Cependant, lorsqu’il apprend la présence de l’Alabama à Cherbourg, Édouard LIAIS, consul des États-Unis en poste à Cherbourg, s’empresse de télégraphier l’information à son ambassade située à Paris, laquelle avertit aussitôt le Kearsarge, qui sillonne la Manche depuis plusieurs jours. Vieil ennemi du CSS Alabama, l’USS Kearsarge est depuis longtemps à la poursuite du croiseur confédéré. Le 14 juin 1864, le Kearsarge fait son entrée dans la grande rade de Cherbourg.
« Mardi 14 juin – Grande émotion à bord. Le Kearsarge a fait son apparition à l’entrée Est de la jetée, vers 11h du matin. J’envoyai immédiatement à terre l’ordre de charger le charbon (100 tonnes), puis je fis abattre les vergues du mât d’artimon ainsi que les vergues de perroquet, et je me préparais au combat… » – Extrait du journal de bord du commandant SEMMES
Le commandant SEMMES donne immédiatement l’ordre de se préparer au combat, mais le Kearsarge se contente de signaler sa présence, traversant la rade d’Est en Ouest. Le défi est lancé. L’Alabama est coincé à Cherbourg.
Afin d’éviter un combat naval devant la rade, les autorités françaises intiment l’ordre au Kearsarge d’attendre l’Alabama hors des eaux territoriales.
Durant les quelques jours de répit précédant le combat, SEMMES achève le ravitaillement en charbon et procède aux réparations les plus urgentes tandis que John A. WINSLOW, commandant du Kearsarge, renforce la protection de sa coque par des caissons de bois remplis de chaînes.
Les deux hommes se connaissent déjà puisqu’ils ont servi ensemble sur le même navire quelques années auparavant durant la guerre qui a opposé les États-Unis au Mexique.
Le Kearsarge et l’Alabama sont de force sensiblement égale : mieux armé, le Nordiste est cependant moins maniable que le Sudiste. SEMMES écrit : « la lutte sera […] acharnée et opiniâtre ». Les deux hommes s’engagent officiellement à se battre avec loyauté.
Le week-end des 18 et 19 juin 1864 coïncide avec l’arrivée du premier train des Plaisirs de l’année et l’inauguration du nouveau casino de Cherbourg.
Cela explique la présence de Parisiens venus goûter les joies des bains de mer, de personnalités françaises et anglaises invitées à cette occasion. Le dimanche 19 juin, au matin, ce sont donc des milliers de spectateurs qui se massent sur les hauteurs dominant la ville pour assister au combat entre les deux navires.
Le 19 juin, à 10h, l’Alabama sort du port de Cherbourg, escorté par la frégate cuirassée française La Couronne. Le mauvais temps des derniers jours a fait place à une douce brise. Un yacht à vapeur anglais, le Deerhound, avec à son bord une famille entière, suit à une distance respectueuse l’Alabama. Il va être le témoin le plus rapproché du combat.
Arrivé à la limite fixée par les lois de la neutralité, l’Alabama se sépare de son escorte. Le capitaine SEMMES harangue son équipage :
« On peut dire sans exagération que vous avez détruit, […] la moitié des bâtiments de commerce de l’ennemi […] Le nom de votre navire est devenu célèbre parmi tous les peuples civilisés. Ce nom sera-t-il terni par une défaite ? C’est impossible ! […] N’oubliez pas qu’en ce moment l’Europe entière vous contemple. Le drapeau qui flotte au-dessus de vos têtes est celui d’une jeune République. Il défie celui de son ennemi, en tous lieux, et toutes les fois qu’il le rencontre. Montrez au monde que vous savez le défendre. » – Extrait du journal de bord du commandant SEMMES
Une inégalité d’armement entre les deux navires semble jouer en la faveur du Kearsarge. De plus, l’Alabama n’a été que partiellement réparé durant les quelques jours passés à Cherbourg.