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Sylvia EARLE © Todd Brown
Sylvia EARLE © Todd Brown

Sylvia EARLE

Une enfance en lien avec la nature

Sylvia EARLE est née le 30 août 1935 à Gibbstown, New Jersey (États-Unis). Elle passe son enfance dans une petite ferme près de Camden (New Jersey). Elle aime explorer les bois près de sa maison, fascinée par les animaux et les plantes qui y vivent.

« Avec mes frères, nous étions libres de parcourir les champs et les forêts alentours. Mon endroit préféré était un étang, bordé d’un saule pleureur. »

En 1947, sa famille emménage à Clearwater (Floride). Un nouveau terrain de jeu pour Sylvia EARLE qui ne tarde pas à tout connaître de la faune et de la flore qui vit le long des côtes du golfe du Mexique. Pendant les vacances, la famille EARLE se rend sur les côtes du New Jersey, où elle découvre les joies de la mer, les crabes et les méduses.

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Sylvia EARLE est une élève très douée et bénéficie d’une bourse d’étude. Quand elle n’est pas en classe, elle travaille dans des laboratoires universitaires pour subvenir à ses études. Elle obtient un baccalauréat scientifique puis un master.

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La révélation

En 1952, elle se passionne pour le livre « Cette mer qui nous entoure » de la biologiste Rachel CARSON, dédié à la vie dans les océans et aux grandes découvertes scientifiques. Elle découvre également dans National Geographic un article rédigé par le Commandant COUSTEAU dont la première phrase est une révélation pour Sylvia EARLE : « La meilleure façon d’observer un poisson c’est de devenir poisson soi-même. Et la meilleure façon de devenir un poisson, c’est de porter un appareil respiratoire comme l’Aqualung qui permet d’évoluer sous la mer sans danger et sans crainte. »

« Pour moi, en tant que scientifique, tout a commencé en 1952, la première fois que j’ai fait de la plongée sous-marine. C’est là que j’ai fait connaissance avec des poissons qui nageaient dans autre chose que des tranches de citron et du beurre. »

Passionnée par tous les aspects de la vie dans les océans, Sylvia EARLE décide de se spécialiser en botanique et plus précisément en algologie (étude des algues). L’année suivante, elle est admise à l’Université de Floride. Sous l’égide de son professeur, le Dr. Harold J. HUMM, elle travaille sur de nombreux projets et passe des heures au laboratoire marin d’Alligator Harbor, dans le golfe du Mexique près de la baie Appalachicola. Elle réalise également de multiples plongées avec l’équipement Aqualung créé par le Commandant COUSTEAU.

« Mon professeur, Dr. Harold J.HUMM, a clairement indiqué qu’il pensait que la meilleure façon d’étudier les poissons était d’aller là où les poissons se trouvaient, de les rencontrer dans leur milieu naturel. »

Diplômée en 1955 à l’âge de 19 ans, elle intègre l’année suivante l’Université Duke (Caroline du Nord), l’une des plus renommées au monde, et prépare une thèse sur les algues brunes du golfe de Mexique. Malgré ses qualifications, l’université lui refuse un poste d’assistante, qui lui permettrait de financer ses études, prétextant qu’elle est « susceptible de se marier et de fonder une famille ». C’est toutefois ce qui se produit…

En 1957, Sylvia EARLE épouse un étudiant en zoologie. De cette première union naîtront deux enfants : Elizabeth en 1960 et John Richie en 1962. Un 3e enfant Gale Mead verra le jour en 1968.

« J’ai alors commencé à jongler entre mon travail de chercheur, ma vie d’épouse et mon rôle de mère […], cherchant à maintenir un équilibre entre mon foyer et mes recherches. »

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En 1964, elle rejoint pendant 6 semaines une expédition, à bord de l’Anton Bruun, dans l’océan Indien organisée par la Fondation américaine des sciences. De 1965 à 1967, elle est la directrice adjointe de son modèle féminin, Eugénie CLARK, au Laboratoire marin de Cap Haze, en Floride. Surnommée « The Shark Lady », Eugénie CLARK est une pionnière dans la conservation du milieu marin et dans l’étude du comportement des requins.

En 1966, Sylvia EARLE décroche son doctorat. Sa thèse, très détaillée, fait sensation dans la communauté océanographique. Pour ce projet, elle collecte plus de 20 000 échantillons d’algues.

En 1967, elle obtient un poste de chercheur à l’Institut Radcliffe (1967-1969) et au Farlow Herbarium (1967-1981) qui dépendent tous deux de l’Université de Harvard.

