Nota : Les mots indiqués d’un astérisque (*) sont définis dans le glossaire.
M. Lucien Laubier, qui était à l’époque Directeur de l’Institut Océanographique de Paris et Professeur à l’Université de Méditerranée (Centre d’Océanologie de Marseille – Observatoire des Sciences de l’Univers -), nous avait fait l’amitié de relire et valider ce dossier en 2006.
Loin des idées reçues, l’apparition de la vie n’est sans doute pas si exigeante qu’elle y paraît. Alors que la lumière, l’oxygène, ou l’eau faisaient figures de critères indispensables au développement de toute forme de vie, l’observation des milieux extrêmes incite à relativiser les « conditions uniques » dans lesquelles sont apparus les premiers microorganismes. Ainsi, la vie ne cesse de surprendre en colonisant les milieux les plus insolites et hostiles de la planète.
Charles Darwin fut l’un des précurseurs dans l’observation des organismes vivants des environnements extrêmes. Au cours d’un voyage en Amérique du sud, où il visitait un grand lac salé, il remarqua que l’eau arborait une couleur rougeâtre. Après analyse, cette couleur s’avéra être liée à la présence d’un grand nombre de petits organismes vivants : « Lacs d’eau saumâtres ou sources minérales d’eau chaude, profondeurs de l’océan, régions supérieures de l’atmosphère, surface des neiges éternelles ; partout on trouve des être organisés« . Et Darwin ne s’était pas trompé…
Le milieu abyssal, où règnent le froid, l’obscurité et une très forte pression, couvre 307 millions de kilomètres carrés soit les deux tiers de la surface du globe. Il a longtemps été considéré comme un quasi-désert mais il y a une trentaine d’années, les océanographes ont découvert des oasis de vie au milieu de paysages semi-désertiques.
Un écosystème extrême
Les microorganismes appelés « extrêmophiles* » sont spécifiquement adaptés à des milieux écologiques particuliers où ils se développent activement alors qu’ils ne survivent pas dans des conditions « ordinaires ».
Il en existe différents groupes. Tous sont répartis en fonction des paramètres physiques (pression, température…) ou chimiques (salinité, acidité…) extrêmes pour lesquels leur croissance est optimale.
Les premières observations d’espèces thermophiles (espèces adaptées aux hautes températures) sous-marines eurent lieu en 1977 et 1978 lors de campagnes océanographiques américaines et françaises sur la ride Est-Pacifique. Les scientifiques ont découvert des écosystèmes hydrothermaux sous-marins à plus de 2500 mètres de profondeur. Un phénomène encore inconnu jusque-là. à la surprise générale, des communautés d’organismes prolifèrent autour de ces sources hydrothermales. Vers immenses au panache rouge vif, grands bivalves et crustacés semblent parfaitement s’acclimater au noir absolu, aux températures et aux pressions extrêmes, tout comme ils semblent indéniablement tolérer une faible teneur en oxygène…
Un intérêt industriel
Ces microorganismes, dits « extrêmophiles* » présentent, outre leur intérêt écologique évident, l’avantage de fonctionner dans des conditions extrêmes. Une aptitude qui se révèle être un véritable atout dans le domaine des biotechnologies. En effet, de nombreux procédés industriels se déroulent dans des conditions de température, de pression ou encore de pH extrêmes, or les bactéries* ou enzymes* utilisées traditionnellement ne sont actives que dans un domaine restreint de conditions de température, pression…
Les sources hydrothermales font donc figures de véritables gisements potentiels de molécules originales pour de nouvelles applications industrielles. Et ceci aussi bien dans le domaine de la biologie moléculaire* que dans les biotransformations* à haute valeur ajoutée.
En savoir + : Les biotechnologies ou la « technologie au naturel »
Qu’appelle-t-on biotechnologies ? Ce terme désigne pour l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) « les applications de la science et de la technologie aux organismes vivants, à d’autres matériaux vivants ou non vivants, pour la production de savoirs, biens et services ».
Autrement dit, les biotechnologies symbolisent l’ensemble des procédés et techniques qui utilisent comme outils des organismes vivants (cellules, bactéries*, levures, …) ou des parties de ceux-ci (gènes*, enzymes*, …).
Elles sont utilisées dans de multiples domaines : l’agriculture, la médecine, les cosmétiques ou encore l’alimentation. En boulangerie par exemple, des enzymes* permettent le blanchiment de la mie de pain.
Les grands domaines de la biotechnologie sont au nombre de quatre :
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Les fermentations : fabrication de vin, de pain, de fromage, mais aussi d’antibiotiques, de méthane, traitement et valorisation de déchets… ;
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Le génie enzymatique (en liaison avec les fermentations) : il regroupe l’ensemble des concepts, des méthodes et des techniques, mettant en œuvre les propriétés catalytiques des enzymes* ;
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Le génie génétique* qui modifie le patrimoine génétique des cellules (bactériennes, notamment) pour les rendre aptes à certaines fonctions (exemple : OGM Organismes Génétiquement Modifiés) ;
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Le clonage.
Les biotechnologies sont aujourd’hui omniprésentes dans le monde de l’industrie que ce soit dans les lessives, les pâtes à papier, les crèmes à bronzer, dans l’alimentation du bétail, la fabrication du sucre à partir d’amidon ou pour faire vieillir les jeans ! On les trouve aussi en tant que réactifs dans les analyses médicales, dans l’industrie du cuir, dans la valorisation des déchets ou encore dans le domaine thérapeutique… Dans tous ces secteurs, les progrès de la biologie moléculaire* donnent accès à de nouveaux produits et apportent des améliorations aux procédés classiques.