Les prémices de l’exploitation du pétrole offshore profond conduisent Henri-Germain Delauze sur la voix industrielle dont il rêvait. Il lance de très gros investissements en supports de surface (bateaux et barges) équipés de systèmes de plongée profonde en saturation.
Plonger en saturation
Depuis ses premiers « coups de palmes » sous la mer, l’Homme s’est obstiné à plonger toujours plus profond et pour des durées de plus en plus longues.
Le développement de scaphandres autonomes au 20e siècle a fait progresser rapidement la durée des plongées. Toutefois, ces technologies ne permettent pas à l’Homme de dépasser la limite des 60 mètres. Une contrainte physiologique le lui interdit : l’ivresse des profondeurs. Pour pallier ce problème, une nouvelle étape est franchie par respiration de mélanges gazeux spécifiques à base d’hélium. L’Homme peut donc intervenir plus profond. Mais comment y rester plus longtemps sans être limité par la quantité de mélange respiratoire disponible dans la bouteille, par la température de l’eau et surtout par les longues périodes de décompression imposées à chaque remontée ?
Au début des années 1960, 2 voies s’ouvrent alors, aux antipodes l’une de l’autre :
• Les maisons sous la mer développées aux Etats-Unis (« Sealab ») et en France (« Précontinent »). L’Homme peut vivre pendant plusieurs jours en saturation : il est maintenu pendant toute la durée de son séjour à l’intérieur d’un habitacle pressurisé aux conditions de pression de la profondeur à laquelle il doit plonger. Il peut ainsi sortir de son habitat et y entrer en ne subissant qu’une seule phase de décompression à la fin de son séjour. Toutefois cette technologie très coûteuse est difficilement exploitable pour des interventions industrielles ;
• La seconde voie est la plongée en saturation dans un habitat hyperbare de surface, développée par l’entreprise Comex.
Vivre en saturation
Toute l’astuce revient à mettre les plongeurs en saturation au sec et au chaud, à la pression de travail, dans un caisson* embarqué sur le pont d’un bateau.
L’aller et retour sur le lieu d’intervention s’effectuent dans une tourelle* de plongée. Cette technologie, moins coûteuse, s’adapte aux contraintes de l’industrialisation de la plongée profonde.
En France, la durée d’une plongée en saturation ne peut dépasser 30 jours. La durée de compression des plongeurs est courte en comparaison du temps de décompression. Pour une plongée à 300 mètres, les plongeurs devront subir une compression de 14h et une décompression de 10 jours.
3 équipes de 3 plongeurs travaillent en alternance dans l’habitat hyperbare. Leur vie est rythmée par les plongées : pendant que l’une remonte du chantier par la tourelle*, l’autre se prépare à plonger tandis que la dernière tente de dormir. L’équipe au travail passe théoriquement 8 heures en intervention (descente et remontée comprises).
Les missions sur le chantier sont principalement liées à l’extraction de pétrole sous-marin : connections de pipelines*, réparation de tête de puits*, maintenance de jacket*, contrôle des soudures, carottage* de terrain, …
Actuellement, les interventions humaines sont de plus en plus rares, les robots remplaçant les hommes.
A l’extérieur des caissons*, sur le bateau, une équipe reste vigilante quant à la vie des plongeurs. Deux postes importants sont à mettre en avant : le chef de caisson* (« caisson master ») et le chef de plongée.
Le chef de caisson* est responsable de l’habitat hyperbare et de ses occupants : il veille à l’approvisionnement des mélanges respiratoires, de la nourriture, des médicaments ou de la récupération des déchets … Le chef de plongée prend le relais du chef de caisson* : il dicte aux plongeurs les gestes à effectuer sur le lieu d’intervention jusqu’à la remontée en surface.
Pendant l’intervention sous-marine, l’un des 3 plongeurs est désigné chef de tourelle* (« bellman ») : il assure la sécurité de ses coéquipiers.
L’hygiène est de rigueur dans les caissons* : les plongeurs doivent être très propres et rasés car dans ce milieu confiné et humide, les bactéries saisissent la moindre opportunité de se développer !
Après une intervention, les plongeurs se restaurent, lisent le journal, écrivent une lettre à leurs proches ou font une partie d’échec avant de tomber de sommeil.
Les caissons* ne sont pas des lieux silencieux : le plongeur vit continuellement avec les bruits du moteur du bateau ou du groupe hydraulique remontant la tourelle* en passant par le vissage/dévissage du sas servant au passage des repas !
Entre plongeurs, la communication est souvent difficile : ils ne parlent pas toujours la même langue et leurs voix sont transformées par le mélange respiratoire. Pour pallier ce problème, des décrypteurs de voix ont été mis au point. Cependant, l’isolement et le confinement restent omniprésents, la complicité entre les équipes de plongée et de surface est donc primordiale.
Un équipement adapté
Dans un incessant souci de rendre la plongée humaine profonde plus sûre, la Comex a développé des équipements de plongée spécifiques, adaptés aux mélanges gazeux mis au point et testés au Centre Expérimental Hyperbare.
De façon « classique » cet équipement est donc muni d’un circuit d’eau chaude qui permet au plongeur de lutter contre la température ambiante de l’eau qui peut descendre à 1 ou 2°C.
L’eau chaude circule tout le long de son corps jusqu’aux extrémités des doigts et des orteils, très sensibles au froid. Ce circuit est relié directement à la tourelle* de plongée par un ombilical qui achemine également son mélange respiratoire, ainsi que le réseau électrique lui permettant de communiquer avec la tourelle*. En cas de rupture de l’ombilical ou tout autre problème d’acheminement des gaz, le plongeur dispose d’un système de secours baptisé « backpack » fonctionnant en circuit semi fermé. Ce dispositif est composé d’un système d’épuration des gaz pour éliminer le dioxyde de carbone émis par le plongeur, d’un poumon souple équilibrant les variations de pressions liées à l’inspiration et à l’expiration ainsi qu’une bouteille d’oxygène comprimé compensant la consommation d’oxygène du plongeur.
Que ce soit avec le système backpack ou via l’ombilical, les mélanges gazeux fournis au plongeur sont réchauffés pour limiter sa déperdition de chaleur.