La campagne Serpentine est une campagne franco-russe multidisciplinaire qui s’est déroulée du 26 février au 6 avril 2007 sur la dorsale atlantique entre 13° et 17° Nord.
La campagne tire son nom de la roche hydratée produite par la réaction entre l’océan et le manteau terrestre porté à l’affleurement* : la serpentine.
Les recherches concernaient aussi bien les sciences de la vie que les sciences de la terre puisqu’il s’agissait d’étudier les variabilités géologiques, géochimiques, biologiques et microbiologiques des processus hydrothermaux associés aux roches du manteau à l’axe des dorsales lentes.
Le chef de mission était Yves Fouquet, responsable du laboratoire de Géochimie et Métallogénie d’Ifremer de Brest et du programme GEODE (programme pluridisciplinaire d’études des milieux extrêmes dans les grands fonds).
Une dizaine d’organismes russes et français a participé à cette campagne, dans des spécialités telles que la biologie et la microbiologie, la géologie, la géochimie*, la métallogénie* (science des gisements métallifères).
Cette campagne a eu lieu à bord du Pourquoi Pas ? Le ROV Victor 6000 a permis de réaliser des prélèvements de diverses natures : eau, fluides hydrothermaux, roches, échantillons biologiques…
De nouveaux sites hydrothermaux ont été découverts :
- des sites actifs : Ashadze 1, Ashadze 2, Ashadze 3
- un site inactif : Logatchev 5
Ces découvertes et les plongées sur ces sites ont permis de faire diverses observations sur les propriétés physiques, chimiques et géologiques des lieux mais nous évoquerons ici ce qui concerne la biologie.
Sur les sites Ashadze, une faune différente des autres sites de l’Atlantique a été découverte : anémones, crevettes, vers tubicoles*…
Sur le site Logatchev 2, des champs de moules mortes, aux coquilles récentes et intactes, laissent penser qu’un incident aurait détruit l’environnement qui permettait la croissance de ces moules.
Les biologistes ont pu étudier les crevettes Rimicaris. Ces crevettes, présentes sous formes d’importants essaims sur les sites hydrothermaux, ont un mode de nutrition qui intrigue les scientifiques. On ne sait pas si elles consomment les communautés microbiennes qui vivent sur les parois des cheminées hydrothermales et si elles disposent d’une microflore digestive.
La campagne Serpentine a aussi été l’occasion d’étudier les microorganismes piezzophiles. Ceux-ci peuplent les grands fonds, ils sont aussi appelés barophiles (aimant la pression) et font partie des extrêmophiles (qui vivent dans des conditions extrêmes) tout comme les microorganismes hyperthermophiles (croissance optimale au-delà de 80°C) qui ont déjà été localisés sur des sources hydrothermales. Les scientifiques s’interrogent sur l’évolution de leur croissance en fonction des facteurs que sont la température et la pression.
L’analyse des fluides hydrothermaux issus des nouveaux sites découverts permettra d’étudier la synthèse du méthane et de l’hydrogène dans ces lieux. On sait que cette synthèse est nécessaire au développement d’une biosphère profonde mantellique (organismes vivant sous le plancher océanique / mantellique ou mantélique : propre au manteau terrestre). Cela permettra d’avancer dans la connaissance des microorganismes qui vivent sous le plancher océanique. Certains ont été découverts jusqu’à 1 600 mètres sous le plancher océanique, par une profondeur de 4 500 mètres d’eau.
Une autre action menée pendant la campagne est de continuer les recherches entreprises internationalement pour comprendre si les sites hydrothermaux de la dorsale médio-atlantique ont pu servir de milieux relais pour certains groupes zoologiques, vivant des deux cotés de l’Atlantique. En effet, il existe des ressemblances entre la faune des sources hydrothermales profondes et celle des sources froides sur les marges continentales (à proximité des canyons creusés par les grands fleuves comme la Mississipi, le Zaïre). Elles utilisent toutes deux les fluides riches en éléments réduits. Les sources froides constituent un suintement de fluide enrichi en méthane et autres hydrocarbures sur le plancher océanique. Les sources hydrothermales constituent une source d’eau chaude, riches en minéraux. Des similitudes ont aussi été remarquées et même des espèces identiques dans des milieux très différents et éloignés sur les deux bords de l’Atlantique. Une hypothèses est celle que ces communautés d’êtres vivants auraient une origine commune et se seraient éloignées et différenciées dans le temps suite à l’ouverture de l’Atlantique.