Vivre et travailler dans les maisons sous-marines

En février 1968, Sylvia EARLE plonge, pour la première fois, à une trentaine de mètres de profondeur, à bord du Deep Diver, un sous-marin crache-plongeurs dans le cadre du projet Man-in-Sea. Conçu par l’ingénieur Edwin A. LINK, le Deep Diver est équipé de deux compartiments :

  • e premier où la pression est égale à une atmosphère, c’est de là que le sous-marin est piloté et d’où une plongée peut être dirigée ;
  • le deuxième compartiment dit de « compression » à partir duquel une plongée peut être effectuée.

« La porte vers l’océan s’est ouverte. Malgré ma connaissance des lois de la physique, il me semblait improbable que la pression à l’intérieur du sous-marin puisse empêcher l’eau d’y pénétrer, mais j’étais là, assise, au chaud et au sec […]. J’ai mis mon doigt dans l’eau, puis mes orteils, puis j’y suis allée entièrement, posant d’abord mes pieds sur le sable doux. »

Pendant 1h30 (une durée 4 fois supérieure à celle d’une plongée avec bouteilles), Sylvia EARLE peut évoluer sous l’eau. À son retour à la surface (après une période de décompression), elle est plus que jamais motivée à renouveler l’expérience ! C’est ainsi, qu’en 1969, elle postule pour participer au programme d’habitat sous-marin Tektite, piloté et financé conjointement par la Marine américaine, l’agence spatiale américaine (NASA) et le Ministère de l’Intérieur. L’habitat sous-marin Tektite est installé dans le parc national des îles Vierges, St John, à 15 mètres de profondeur.

Malgré l’expérience accumulée par Sylvia EARLE et les centaines d’heures passées sous l’eau, les responsables du projet écartent sa candidature ne pouvant tout simplement pas imaginer des hommes et des femmes vivant ensemble dans un laboratoire sous-marin confiné !

Elle retente sa chance l’année suivante avec succès : elle est nommée chef de la mission 6-50, une expédition de recherche entièrement féminine. C’est la première fois que des femmes vont séjourner à bord d’une station sous-marine !

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Tektite I en 1969
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Le Dr. Sylvia EARLE montre des échantillons à une co-équipière installée dans Tektite

Du 6 au 20 juillet 1970, Sylvia EARLE et quatre autres femmes océanautes sont mises en saturation dans l’habitat sous-marin Tektite. Durant leur séjour, elles effectuent des plongées pour étudier la faune et la flore marine ainsi que leur environnement (géologie…).

Le programme Tektite II permet également à la NASA d’observer le comportement d’un groupe humain vivant en milieu confiné (similaire à celui d’une station spatiale). L’habitat est d’ailleurs truffé de caméras filmant 24h sur 24h les 5 océanautes. Les images sont étudiées par les psychologues de la NASA afin de déterminer quels sont les facteurs humains positifs et négatifs sur l’efficacité d’une équipe en milieu confiné.

À sa sortie de Tektite, Sylvia EARLE devient une personnalité reconnue au-delà de la communauté scientifique. Elle, et ses quatre co-équipières, sont invitées à s’exprimer devant le congrès américain. Elles sont ensuite reçues à la Maison Blanche par la Première dame, Pat NIXON.

De 1972 à 1975, Sylvia EARLE participe à 5 missions de 7 à 14 jours dans le laboratoire sous-marin Hydrolab de l’Institut océanographique américain NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration).

Transmettre au grand public

Fervente défenseur de la recherche sous-marine, Sylvia EARLE est de plus en plus sollicitée pour faire des conférences. Dès 1975, elle rédige des articles pour la revue National Geographic sur les missions scientifiques qu’elle effectue à travers le monde en collaboration avec le photographe sous-marin Al GIDDINGS.

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Le Dr. Sylvia EARLE en plongée avec un requin-baleine

La même année, pendant 6 semaines, elle étudie la faune et la flore des récifs coralliens des îles Truck (Pacifique Sud) et collecte 100 espèces d’algues dont 15 étaient jusqu’alors inconnues.

En 1976, elle devient conservatrice et chercheuse à l’Académie des sciences de Californie. En 1977, Sylvia EARLE et Al GIDDINGS font leur premier reportage sur les grands cachalots. Ils continuent l’aventure avec la migration des baleines de Hawaii vers la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud, les Bermudes et l’Alaska. Leurs déplacements sont enregistrés et diffusés auprès du public dans le film « Gentle Giants of the Pacifique » (1980).

En 1979, elle obtient le poste de conservatrice en phycologie à l’Académie des sciences de Californie.

Une océanaute de tous les records

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Le 19 octobre 1979, au large de l’île d’Oahu (Hawaii), Sylvia EARLE, équipée du scaphandre autonome Jim, explore les profondeurs pendant plus de 2 heures à 380 mètres de profondeur ! Cette plongée est historique : Sylvia EARLE est la première personne au monde à utiliser cette combinaison de plongée innovante. Elle bat le record de plongée en scaphandre autonome et en solitaire le plus profond au monde.

