Rob Reves-Sohn, géophysicien et chef de mission de la campagne Gakkel raconte :
« Il a dix ans, je donnais le bain à ma fille de quelques mois qui s’amusait avec un petit sous-marin. Ce jouet a disparu sous la mousse et tout d’un coup j’ai eu l’idée : « C’est ça dont on a besoin – des robots submersibles ». Eh oui ! Des robots autonomes capables d’aller sous la glace pour faire des recherches dans l’Océan Arctique…
L’idée d’envoyer nos véhicules 1 jour ou 2 sous la glace est terrifiante ! Quand les robots vont descendre à travers la glace et partir à plusieurs kilomètres du navire …on ne peut que prier pour leur retour !
Nous avons devant nous une occasion rare de découvrir un endroit de la planète où des mesures n’ont jamais été prises.
Nous allons donc apporter tout ce que nous avons en terme d’équipements de détection et de prélèvement car il est impossible de dire quand sera organisée une prochaine campagne.
On essayera de faire de notre mieux, mais il n’y a, bien sûr, pas de garantie de succès. »
L’océan Arctique est couvert de glaces flottantes dont l’épaisseur varie entre 1 et 4 mètres. Il est donc impératif d’utiliser un brise-glace pour résister à la puissance écrasante de la glace et atteindre la dorsale.
Oden est par ailleurs employé pour mettre à l’eau la sonde CTD et les robots sous-marins : il casse la glace et utilise ses jets d’eau pour créer des trous.
La sonde CTD (Conductivity-Temperature-Depth)
C’est le 1er instrument descendu en mer. La sonde CTD (Conductivity-Temperature-Depth) permet de prélever des échantillons d’eau de mer à des profondeurs pré déterminées. Cet instrument est appelé Rosette (en le regardant de dessus il ressemble à une rosette de cathédrale gothique). Un châssis autour de la CTD transporte jusqu’à 32 bouteilles en plastique et les scientifiques peuvent les fermer à distance pour prendre des échantillons d’eau.
La sonde CTD mesure également la température de l’eau – forcément plus élevée en présence de sources hydrothermales – et détecte la présence de particules issues des sources. Elle transmet ensuite ces données aux chercheurs restés à bord. Elle couvre rapidement une zone mais ne peut aller que dans des endroits accessibles par le navire, elle est en effet traînée derrière l’Oden.
Les robots autonomes Puma le « chimiste », et Jaguar le « photographe »
Lors de cette expédition, l’équipe utilise deux robots autonomes, nommés Puma et Jaguar. « Autonome » suppose qu’une fois programmés à bord du navire et descendus dans l’eau via un trou dans la glace, ces engins accomplissent leur mission avec un minimum de communication. Après quelques heures, ils retrouvent un autre trou dans la glace et se font récupérer par le brise-glace. Puma est déployé en premier.
C’est un chasseur de sources hydrothermales capable de détecter et d’analyser la nature des sources, la chimie et la température ainsi que la concentration des fluides. Puma est programmé pour intervenir dans n’importe quelle zone. Cependant, il faut 8 heures pour le descendre et le remonter du fond et parfois plusieurs heures pour le récupérer ! Il faut par ailleurs recharger ses batteries entre chaque mission.
Jaguar est envoyé après Puma. Il s’immobilise au-dessus des sources hydrothermales pour cartographier la zone, photographier les sources et la vie sous-marine à proximité.
Le robot téléopéré Camper
Ce boîtier en acier – environ 1,50 m de largeur, 2 m de longueur et 1,60 m de hauteur – pèse 2,8 tonnes. Il est traîné derrière le brise-glace et descend au fond sur un câble ou un treuil. Il intervient après Jaguar et Puma dès que des sources hydrothermales sont localisées. Il est équipé d’une caméra et de lumières ainsi que de propulseurs pour le manœuvrer et le placer au-dessus des sources.
Il prélève des échantillons de roches et est également équipé d’une « pelle » pour recueillir les animaux immobiles type palourdes et d’un « aspirateur » pour attraper des animaux qui se déplacent comme les crevettes.
Le prélèvement d’échantillons biologiques est très important car les scientifiques souhaitent extraire l’ADN de ces organismes pour le comparer à ceux issus d’autres sources hydrothermales et mieux comprendre l’évolution des espèces.