Gakkel : les oasis de l’Arctique

Interview de Susan HUMPHRIS, géochimiste marine sur la campagne Gakkel

dt_gakkel_0046« Les dorsales océaniques sont composées de la plus longue chaîne de volcans sur notre planète. C’est une chaîne qui s’étend sur 60,000 km autour de la Terre, un peu comme la couture sur un ballon de baseball. Les dorsales médio-océaniques créent une frontière entre deux plaques tectoniques qui font partie du manteau – un peu comme les pièces d’un puzzle – elles bougent l’une contre l’autre. Sur ces dorsales, les plaques se séparent parfois et le magma ou la roche fondue surgit entre elles et produit une éruption au fond de la mer formant alors un volcan. C’est donc l’endroit où la planète se recouvre d’une nouvelle couche.

Les sources hydrothermales sous-marines, ce n’est rien de plus que le parc de Yellowstone au fond de la mer. Il y a des geysers à Yellowstone qui se sont formés car les eaux de pluie ou l’eau de fond s’infiltrent dans la terre et sont réchauffées par des points chauds ou par le magma qui se trouve sous le parc de Yellowstone. Ces fluides deviennent donc très chauds et ressurgissent à la surface.

C’est le même principe dans les océans : une surface de convection comme une casserole d’eau sur le feu. Quand on chauffe l’eau, elle monte à la surface et l’eau plus froide descend au fond de la casserole pour être chauffée à son tour.

Quand les fluides descendent au fond de la mer, une réaction chimique se passe au contact de la roche. Plus on descend, plus la température monte et d’autres réactions ont lieu. On part donc d’une eau de mer froide, alcaline et oxygénée pour finir avec un fluide très acide et sans oxygène.

Lors de sa descente vers les profondeurs, ce fluide enlève les métaux des roches et remonte à la surface chargé de ces métaux. Une fois mélangé avec de l’eau de mer, il devient oxygéné, sa température descend et de nouveaux éléments apparaissent comme les sulfures de fer et de zinc.

Les sources sont en fait constituées de minéraux qui ont été enlevés de la croûte terrestre et c’est donc une façon de concentrer ces métaux dans des dépôts de petite ou grande taille.

 Gakkel est une des plus «lentes» dorsales médio-océaniques. Comme cette dorsale ne bouge pas beaucoup, il n’y a pas d’activité volcanique et donc pas de couche de roche volcanique à la surface. On trouve à la place une couche de roche qui forme le « manteau » de la Terre, juste en dessous de la croûte. Cette roche affleure sur la dorsale et a  une composition chimique très différente. Les réactions qui ont lieu entre cette roche et l’eau de mer sont également différentes et produisent des matériaux et des gaz jamais observés. Le résultat, on l’espère, c’est la découverte d’organismes et d’espèces encore inconnus. 

L’intérêt de cette dorsale c’est aussi la présence d’une roche très proche chimiquement parlant des 1ères roches apparus sur Terre et  produites par l’activité volcanique. Cela veut dire que cet endroit serait très semblable à l’environnement qui existait au début de la Terre.

Mon plus grand espoir c’est de trouver toute une gamme de systèmes hydrothermaux avec des températures hautes et basses, certains dans des zones volcaniques et d’autres sur les endroits où le manteau est exposé. Comme ça on aura vraiment une comparaison idéale !

Même si je ne suis pas biologiste, j’aime bien regarder du côté des animaux car ils sont toujours fascinants.

Ma plus grosse crainte ? Je suppose que ça serait soit de perdre nos robots autonomes car c’est quand même un projet à haut-risque, soit que nous ne trouvions pas de sources : pour moi ça serait vraiment la plus grosse déception. »

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