Michel L’HOUR, Directeur du Département des Recherches Archéologiques et Sous-Marines depuis 2006
La jeunesse
Michel L’HOUR grandit à Nantes et se passionne pour la mer, poursuivant ainsi la tradition familiale.
Michel L’HOUR grandit à Nantes et se passionne pour la mer, poursuivant ainsi la tradition familiale.
« Du côté de mon père, c’étaient des marins, des Bretons de Plouguerneau, face au phare de l’île Vierge. Enfant, on allait à la pêche là-bas avec mon grand-oncle, un charpentier de marine, quatre tours du Monde… Pour moi, la mer était une évidence et je me suis toujours senti Breton. »
À l’âge de 13 ans, admiratif des chantiers navals, il rêve de devenir pilote dans l’aéronavale tout en se nourrissant de livres d’Histoire. Au lycée, une professeur « allergique à l’uniforme » le dissuade de s’engager.
En 1973, son baccalauréat en poche, Michel L’HOUR débute des études supérieures d’Histoire puis se spécialise en archéologie Antique. En 1979, il découvre l’archéologie sous-marine à Martigues et décide d’apprendre la plongée.
La même année, il mène sa première fouille sur une épave du 2e-3e siècle après J.-C. : le Saint Gervais, situé à 4 mètres de profondeur dans le golfe de Fos-sur-Mer. Cette opération est menée par Bernard LIOU, Directeur des recherches archéologiques sous-marines.
« Saint Gervais ça a quand même été le choc. J’ai su immédiatement que c’était bien ça que je voulais faire… »
La Direction des recherches archéologiques sous-marines est fondée en 1966 par le Ministre de la Culture André MALRAUX, suite à l’exploration des épaves du Grand Congloué dans la rade de Marseille.
Explorées entre 1952 et 1957 puis en 1980, ces épaves marquent le début de l’archéologie mondiale. Fernand BENOÎT, directeur des Antiquités de Provence, confie les fouilles aux plongeurs de l’équipe de Jacques-Yves COUSTEAU, dont fait partie Henri-Germain DELAUZE, futur fondateur de la COMEX et directeur scientifique du Groupe des bathyscaphes français.
Il faut plus de 25 ans d’études et de polémiques pour mettre en évidence la présence de deux épaves partiellement superposées et distantes dans le temps de près d’un siècle :
Le Grand Congloué constitue pour Michel L’HOUR « un repère fondateur de l’archéologie sous-marine ». La Direction des recherches archéologiques sous-marines devient, le 4 janvier 1996, le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).
Avec le DRASSM, implanté depuis 2009 sur le port de l’Estaque à Marseille, la France reste aujourd’hui encore l’un des très rares pays à disposer d’un service doté d’un personnel spécialisé apte à gérer administrativement et scientifiquement les biens culturels gisant sous les eaux.
Compétent pour toutes les recherches archéologiques nécessitant le recours à la plongée, le DRASSM est chargé de l’application du Code du Patrimoine sur les biens culturels maritimes présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë.
Doté depuis 2012 d’un nouveau navire de recherche l’André Malraux, le DRASSM est en charge d’une importante zone d’intervention :
Si en 1966 moins d’une cinquantaine de biens culturels ou épaves dans les eaux françaises étaient recensées, aujourd’hui leur nombre est estimé à près de 20 000 dans les eaux métropolitaines et proche sans doute de 150 000 à 200 000 dans les limites de la Zone Économique Exclusive française.
Le DRASSM s’investit également dans des campagnes archéologiques internationales comme l’expédition D-Day menée en 2013 par Sylvain PASCAUD en partenariat avec l’US Navy et l’Institut océanographique américain Woods Hole. Il s’agissait de cartographier l’ensemble des épaves du Débarquement (bateaux, tanks, jeeps…) de la Baie de Seine.
En 2014, le DRASSM a signé un contrat de 5 millions d’euros avec le Réseau de Transport d’Électricité (RTE) et des aménageurs éoliens. Objectif : réaliser des études d’impact sur 4 champs sous-marins en Atlantique (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc et Saint-Nazaire) afin d’éviter d’implanter des structures sous-marines sur des sites archéologiques sous-marins.
