Qu’est-ce que l’Océanographie ?

Sommaire +
  1. I.Introduction
  2. II.Océanographie – Présentation
  3. III.Quelques principes d'océanographie
  4. IV.Quelques missions océanographiques
  5. V.Le métier d'océanographe
  6. VI.Glossaire

V. b. 6. La recherche fondamentale et la recherche appliquée (à finalité économique, industries, services…) semblent très imbriquées depuis l’essor de l’océanographie appliquée, est-ce que la distinction entre les deux existe encore ?

 Thierry Moutin
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Nous sommes dans un domaine où l’on est constamment à l’interface entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Je ne sais pas trop, il faudrait revenir aux définitions…

On peut définir la recherche appliquée comme ayant pour finalité les industries, services (les biotechnologies marines etc).

Dans ce sens là, nous sommes vraiment en recherche fondamentale !

Jozée Sarrazin
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Au Département « Etude des Ecosystèmes profonds », nous travaillons surtout en recherche fondamentale même si nous sommes de plus en plus sollicités pour tout ce qui concerne les études d’impact de l’activité humaine sur les grands fonds : pollution, pêche sur les grands fonds, exploitation des ressources minérales, prospection pétrolière… On parle de plus en plus d’exploitation des ressources 

mais mis à part la prospection pétrolière et la pêche, les écosystèmes grands fonds sont encore « protégés » par leur accès difficile. Nous sommes le lien entre  « Qu’est-ce qu’on connaît de ces écosystèmes ? », « que doit-on protéger » et « Quelles connaissances doit-on acquérir avant de les exploiter ? ».

Pierre-Marie Sarradin
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Dans notre laboratoire, nous sommes vraiment dans la recherche fondamentale, nous essayons de comprendre, de connaître, d’avoir accès à des écosystèmes. Nous en sommes à un stade de découverte et de compréhension du fonctionnement de ces écosystèmes. Nous sommes encore très très loin de la recherche appliquée, même si mes collègues microbiologistes, de temps en temps, essaient de découvrir les applications possibles de certaines molécules…

Lucien Laubier
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Un de mes maîtres disait : « il n’y a pas de différence, il n’y a pas de recherche fondamentale et de recherche appliquée, par contre il y a de la bonne et de la mauvaise recherche » ! Ce n’est pas forcement une boutade… Cela dit, la recherche fondamentale, cela existe. C’est la recherche dite de base, donc a priori, le sujet de base est vraiment une question de curiosité. Une curiosité intellectuelle en rapport à un problème qui se pose.

Il n’y a pas immédiatement à la clé une conséquence dans la vie pratique de l’homme (inventer un moteur ou je ne sais quoi). Dans la recherche appliquée, dès le départ, vous vous donnez comme objectif de réaliser un élevage de crevettes, par exemple. Ce que vous voulez, ce n’est pas en élever une mais en élever 500 000 alors comment va-t-on faire, comment va-t-on s’y prendre ? Et là, vous devez ajuster l’ensemble du dispositif de recherche à la dimension du projet… On peut aussi, s’agissant d’une marée noire, chercher à bien nettoyer le pétrole sans trop abîmer le milieu. On va alors éviter le karcher ou la vapeur d’eau bouillante. On va se demander quelle est la meilleure technique, celle qui  fera le moins de mal, qui ajoutera le moins de stress au milieu, qui laissera survivre les animaux en plus grand nombre possible. Cette recherche appliquée, c’est le moment où vous ne cédez plus à vos simples inclinaisons de curiosité, où vous avez un objectif défini. Cela peut être nettoyer, élever des crevettes ou nourrir une petite sole… Ou tout simplement connaître de façon aussi complète que possible la faune du littoral de Marseille : est-ce qu’il y a 10 000 espèces ou 15 000 ? C’est déjà de la recherche appliquée. En fait, dès que vous vous donnez une contrainte externe à la stricte curiosité, vous rentrez dans le domaine de la recherche appliquée. Alors c’est vrai que l’on fait parfois des distinctions entre « l’appliquée », l’ « orientée »… Ça devient tout à fait ridicule et en tout cas, difficile à définir…

Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ?

Ce sont les deux, c’est d’ailleurs ce que l’on me reproche ! Oui parce que dans l’esprit de beaucoup de chercheurs, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) doit forcément être fondamental et les organismes comme Ifremer doivent forcément être appliqués… La recherche fondamentale est parfois considérée comme un luxe, il y a des pays qui s’en sont passés pendant longtemps. Prenez par exemple le Japon qui a développé toute son industrie au début du 20e siècle en faisant des recopies très soigneuses des inventions européennes, des machines à vapeur etc. Ils n’ont pas cherché à faire de la recherche fondamentale, ils ont pris les modèles tels qu’ils existaient. La chaîne qui voudrait que l’on fasse d’abord du fondamental puis de l’appliqué n’existe pas forcément…