Gakkel : les oasis de l’Arctique

Interview de Rob REVES-SOHN, géophysicien et chef de mission de la campagne Gakkel

dt_gakkel_0044« Si on regarde la tectonique des plaques où nous avons deux plaques qui s’écartent, ce mouvement est soit « important », comme par exemple dans le Pacifique, ou « faible ». On peut la comparer à une Ferrari – une machine bien lubrifiée. On forme une nouvelle croûte et tout va très vite ; il y a beaucoup de magma et pas beaucoup de tremblements de terre car on crée tout simplement un trou qui est ensuite rempli de nouveau avec de la matière volcanique. Puis on bascule sur le côté et le processus se répète.

 Par contre, quand les choses se ralentissent vraiment, c’est l’équivalent d’une 2 CV où la tige de piston s’éjecte d’un coup, le mouvement est très saccadé : c’est la dorsale Gakkel – la 2 CV (deux chevaux) des dorsales médio-atlantiques.

En 2001, l’expédition avait pour objectif la pétrologie – l’étude des roches. C’est vraiment dans un 2ème temps que les scientifiques ont pensé à mettre des capteurs pour mesurer la température de l’eau et sa clarté. Dans les fonds de l’océan, l’eau est froide et transparente, mais s’il existe une source hydrothermale, il y a une cheminée de fumée noire dans la colonne d’eau et celle-ci dégage une eau chaude remplie de métaux.

A la surprise de tout le monde, pratiquement à chaque fois qu’ils ont descendu leur ligne de dragage, ils ont trouvé une preuve de l’existence des ces cheminées. C’était vraiment étonnant car en théorie, quand des plaques se séparent rapidement, il y a beaucoup d’activité volcanique et on trouve énormément de circulation hydrothermale. Donc sans ce genre d’activité, il ne devrait pas y avoir de la circulation hydrothermale ou en tout cas beaucoup moins.

C’était donc une découverte incroyable et personne ne savait quoi en penser. Les plaques tectoniques de la dorsale de Gakkel se séparent mais tout juste ! Si les plaques se séparent rapidement il y a beaucoup de volcanisme et c’est souvent spectaculaire. On trouve, par ailleurs, une roche : le basalte.

En conséquence, quand on ralentit ce processus pour que l’on puisse à peine voir du mouvement, au lieu d’avoir beaucoup d’activité volcanique, c’est un peu comme le pillage de tombeaux ; on déterre de gros morceaux du manteau « vierge » et on obtient un rocher complètement différent. Il y a une différence énorme entre le basalte et la péridotite, le nom de la matière du manteau. Quand on regarde les informations recueillies dans les fossiles, il semble que la première vie sur Terre existait il y a 3,5 billions d’années, ce qui veut dire que ces formes de vie ont vu le jour dans un environnement sans oxygène. Les organismes n’utilisaient donc pas l’oxygène pour métaboliser et créer de l’énergie. Il existait donc forcément autre chose, mais quoi ? Probablement du soufre. Ce qui est également intéressant dans cet écosystème c’est qu’il est similaire à l’environnement qui existait quand les premières formes de vie ont fait leur apparition sur la Terre.

Quand les fluides hydrothermaux se mélangent avec l’eau de mer, ils produisent beaucoup de minéraux tels que du cuivre, du zinc, du soufre donc beaucoup de métaux. Quand cette circulation a lieu dans des dorsales « lentes » comme la dorsale Gakkel, de grosses poches de basalte sont créées et ça c’est vraiment génial parce qu’il existe peut-être beaucoup de dépôts de minéraux au niveau de la dorsale Gakkel ! »

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