Scientifiques et industriels en conviennent, les microorganismes des sources hydrothermales détiennent des secrets qui laissent rêveurs. Des secrets aux enjeux professionnels, médicaux et scientifiques. En effet, les bactéries* thermophiles permettent d’entrevoir d’innombrables applications dans des domaines parfois très lointains, que ce soit la lutte contre le cancer ou les perspectives de dépollution.
Avec une estimation à plus de 17 milliards de dollars (en 1999), le marché potentiel mondial des enzymes* et des composés organiques issus des extrêmophiles* se porte plutôt bien. C’est en tout cas ce que montre cette estimation de la société Diversa, spécialisée dans la vente d’enzymes* d’archéobactéries hyperthermophiles aux industriels. Pour elle, l’avenir passe en partie par la filière pharmaceutique qui représente à elle seule près de 5 milliards de dollars.
Un phénomène qui est confirmé par la multiplication des dépôts de brevets. Les travaux de recherche sont bien évidemment soutenus par de nombreux programmes publics et privés. Ainsi, l’Union Européenne adhère à cette politique et considère la recherche sur les extrêmophiles* comme une priorité.
Elle a d’ailleurs mis en place des programmes biotechnologiques dès 1982. Entre 1993 et 1996, le projet « Biotechnologies des extrêmophiles* » a impliqué 39 laboratoires européens et fut un véritable succès.
De 1996 à 1999, dans le cadre du 4ème programme commun de recherche et développement, le projet « Les extrêmophiles* comme usines cellulaires » a impliqué plus de 58 institutions pour un budget de près 46 millions de francs. Son objectif était de parvenir à produire des enzymes* industrielles (hydrolases et ADN* polymérases), voire d’autres molécules, à partir d’extrêmophiles* spécifiques.
Entre 2001 et 2004, le programme « Pyred« , soutenu par l’Union Européenne, a eu pour objectif d’étudier les thermophiles Thermococcales et de mieux déterminer leurs potentialités industrielles.
Les Etats-Unis ne sont pas en reste puisque plusieurs grands organismes de recherche ont eux aussi développé leur propre programme sur les extrêmophiles* :
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La Scripps Institution of Oceanography (La Jolla, Californie, Etats-Unis)
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Le Woods Hole Oceanographic Institution (Woods Hole, Massachusetts, Etats-Unis)
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Le National Cancer Institute (Bethesda, Maryland, Etats-Unis)
En 1998, la National Scientific Fondation a même lancé un appel d’offres de 6 millions de dollars sur l’étude de la vie des extrêmophiles*.
Cet enthousiasme a gagné petit à petit le reste du monde. D’autres programmes ont également été lancé au Japon impliquant différents organismes de recherche comme le Centre maritime japonais de la science et de la technologie de Tokyo ou encore les universités de Tsukuba et de Kyoto.
En France, le laboratoire Microbiologie et Biotechnologie des extrêmophiles* de l’Ifremer (anciennement LBMH) contribue à caractériser la biodiversité microbienne des sources hydrothermales. Il vise aussi à l’isolement de souches bactériennes et archéennes originales. Le but final étant bien sûr de rechercher les valorisations possibles de la collection de microorganismes ainsi constituée.
Parallèlement, ce laboratoire participe aux programmes suivants :
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Le programme scientifique du GDR* « Groupement de Recherche sur les polysaccharides* microbiens d’origine marine et leurs potentiels biologiques ».
Son objectif : identifier et valider les propriétés thérapeutiques de nouveaux polysaccharides* d’origine marine.
Les équipes de recherche (Laboratoire hématologie-hémostase, UMR Université Paris 5 et INSERM U428 ; Laboratoire de physiopathologie des tissus non minéralisés, Université Paris 5, Faculté de chirurgie dentaire ; Laboratoire de thérapie cellulaire et de culture de cellules souches hématopoïétique, Université de Bretagne Occidentale, CHU Morvan) impliquées dans ce programme se proposent d’étudier les potentiels thérapeutiques des exopolysaccharides (EPS) produits par des bactéries* marines dans différents domaines de santé humaine (cardiovasculaire, oncologie* et ingénierie tissulaire).
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Le programme VANAM, Valorisation Alimentaire et non Alimentaire des Macromolécules. Ce programme de recherche, mené dans le cadre du Contrat Etat-Région Pays de la Loire, relève du secteur Agroalimentaire – Végétal – Environnement. Parmi ses actions : le développement de nouvelles molécules d’intérêt médical dérivées de polysaccharides* marins (Alteromonas macleodii, Alteromonas infernus).
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Le programme GIENSAT (cf. Le rôle des polysaccharides*)
L’engouement pour ces bactéries* extrêmophiles* touche également le secteur privé. Les sociétés se multiplient. En Israël, la société Archaenzyme Ltd. se consacre à l’isolement et au développement d’enzymes* à partir d’archaebactéries pour diverses applications : ligases à ADN*, alcools et glucoses déshydrogénases, protéases*.
La première société française, Protéus, spécialisée dans la vente d’enzymes* d’archéobactéries hyperthermophiles a vu le jour en 1998 dans le cadre d’un accord passé avec l’Ifremer.
En savoir + : Protéus, le spécialiste français des thermophiles
Son principal marché repose sur la biocatalyse (l’utilisation d’enzymes* pour accélérer les réactions chimiques dans les procédés de synthèse à l’échelle industrielle). Un secteur qui intéresse notamment l’industrie pharmaceutique, agroalimentaire, papetière et textile.
Protéus se distingue de ces concurrents, comme le danois Novo Nordisk, en offrant des enzymes* sur mesure, capables de résister à des températures, des taux de solvants ou des pH alcalins extrêmes. Dans ce domaine précis, seul reste en lice l’américain Diversa co. qui, lui, exploite les microorganismes des sources chaudes du parc de Yellowstone.
La jeune société française, quant à elle, profite du partenariat passé avec l’Ifremer pour se constituer une banque de microorganismes. Elle détient en effet une licence d’exploitation exclusive des collections réunies par l’Ifremer à l’occasion de ses campagnes de plongées près des sources hydrothermales.
Pour en savoir plus : http://www.proteus.fr
En 2004, Seadev, nouvelle entreprise de biotechnologies marines, démarre ses activités sur la technopole de Brest-Iroise. Son objectif est de valoriser les molécules issues des recherches sous-marines profondes de l’Ifremer. Les applications concernent notamment la chimie et l’industrie des cosmétiques.
Pour en savoir plus : http://www.ifremer.fr/com/dossier-presse/15-10-04-seadev.htm