Microbiologiste et Directeur Scientifique Société Protéus
Protéus développe des applications à partir des micro-organismes marins mais en quoi son activité est-elle différente des autres sociétés ?
Protéus est assez originale dans ce secteur. C’est la seule société française, ou presque, à développer les applications issues des bactéries* hydrothermales. Une politique réalisable grâce au partenariat passé avec l’Ifremer lors de la création de l’entreprise en 1998 et qui nous offre la possibilité d’accéder à une véritable banque de micro-organismes marins.
Notre métier consiste donc à découvrir et à développer des protéines* d’intérêt industriel issues de ces organismes marins. Nous nous intéressons plus particulièrement aux protéines* à activités catalytiques (c’est-à-dire aux enzymes*) et notamment à celles provenant de micro-organismes extrêmophiles*.
Quelles sont les grandes étapes mise en œuvre par Protéus dans cette recherche d’applications ?
Le partenariat avec l’Ifremer évoqué précédemment nous donne accès à la biodiversité qui peuple les grands fonds. Dans cette biodiversité, notre travail consiste à rechercher les molécules qui ont un potentiel que l’on pourrait qualifier « d’industriel ». Bref, on passe au crible les microorganismes de ces milieux pour mettre en évidence les enzymes* pertinentes en vue d’application. La première étape consiste donc à identifier les micro-organismes exprimant les enzymes* intéressants.
Une fois découverte, l’enzyme* qui répond à l’application est isolée et caractérisée. Si la réponse à l’application n’est pas parfaite et que l’enzyme ne propose qu’une solution partielle (active à une autre température ou à un autre pH par exemple), nous allons faire évoluer cette protéine*. On essaye simplement de faire coïncider les caractéristiques de l’enzyme* avec les caractéristiques de l’application. Pour y parvenir, nous avons mis au point plusieurs techniques d’évolution dirigée, aujourd’hui brevetées, dont le « L-shuffling » .
En savoir + : L’évolution dirigée par L-shuffling
Protéus a choisi d’aborder la biocatalyse en combinant 2 voies complémentaires : la biodiversité et la biologie combinatoire. Cette dernière technologie permet d’adapter les caractéristiques d’une enzyme* en générant de nouveaux variants aux propriétés nouvelles (ou améliorées) par recombinaison de gènes parentaux.
La société Protéus dispose pour cela de sa propre technologie de gène shuffling, baptisée « L-shuffling » pour adapter les enzymes aux contraintes industrielles. Contrairement aux méthodes basées sur la mutagénèse, cette méthode permet d’obtenir des adaptations spectaculaires. Elle se révèle particulièrement utile pour compléter l’évolution naturelle. En combinant, criblage de la biodiversité naturelle (et notamment extrêmophile*) et évolution dirigée, Protéus réunit les approches les plus pertinentes pour délivrer les enzymes originales qu’attend l’industrie pour synthétiser les produits du futur.
Dès que le résultat est obtenu, nous mettons au point le procédé de fabrication puis nous lançons la production. Enfin, nous nous efforçons de trouver la formulation optimale de la protéine* pour l’application et le procédé visés.
Les bactéries* thermophiles issues des sources hydrothermales offrent-elles de nombreuses applications ?
Sans aucun doute. Les débouchés de ces recherches ne cessent de s’élargir. Comme je vous l’ai dit, ces bactéries* produisent des enzymes*. Des enzymes* qui sont déjà aujourd’hui, omniprésentes dans le monde industriel. Et c’est peu dire puisque les applications directes ou indirectes de ces enzymes* sont infinies. On les trouve partout, comme par exemple les lessives ou des protéases*, des lipases* et même des amylases* sont utilisées pour faciliter la dégradation des macromolécules à l’origine des tâches. Dans l’alimentation animale, les enzymes* améliorent la digestibilité des aliments. Dans l’industrie papetière, les enzymes* sont utilisées dans le traitement des pâtes à papier (blanchiment, et amélioration des propriétés physique de la pâte) La liste des applications pourrait être longue…
Mais ce n’est pas tout. Les enzymes* interviennent aussi et surtout comme auxiliaires technologiques. Autrement dit, elles sont utilisées dans des procédés industriels pour la conception d’autres produits. C’est notamment le cas des biocatalyseurs* qui sont utilisés en synthèse chimique. Ce domaine représente vraisemblablement la partie la plus importante de notre activité.