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Le Dr. Sylvia EARLE prête à plonger avec le scaphandre Jim

En 1981, elle fonde avec son futur (puis ex) 3e mari, l’ingénieur Graham HAWKES, Deep Ocean et <em, deux entreprises qui conçoivent des véhicules sous-marins, comme le Deep Rover et le Deep Flight, permettant aux scientifiques d’observer la vie marine à des profondeurs jamais atteintes. L’objectif final étant de créer un sous-marin capable de descendre dans la fosse des Mariannes.

« J’imagine un équipement pour une personne que je pourrai porter comme une tenue confortable, avec lequel je pourrai voyager librement (sans attache !) de la surface de l’océan aux plus grandes profondeurs (11 000 mètres). Il serait équipé de bras et des mains capables de toucher, de ressentir ou de récupérer des objets. J’aimerais également qu’il puisse me permettre de rester quelques heures au fond ou de revenir rapidement si je le souhaite ! »

Le 21 novembre 1985, Sylvia EARLE plonge à bord du Deep Rover au large de San Diego (Californie) et devient la première femme à atteindre en solitaire 1 000 mètres de profondeur.

Elle créé également la fondation à but non lucratif baptisée Deep Search dont l’objectif est de concevoir et de construire des systèmes permettant d’accéder aux grands fonds marins.

« En haute mer et dans les zones côtières, partout où nous pouvons identifier des zones critiques, nous avons besoin de nouvelles technologies pour cartographier, photographier et explorer les 95% des océans qui restent à découvrir. L’objectif est de protéger la biodiversité, d’en assurer la stabilité et la résilience. »

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Le Dr. Sylvia EARLE prête à plonger avec le Deep Rover
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Sylvia EARLE à bord du sous-marin monoplace Deep Worker

La protection de la planète bleue !

En août 1988, Sylvia EARLE rejoint une équipe pour une mission d’observation du Crater Lake (lac de cratère du volcan Mazama). À bord du Deep Rover, elle découvre un paysage incroyable.

« Il y a des roches ici, couvertes de quelque chose qui ressemble à de la neige ou de la mousse… Il y a des choses qui poussent sur les roches à 330 mètres de profondeur… »

La mousse qu’elle collecte n’a jamais été observée dans l’eau douce à cette profondeur. De plus, les analyses montrent la présence d’eau chaude et de nombreuses bactéries qui tapissent le fond du lac. C’est une révélation pour Sylvia EARLE : elle souhaite dorénavant protéger et explorer tous les environnements aquatiques de la Terre !

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Des orques nagent à proximité de bateaux tentant de contenir le pétrole déversé par l’Exxon Valdez

Le 24 mars 1989, le pétrolier Exxon Valdez s’échoue sur la côte de l’Alaska et provoque une importante marée noire, entraînant la mort de milliers d’oiseaux et de centaines d’animaux marins. Sylvia EARLE mène une prospection sur le site du naufrage en avril avec l’Institut océanographique NOAA et les garde-côtes. L’ampleur de la catastrophe sur la faune et la flore est un choc. Elle réalise que le comportement humain peut causer des dommages environnementaux irrémédiables.

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Le sous-marin scientifique du Jamstec, Shinkai 6500 © JAMSTEC

Durant l’été 1990, Sylvia EARLE est nommée, par le Président américain Georges BUSH, Directrice scientifique de l’Institut océanographique NOAA. En juillet 1991, elle réalise une plongée à bord du Shinkaï 6500, le sous-marin scientifique de l’Institut océanographique japonais Jamstec, à plus de 3 900 mètres de profondeur dans la fosse de Nankaï (côte Pacifique du Japon). Elle est émerveillée par la vision de créatures abyssales encore méconnues.

De retour aux États-Unis, elle est plus que jamais déterminée à convaincre le gouvernement américain d’investir dans la recherche sous-marine afin de mieux connaître et de mieux protéger les océans.

Le 20 janvier 1991, sur fond de Guerre du Golfe, 800 000 tonnes de pétrole brut sont déversées dans le golfe Persique par l’armée irakienne pour retarder les troupes américaines. Sylvia EARLE se rend immédiatement sur place. Ce qu’elle voit est effrayant.