En 1982, Michel L’HOUR soutient sa thèse et obtient la même année un poste d’ingénieur au DRASSM. Esprit libre, il propose à sa Direction de le missionner sur les épaves de la côte Atlantique jusque-là peu étudiées et délaissées au profit des épaves méditerranéennes. Dès 1983, il est chargé de prospecter les épaves du littoral breton comme celle de Ploumanac’h.
Cette épave antique, du 5e siècle après J.-C., se situe à 9 km des côtes, face à Perros-Guirec (Côtes-d’Armor). Elle gît par 10 mètres de fond, dans une zone où la houle et le courant n’ont pas facilité les recherches. Expertisée par le DRASSM de 1983 à 1986, l’épave présente un intérêt archéologique certain, notamment par son chargement de lingots de plomb, témoignage matériel du commerce maritime des matières premières en Manche dans l’Antiquité.
Cette première campagne archéologique concrétise le combat mené par Michel L’HOUR pour obtenir des moyens financiers et matériels afin de mettre en valeur le patrimoine sous-marin méconnu du littoral atlantique. Il parvient également à s’entourer d’une équipe solide à laquelle il est particulièrement attaché en raison de son professionnalisme : Elisabeth VEYRAT, Florence RICHEZ, Denis METZGER puis Olivia HULOT.
« Quand on me parle d’une épave que j’ai fouillée, ce qui me revient en premier, ce sont les gens avec qui j’ai travaillé. »
Bourreau de travail, Michel L’HOUR a l’occasion de fouiller des épaves emblématiques.
« La plus grande réserve de musées du Monde, c’est évidemment sous la mer. »
Le 1er octobre 2006, Michel L’HOUR est nommé Directeur du DRASSM. Il a l’ambition de redynamiser un département qui selon ses propres mots « périclitait ». Il s’efforce donc d’élaborer avec son équipe, un grand projet de chantier laboratoire où seraient expérimentées des techniques de fouilles inédites sur des épaves en grande profondeur.
Focus sur l’André Malraux
« L’André Malraux a été conçu pour projeter des machines au-delà de la plongée humaine. »
L’André Malraux, navire doté des dernières technologies et respectueux de l’environnement, est destiné à servir de support de plongée humaine et robotisée pour des campagnes de protection des biens culturels maritimes français et de recherche en archéologie sous-marine (prospections, expertises, fouilles). Le navire contribue à la recherche scientifique et à « l’action de l’État en mer ».
Long de 36,30 mètres et doté d’une surface de travail de 70 m2, l’André Malraux peut embarquer 40 personnes dont 26 scientifiques et plongeurs.
Le choix du chantier expérimental se porte rapidement sur l’épave de La Lune découverte le 15 mai 1993 par Paul-Henri NARGEOLET lors d’une plongée d’essai du Nautile. En effet, cette épave repose à 90 mètres de fond, une profondeur idéale pour une expérimentation car elle est suffisante pour garantir la validité de l’expérience et reste en même temps dans des limites bathymétriques raisonnables. Il est ainsi possible tout à la fois d’expérimenter de nouvelles pratiques d’exploration scientifique et de permettre à des humains d’accéder rapidement au site pour vérifier le travail accompli.
De plus, La Lune est devenue mythique en raison de son naufrage soudain et inexpliqué en 1664. Faute d’archives sur l’histoire maritime du 17e siècle, l’épave devient un précieux témoin de la Marine de guerre de l’époque. Magnifiquement conservée, La Lune est un site archéologique de premier ordre.
Actuellement, Michel L’HOUR travaille, entre autres, sur une reconstitution 3D de l’épave du cuirassé français Danton qui gît par 1 025 mètres de profondeur au large de la Sardaigne. Construit à Brest en 1910, le Danton est torpillé en 1917 par le sous-marin allemand U64. Il sombre rapidement provoquant la mort de 296 soldats sur les 1 102 embarqués.
© SEGUIN Teddy, DRASSM │ GLADU Yves, DRASSM │ Nicolas JOB │ OSADA Frédérick, DRASSM │ Ifremer │ La Cité de la Mer │ Pierre-Paul PUGET, Wikimedia Commons │ Nicolas-André MONSIAU, Wikimedia Commons │ Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie