de la plongée à très grande profondeur sous mélanges respiratoires à base d’hydrogène (entre 70 et 701 mètres).

Comex teste de nombreux mélanges respiratoires comme :

– le « NITROX » (mélange d’azote et d’oxygène)

– le « TRIMIX » (mélange d’hélium, d’azote et d’oxygène)

– l’ « HELIOX » (mélange d’hélium et d’oxygène)

–  l’ « HYDROX (mélange d’hydrogène et d’oxygène)

–  l’ « HYDRELIOX (mélange d’hydrogène, d’hélium et d’oxygène)

Le Centre Expérimental Hyperbare permet également d’expérimenter la plongée « unitaire » qui consiste après une intervention sous-marine, à revenir à la surface en procédant lors de la remontée à des paliers de décompression.

Zoom sur un membre de l’équipe Comex : Claude Gortan.

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Il passe 10 ans au laboratoire de recherche et développement de Shell Chimie (recherche en pétroléochimie). Il est ensuite nommé Directeur des Services Industriels Europe du Sud et pourtour méditerranéen chez Sopdechim et Dowell Schlumberger. Claude Gortan rejoint la Comex en 1974 en tant que Directeur du Centre d’Essais Hyperbares (CEH). Il participe notamment au développement des moyens et méthodes pour vivre en confinement hyperbare dans le cadre de la plongée industrielle profonde et à la formation à l’hyperbarie des personnels des Marines Nationales (Russie, Argentine, Roumanie, Chine et Corée du sud).

De l’air comprimé à l’hydrogène

La plongée à l’air comprimé comporte des limites. L’essoufflement, la toxicité de l’oxygène et les effets de la narcose à l’azote, imposent au plongeur de ne pas dépasser les 50/60 mètres de profondeur. Ce phénomène est appelé narcose ou « ivresse des profondeurs. »

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Dans les années 30, la Marine américaine décide d’alimenter le plongeur, non plus en air comprimé, mais en mélange respiratoire synthétique dans lequel l’azote est remplacé par l’hélium. Ce dernier permet de meilleures performances, en supprimant les effets de la narcose et de l’essoufflement. On appelle ce nouveau mélange : « HELIOX ». De nouvelles tables de décompression adaptées à ce « cocktail » sont mises au point. Mais, on s’aperçoit rapidement qu’au-delà de 150 mètres, l’ »HELIOX » pose de nouveaux problèmes : le plongeur éprouve des vertiges, des tremblements et une certaine maladresse dans les gestes. Ce syndrome sera décrit par l’équipe de la Comex en 1968 sous le nom de « Syndrome Nerveux des Hautes Pressions » (SNHP).

Pour pallier ce problème, la Comex se lance dans l’expérimentation de nouveaux mélanges respiratoires afin de permettre à l’homme d’ une part de dépasser les 150 mètres et d’autre part de travailler au-delà de cette profondeur. Ce sera l’hydrogène qui sera introduit dans les « cocktails » respiratoires (« HYDROX » : mélange d’hydrogène et d’oxygène et « HYDRELIOX : mélange d’hydrogène, d’hélium et d’oxygène) ! Ces mélanges permettent de limiter les effets du « Syndrome Nerveux des Hautes Pressions » (SNHP) et d’améliorer considérablement l’efficacité et la capacité de travail des plongeurs. Avec l’emploi des mélanges respiratoires hydrogénés, la zone des 150 à 650 mètres est ouverte aux plongeurs professionnels.

Tester pour mieux plonger (en Centre Expérimental Hyperbare et en mer)

Dès 1967, Henri-Germain Delauze lance avec Xavier Fructus, un important programme d’expérimentations hyperbares avec des animaux de laboratoire afin d’étudier différents type de mélanges respiratoires à base d’oxygène, d’azote, d’hélium, d’hydrogène et leurs effets sur l’organisme vivant. D’ores et déjà Henri-Germain Delauze et Xavier Fructus imposent la règle : « Ramenons les vivants ».

Zoom sur un membre de l’équipe Comex : Xavier Fructus.

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Médecin, passionné de plongée sous-marine, le docteur Fructus assume pendant un temps la responsabilité médicale de l’OFRS (Office Français de Recherches Scientifiques) et participe aux expérimentations des maisons sous la mer (Précontinent, Diogène). Il rejoint la Comex en 1964 en tant que Directeur Scientifique. Il sera remplacé en 1988 par Bernard Gardette.