« Il est difficile d’imaginer comment les tortues vont creuser à travers l’asphalte pour déposer leurs œufs… Personne ne connaît l’impact du pétrole sur cet écosystème végétal et animal incroyable. »

La marée noire de l’Exxon Valdez et cette nouvelle catastrophe écologique encouragent Sylvia EARLE à alerter l’opinion publique. Le 10 avril 1991, elle tient une conférence de presse révélant le résultat de 58 études sur l’impact de la marée noire du pétrolier Exxon Valdez sur la faune et la flore marines. Le 18 janvier 1992, elle quitte la NOAA et fonde Deep Ocean Exploration and Research s’engageant ainsi pleinement dans la protection des océans.

« Il y a cinquante ans, lorsque j’ai commencé à explorer les océans, personne – pas même Jacques Perrin, Jacques Cousteau ou Rachel Carson – n’imaginait que ce que l’on jetait ou ce que l’on prélevait dans l’océan puisse lui nuire. À l’époque, c’était pour nous une mer d’Eden, mais maintenant nous savons ce qu’il en est et nous sommes confrontés à la perte possible de ce paradis. »

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Sylvia EARLE en plongée

En 2000, elle est nommée exploratrice-résidente du National Geographic. Elle a, entre autres, dirigé pendant 5 ans les expéditions « Océans Durables », qui avaient pour but d’explorer la vie sous-marine (particulièrement dans les réserves marines américaines).

Entre 2006 et 2009, elle dirige le Conseil consultatif « Google Ocean » constitué d’une équipe de 30 scientifiques chargés de la validation scientifique des données transmises sur Internet.

Très impliquée dans le domaine de la protection des océans, elle fonde en 2008 Mission Blue, dont l’objectif est d’alerter l’opinion publique sur l’état critique des océans et de soutenir les initiatives prises pour les sauvegarder comme les aires marines protégées (« Hope Spots » ou « Spots de l’espoir »).

En août 2014, un documentaire « Mission Blue » est diffusé sur Netflix : il suit la campagne de sensibilisation menée par Sylvia EARLE pour créer ses « Hope Spots » marines.

En 2015, à l’occasion de la conférence « Our Ocean Conference » au Chili, Sylvia EARLE devient la nouvelle ambassadrice de l’« Appel de l’océan pour le climat ».

Sylvia EARLE est l’auteur de plus de 200 publications scientifiques et de 13 livres dont « Sea Change: Exploring the Deep Frontier » (1996), « Wild Ocean: America’s Parks Under the Sea » (1999), « The Atlas of the Ocean » (2008), « The World is Blue », (2010), « Blue Hope: Exploring and Caring for Earth’s Magnificent Ocean » (2014).

Elle a donné des conférences dans plus de 90 pays, et est apparue dans des centaines de productions télévisuelles.

« Mon souhait c’est que vous utilisiez tous les moyens à votre disposition – films, expéditions, Web… – afin d’amorcer un soutien public pour créer un réseau mondial de zones maritimes protégées, des lieux d’espérance suffisamment étendus pour sauver et restaurer les océans, le cœur bleu de la planète. »

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Tournage de Mission Blue : Sylvia EARLE et Steven FISHER (casquette bleue) qui réalise le documentaire

Elle a reçu de nombreuses distinctions nationales et internationales dont le prix TED 2009 pour son projet de création d’un réseau mondial d’aires marines protégées ou le prestigieux prix des Nations Unies pour l’environnement.

«Le poète Auden a dit : « Des milliers de gens ont vécu sans amour. Aucun n’a vécu sans eau ». 97% de l’eau sur Terre se trouve dans les océans. Pas de bleu, pas de vert. Si vous croyez que les océans sont sans importance, imaginez la Terre sans eux. C’est Mars qui nous vient à l’esprit. Pas d’océan. Pas de système de support de vie. »

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Affectueusement surnommée « Her Deepness » (« Son Altesse des profondeurs ») par la presse américaine depuis les années 1980, « Légende vivante » par la Librairie du Congrès (Washington), ou encore « La Jeanne d’Arc des océans » par James CAMERON, Sylvia EARLE a, à ce jour, plongé à bord d’une trentaine de sous-marins différents, dirigeant plus de 100 expéditions et totalisant plus de 7 000 heures sous l’eau.

« Je suis hantée par la pensée de ce que Ray Anderson appelle l’enfant de demain, qui nous demande pourquoi nous n’avons rien fait en notre temps pour sauver les requins, les thons rouges, les calamars, les récifs coralliens et tout ce qui vit dans les océans quand il était encore temps. Eh bien, le temps est venu. J’attends votre aide pour explorer et protéger les océans de manière à en restaurer la santé et, de ce fait, à être porteur d’espoir pour l’Humanité. La bonne santé des océans est synonyme de bonne santé pour nous. »

Crédits photos

© Sylvia EARLE – OAR/NURP │ Todd BROWN │ NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) │ Mission Blue, Al GIDDINGS and Hope Spots Company Inc. │ Mission Blue, Kip Evans