Qu’est-ce que l’Océanographie ?

Sommaire +
  1. I.Introduction
  2. II.Océanographie – Présentation
  3. III.Quelques principes d'océanographie
  4. IV.Quelques missions océanographiques
  5. V.Le métier d'océanographe
  6. VI.Glossaire

II. a. 2. Seconde moitié du 19e siècle : naissance de l’océanographie

Au début du 19e siècle, les pratiques d’inventaire commencent à changer.

Par exemple, le baron Alexander Von Humboldt (1769-1859), naturaliste et voyageur allemand qui a exploré l’Amérique tropicale et l’Asie centrale, ne se contente plus d’inventorier la faune et la flore mais tente d’en comprendre l’organisation spatiale. Il aurait même proposé une politique d’exploitation des ressources en Amérique du Sud après y avoir constaté de mauvaises pratiques de pêche.

Quelques dates représentatives du développement de l’océanographie :

1725

– Le comte italien Luigi Ferdinando Marsigli (1658-1730), membre de l’Académie royale des sciences de Paris, publie à Amsterdam L’Histoire physique de la mer. Ce livre aborde entre autre la configuration du fond de la mer dans le Golfe du Lion, des relevés de température en Méditerranée, les coraux… Cet ouvrage est considéré comme le premier livre d’océanographie.

1750

– Dès cette date, on utilise des dragues* pour récolter des animaux et des végétaux du littoral. Les espèces sont ensuite étudiées dans les musées d’histoire naturelle.

1751

– Publication par Diderot des 1ers volumes de L’Encyclopédie qui consacre de nombreux articles à la mer

1752

– En France, est créée l’Académie de Marine, société savante* composée d’hydrographes*, de marins, d’astronomes*, de naturalistes*, qui participent à des voyages d’exploration.

1769

– L’américain Benjamin Franklin établit la première carte du Gulf Stream en s’appuyant sur les données fournies par les chasseurs de baleine.

1795

– Création en France du Bureau des Longitudes. Il s’agit de reprendre « la maîtrise des mers aux anglais », grâce à l’amélioration de la détermination des longitudes en mer.

1799

– Le physicien français Laplace établit dans le quatrième livre de son Traité de mécanique céleste une théorie dynamique des marées (utilisée jusqu’en 1992 !)

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1841

– Le naturaliste britannique Edward Forbes (1815-1854) effectue des expériences de dragage en mer Égée prouvant que la faune se raréfie au fur et à mesure des profondeurs.  Celui-ci affirme que la vie n’existe plus après 550 mètres de profondeur, que c’est une zone azoïque ; c’est-à-dire où il n’y a pas de trace de vie animale. Il ignore alors que des crustacés ont déjà été trouvés à plus de 1000 mètres de profondeur par des pêcheurs du comté de Nice, selon les observations du naturaliste niçois Antoine Risso, auteur d’un ouvrage d’ichtyologie* publié en 1810 (première description des poissons et crustacés de Méditerranée). En 1818, le capitaine anglais John Ross (1777-1856) avait quant à lui remonté de la Baie de Baffin, grâce à une petite benne, un échinoderme* vivant de plus de 1800 m de profondeur.

1851

– Michael Sars (1805-1869) naturaliste et prêtre norvégien publie une liste d’espèces récoltées à environ 550 mètres de profondeur au large des côtes norvégiennes.

1861

– Suite à la remontée d’un câble entre la Sardaigne et l’Algérie, le naturaliste français Henri de Milne Edwards (1800-1885) découvre des vers à tube (sorte de ver marin) et des madréporaires* qui proliféraient à plus de 1800 mètres.

1868

– Les britanniques lancent plusieurs campagnes pour découvrir les espèces des grands fonds. Wyville Thomson (1830-1882) naturaliste écossais, à bord du Porcupine rapporte les premières mesures et prélèvements jusqu’à 3 500 mètres.

1874

– Parution du premier ouvrage d’océanographie traitant des grandes profondeurs The Depths of the Seas (traduit en français sous le titre Les abîmes de la mer) par Charles Wyville Thompson.

En France, 2 entités participent activement au développement de l’océanographie : l’institution universitaire (la Faculté des Sciences de Paris ; le Muséum national d’Histoire naturelle) et La Marine Nationale.

En 1880 et 1883, la France équipe deux navires pour participer elle aussi à cet effort de recherche : le Travailleur et le Talisman. Alphonse Milne-Edwards, professeur de zoologie au Muséum National d’Histoire Naturelle, effectue de 1880 à 1884 des expéditions, du golfe de Gascogne à Madère et en Méditerranée, à bord du Travailleur, aviso à roues de la Marine nationale. Le Talisman, un éclaireur d’escadre, est plus grand que le Travailleur et peut effectuer des voyages plus lointains. En 1883, le Talisman fait des récoltes profondes jusqu’aux îles du Cap Vert, dans la mer des Sargasses et au large des Açores, découvrant une profondeur de 6 250 mètres. L’observation du relief sous-marin au large des Açores et l’examen des pierres ponces et des roches volcaniques remontées par les dragues, font comprendre qu’il existe « une grande chaîne volcanique parallèle à la côte d’Afrique » ; c’est la dorsale médio-atlantique qui ne sera mise en évidence que plus d’un demi-siècle plus tard ! Tous les animaux récoltés sont décrits et figurent depuis dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris.

Les campagnes océanographiques se multiplient alors dans le monde entier : les Etats-Unis en 1888, l’Allemagne en 1899, les Pays-Bas 1900.

C’est le début des véritables campagnes océanographiques. La naissance de l’océanographie a donc été contemporaine des découvertes réalisées par les premiers biologistes curieux de savoir si la vie existait dans les grandes profondeurs.

Ce sont aussi le développement de la navigation intercontinentale et la pose de câbles transatlantiques qui engageront ces campagnes. En effet, suite à divers échecs (rupture d’un câble télégraphique entre l’Irlande et Terre Neuve), il devient nécessaire de mieux connaître les profondeurs de l’Atlantique. Jusque là, on croyait que le fond des océans était plat et on ignorait la composition du substrat dans lequel les câbles risquaient de s’enliser si les fonds étaient trop meubles.