Thierry Moutin
Je travaille au Centre d’Océanologie de Marseille. Si le mot « océanologie » est employé, c’est pour signifier que l’océanographie est plutôt la partie descriptive de la science et que l’océanologie, c’est plutôt dans le sens « logos » : essayer de comprendre le fonctionnement de l’océan.
« Océanologie » n’est pas synonyme d’ « océanographie appliquée » ?
Non pas du tout, ce n’est pas la même chose. L’océanologie, c’est essayer de comprendre et pas seulement de décrire l’océan.
Comment vous définissez-vous, vous dites que vous êtes océanographe ?
Quand je me définis ? Je dis souvent « océanographe » car c’est le mot que les gens connaissent… J’emplois quand même ce terme, même pour l’enseignement, le nom de la matière est « Chimie océanographique »…
Jozée Sarrazin
Le terme d’océanographe a été un peu controversé puisque pour les puristes, l’océanographie, c’est l’étude des processus à grande échelle : la circulation océanique etc. Je crois que cela dépend aussi d’où on vient. Je suis canadienne ; mon diplôme c’était une maîtrise en océanographie axée sur une approche pluridisciplinaire : le cursus comprenait 4 pôles soit l’océanographie physique, chimique, biologique et géologique. Pour le Québec, je peux me dire « océanographe ». En Amérique du Nord, c’est compris comme cela ; ici, j’ai l’impression que ce n’est peut-être pas pareil…
Pierre-Marie Sarradin
Je ne me sens pas du tout océanographe : je dirais plutôt que je travaille sur une toute petite partie de l’étude de l’océan. Je pense que c’est un terme qui ne correspond pas à ces quinze dernières années. Les océanographes étaient plutôt des gens qui avaient une idée assez générale de l’étude des océans. Maintenant on utilise encore ce terme pour les océanographes physiciens : tous ceux qui travaillent sur la dynamique des océans, la circulation océanique etc.
Lucien Laubier
L’océanographe « tout court » n’existe pas. On est océanographe physicien, on fait de la dynamique, on étudie les mouvements ; on est océanographe chimiste, on étudie la composition chimique de l’eau de mer etc ; on est océanographe biologiste, on peut s’intéresser soit au plancton soit au monde des animaux qui vivent sur le fond… Moi ce qui m’a intéressé, ce sont les animaux de fond. Depuis 20 ans, je ne travaille plus que sur l’abyssal (au-delà de 3000 mètres de profondeur).
Vous vous définissez donc comme un océanographe biologiste ?
Oui absolument. Ce qui est à peu près synonyme d’écologiste marin. Moi je suis pour la pluridisciplinarité très avancée, je prétends qu’avec un peu de travail on peut s’amuser, étant biologiste de formation, à parler de physique… Personnellement ça ne me pose pas de problème mais il y a des gens qui ne veulent pas en entendre parler comme certains professeurs du secondaire actuellement…
« Océanographe » serait alors plutôt un terme du passé ?
Au départ, l’océanographe « tout court » c’était le monsieur, comme le prince de Monaco, qui partait en mers lointaines sur de grands bateaux. Il y avait aussi le monsieur qui faisait la marée au large de Roscoff, celui-là était un biologiste marin. Peu à peu, l’océanographie s’est spécialisée tout en ayant besoin d’une approche pluridisciplinaire. Et puis, on s’est rendu compte que le biologiste marin, lui aussi, faisait de l’océanographie, mais de l’océanographie littorale… Tout ça n’est pas très important ! Pour moi l’océanographie n’est pas une discipline scientifique comme une autre. C’est le résultat d’un concours de sciences : la physique, la dynamique si on veut l’isoler de la physique, la mécanique des fluides, la chimie, la biochimie, les sciences de la terre, la géologie, la sédimentologie, la géophysique et enfin la microbiologie et de la biologie.