Qu’est-ce que l’Océanographie ?

Sommaire +
  1. I.Introduction
  2. II.Océanographie – Présentation
  3. III.Quelques principes d'océanographie
  4. IV.Quelques missions océanographiques
  5. V.Le métier d'océanographe
  6. VI.Glossaire

IV. b. Géosciences marines : Opération Famous

Famous est le premier programme d’étude à haute résolution des fonds sous-marins. La théorie de la tectonique* des plaques, acceptée dans le monde de la science à partir de 1968, restait néanmoins une hypothèse s’appuyant sur des mesures indirectes. La nécessité de plonger pour vérifier le phénomène d’expansion océanique s’imposait alors. Une exploration d’une partie de la dorsale médio-océanique a donc eu lieu et plus exactement de la vallée profonde qui l’entaille sur toute sa longueur : le rift*, l’endroit où se forment les plaques flottant sur du magma à la surface de la Terre, comme le veut en effet l’hypothèse de la dérive des continents. 

Genèse de la mission

A l’origine, il s’agit d’une initiative du CNEXO* (Centre national pour l’exploitation des océans), futur Ifremer, et de la WHOI* (Woods Hole Oceanographic Institution).

En novembre 1971, le CNEXO et le WHOI se réunissent pour définir les objectifs de la mission et son organisation. Ils rédigent un document commun faisant l’état des lieux des connaissances et des lacunes en ce qui concerne la théorie de la tectonique* des plaques.

L’objectif de la mission est d’examiner en détail, de photographier et de cartographier une région dans laquelle se met en place la nouvelle croûte océanique au fur et à mesure que les plaques adjacentes (plaque Afrique et plaque Amérique) s’écartent dans leur mouvement de dérive. Si l’hypothèse de la tectonique des plaques rend bien compte du mouvement des plaques, elle n’explique pas encore bien les processus physiques responsables de la formation de ces plaques dans les zones d’écartement. De même, on connaît peu de choses sur l’activité volcanique, les phénomènes de circulation hydrothermale, la minéralisation* qui caractérisent cette zone. Le but est de lever toutes ces incertitudes. Pour cela, des prélèvements de roche sont prévus à chaque plongée.

Le nom de l’opération provient d’une suggestion de Xavier Le Pichon : FAMOUS pour French American Mid Ocean Undersea Survey (littéralement, enquête sous-marine franco-américaine en plein océan).

Les chefs de projet désignés sont : Jim Heirtzler pour la partie américaine, Claude Riffaud pour la partie française.

Une préparation impressionnante

Le choix des sous-marins se fait en fonction de leurs capacités à descendre à environ 3 000 mètres, profondeur estimée de cette zone. Archimède et SP 3000 (future Cyana) pour la France / Alvin pour les Etats-Unis). Archimède a déjà effectué de nombreuses plongées et a montré sa fiabilité.

dt_oceano_0132Après avoir été défini, le site Famous, qui s’étend sur une vingtaine de kilomètres à 900 kilomètres à l’ouest des Açores, est soigneusement cartographié. Ce qui permet d’attribuer les sites de plongée aux sous-marins suivant leurs capacités :

  • Le fond de la vallée  pour Archimède (lourd, peu manoeuvrant)
  • la zone Sud et les flancs du rift pour Alvin
  • la faille transformante* Nord pour SP 3000, supposé plus manoeuvrant

 

 La mise au point des équipements représente deux ans d’efforts, du côté français, comme du côté américain. 23 navires de surface de divers pays (navires français, américains, britanniques, soviétiques) sont déployés pour des études pré-mission. Jamais un programme aussi exhaustif et précis sur une zone du fond des océans n’avait été réalisé auparavant. Les études réalisées en amont concernent : des mesures des courants, des relevés bathymétriques* pour ne pas descendre en aveugle sur fond inconnu (on utilise de nouveaux sondeurs* à pinceaux étroits, les plus précis à l’époque), des missions de dragage pour fournir des échantillons de roche aux géologues, des opérations sismiques pour renseigner les géophysiciens sur la structure de la croûte aux abords du rift…

Pour la première fois,  des explorateurs des grands fonds allaient plonger en sachant avec précision dans quelle zone ils évolueraient.

Un effort considérable est aussi fait en ce qui concerne l’équipement des sous-marins et navires. Des caméras, appareils photographiques, systèmes d’enregistrement sont embarqués. Sur Archimède, des bras hydrauliques* sont conçus pour prélever des roches ; un équipement spécial de recharge de ses batteries est emmené à bord de son navire support le Marcel Le Bihan… La Marine américaine promet une couverture complète de la zone par un nouveau procédé encore un peu confidentiel : le Libec (Light behind camera).

Un système de navigation ayant pour objectif de pouvoir reconstituer sur une carte le trajet sous-marin et retrouver les points précis d’une plongée sur l’autre est mis en place par Thomson-CSF (groupe industriel français résultat de la fusion en 1968 de l’activité électronique de l’entreprise Thomson-Brandt et de la CFS, Compagnie Générale de Télégraphie Sans fil) et la Marine nationale. Ce système repose sur un champ de trois balises acoustiques mouillé sur le fond, en triangle, maintenues par flotteurs à environ 100 mètres du fond. Le navire interroge les balises à cadence régulière et les réponses sont enregistrées par un ordinateur. Le navire peut alors se localiser précisément non plus grâce au satellite mais grâce à une balise située sur fond.

De plus, le submersible est constamment suivi en plongée depuis la surface, par l’intermédiaire d’un téléphone sous-marin ente le navire et le sous-marin : le Tuux, pour lequel 18 mois d’élaboration ont été nécessaires.

Déroulé de la mission

C’est l’équipe française et Archimède qui lancent l’opération.

Il existe 2 groupes pour la partie française :

  1.  Archimède / Marcel Le Bihan, personnel de la Marine nationale française, ingénieurs et techniciens CNEXO en charge du positionnement et de l’instrumentation du sous-marin.
  2. Cyana (ex SP 3000) / Noroît, personnel CNEXO, Jean Jarry à la direction.

Pour l’équipe américaine, la maîtrise d’œuvre est assuré par la WHOI, sous la direction de Jim Heirtzler. Alvin posède sa propre équipe de pilotes, ingénieurs et techniciens. Les bâtiments opérationnels  sont Knorr et Lulu.

51 plongées auront lieu dans un relief tourmenté : 19 pour Archimède, 15 pour Cyana  et 17 pour Alvin.

Résultats

Famous a permis de réaliser une topographie des lieux avec une précision jamais atteinte auparavant, à quelques mètres près.

L’étude géologique de cette zone est comparable à celle effectuée sur les continents. Avant la mission Famous, les océanographes avaient dû se contenter d’extrapoler des considérations géologiques à partir de données géophysiques recueillies depuis la surface, sans aucune vérification directe possible.

Cette opération apporte une dimension nouvelle à l’océanographie, elle a permis la mise au point d’un outil d’investigation incomparable, et n’est pas un simple travail d’observation.

Le recueil des données est précis, le travail répond à des critères scientifiques objectifs et est un exemple des possibilités que peut offrir une importante mobilisation scientifique et technique internationale.

Pour en savoir plus :

Voir le film en ligne retraçant l’opération Famous sur le site du CERIMES (Centre de ressources et d’information sur les multimédias pour l’enseignement supérieur) :

https://www.canal-u.tv/video/cerimes/operation_famous.9416