En 1968, Henri-Germain Delauze et le chercheur américain Ralph Brauer deviennent, lors de l’opération expérimentale de longue durée « PHYSALIE 1« , les premiers hommes à réaliser des tests immergés dans le caisson* hyperbare ‘’piscine’’ du Centre Expérimental Hyperbare à 335 mètres.

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Cette opération permet, par ailleurs, aux neurophysiologistes de découvrir le Syndrome Nerveux des Hautes Pressions (SNHP) qui se caractérise par des tremblements, des nausées, une mauvaise coordination des mouvements et un électroencéphalogramme* sortant des normes connues.

Les essais se font également en mer. Ainsi, Henri-Germain Delauze dirige l’opération « HYDRA 1 » (1968) au cours de laquelle deux plongeurs vont essayer à 255 mètres de respirer, en pleine eau (à l’extérieur de la tourelle*) un mélange à base d’hydrogène, le fameux « HYDROX » (mélange d’hydrogène et d’oxygène).  Cependant, le test n’est pas probant : l’équipement du plongeur était en effet insuffisant pour le protéger du froid. Il faudra attendre 1982 pour que le programme de recherche sur l’hydrogène (HYDRA) soit relancé, profitant de l’évolution du matériel.

En 1969, Henri-Germain Delauze dirige la mise en place de tous les équipements du nouveau Centre Expérimental Hyperbare qui intègrera un caisson* de capacité 1200 mètres pour répondre à l’ambitieux programme de plongées très profondes qu’il a décidé de lancer. Jusqu’à présent, l’ensemble de caissons* du ‘’premier’’ CEH permettait de réaliser des plongées expérimentales à des pressions pouvant atteindre 36 bars soit l’équivalent de 360 mètres de profondeur.

L’année suivante, il dirige, avec le Docteur Fructus la plongée expérimentale « PHYSALIE 5 » au cours de laquelle deux hommes atteindront, au Centre Expérimental Hyperbare, la profondeur de 520 mètres (avec un mélange d’oxygène et d’hélium appelé « HELIOX ».)

En 1983, dans le cadre de l’opération en mer « HYDRA 3 » Henri-Germain Delauze plonge à 75 mètres en respirant un mélange « HYDROX » (mélange d’hydrogène et d’oxygène) puis effectue une deuxième plongée à 91 mètres sous le même mélange respiratoire. Quinze autres plongeurs Comex se succèderont en plongée test de courte durée à 75 mètres sous « HYDROX » à partir de la surface. Il est enfin prouvé que l’on peut vivre en respirant de l’hydrogène !

En 1985, Henri-Germain Delauze et le Docteur Xavier Fructus, supervisent la plongée expérimentale « HYDRA 5 » à 450 mètres qui verra pour la première fois au monde des plongeurs vivre, pendant 36 jours, en saturation dans un milieu gazeux à base d’hydrogène.

La même année, Henri-Germain Delauze décide, en partenariat avec l’Ifremer et sous l’impulsion du gouvernement français, de construire à Marseille un Centre Expérimental Hyperbare National (CEHN) composé d’un très grand caisson* d’essais 100 bars (équivalent à 1.000 mètres de profondeur) de 4,5 mètres de diamètre et 12 mètres de longueur. Il était prévu d’y tester certains modules des nouveaux sous-marins nucléaires militaires  « SNLE ». Ce projet n’aboutira pas.

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En 1988, a lieu, en coopération avec la Marine Nationale, l’opération en mer  HYDRA 8 au cours de laquelle les plongeurs feront, en respirant un mélange hydrogéné « HYDRELIOX » (mélange d’hydrogène, d’oxygène et d’hélium), une démonstration de connexion de deux tronçons de pipeline* par plus de 530 mètres de profondeur.

En 1992, lors du programme HYDRA 10, un plongeur comprimé dans un caisson* hyperbare et respirant un mélange à base d’hydrogène, atteint la  profondeur de 701 mètres. Il a dû effectuer un travail identique à celui réalisé dans une chambre de soudure hyperbare pendant une durée de deux heures.

Ce record mondial prouve que l’Homme peut non seulement plonger à 700 mètres de profondeur mais également y travailler.

Théo Mavrostomos a plongé à 701 mètres, battant ainsi le record de plongée simulée, détenu par les Américains depuis 1981.

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Documents HG Delauze