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Pierre-Yves LE BIGOT

Pierre-Yves LE BIGOT, spécialiste des technologies appliquées aux milieux sous-marins

Pierre-Yves LE BIGOT est un spécialiste des technologies appliquées aux milieux sous-marins. Il a piloté le Nautile et Cyana, et géré de nombreux projets de développement d’engins sous-marins téléopérés.

Biographie

Pierre-Yves LE BIGOT est né en décembre 1958 dans l’Oise, d’un père Breton et d’une mère Périgourdine. Il met la première fois la tête sous l’eau avec un masque de plongée, une bouteille et un détendeur dans la baie d’Ajaccio à l’âge de 15 ans. Le monde sous-marin vient de s’ouvrir à lui.

Il poursuit sa formation de plongeur à Port-Vendres, puis passe son diplôme de moniteur de plongée. Il encadre et forme des plongeurs pendant plusieurs années. Il suit en parallèle des études en Mécanique et en automatismes à Tours, puis des études de commerce à l’Institut Universitaire de Technologie de Tours. Son professeur d’informatique le recrute à la fin des études de commerce pour participer au développement commercial d’un nouvel outil télématique, Télétel et son terminal le Minitel.

Mais tout cela est trop loin de la mer et des fonds sous-marins. Il démissionne et répond à une offre d’emploi qui l’interpelle : le professionnel recherché n’existe pas d’après lui ! Une société dont il n’a jamais entendu parler, GENAVIR, recherche un « hydraulicien plongeur » pour un futur engin sous-marin habité, le SM97. Il tente sa chance : il envoie sa candidature et passe rapidement des tests à la Base Océanographique de Méditerranée à la Seyne-sur-mer. Sa candidature est retenue. L’aventure durera 10 ans.

Le futur Nautile étant toujours en construction à l’arsenal de Toulon, il participe tout d’abord aux campagnes d’essais de la soucoupe Cyana avec d’autres nouveaux embauchés. Durant cette campagne, il effectue sa première plongée en submersible sur une épave antique du IVe siècle au large du Cap Bénat par – 328 mètres. Difficile de faire plus excitant comme plongée, surtout pour un passionné d’archéologie sous-marine et d’histoire navale !

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Mise à l’eau du Nautile © Ifremer

L’année suivante, le SM97 débute ses essais, en Méditerranée et au large de Porto Rico. Pierre-Yves est « l’Hydraulicien plongeur » du submersible maintenant baptisé Nautile.

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Source hydrothermale sur le site Ashadze, dorsale médio-atlantique © Ifremer/Victor 6000/Serpentine

Pendant 9 ans, il participe à la majorité des expéditions scientifiques de Porto Rico au Japon en passant par l’Espagne et le Mexique. La première mission scientifique – KAIKO – a lieu au Japon. C’est celle qui lui laisse le souvenir le plus marquant. Il est au contact des meilleurs scientifiques de la géophysique et de la géodynamique. -6 000 mètres, le terrain de jeu est profond. Seuls les bathyscaphes s’y étaient aventurés avant le Nautile.

Puis ce sera des plongées sur les sites des sources hydrothermales au large du Mexique. Un autre monde, une autre forme de vie s’étale devant les hublots. Plonger dans le noir absolu puis, à la remontée rechercher la lumière le nez au hublot.

Plutôt rechercher le bleu, les bleus qui apparaissent lorsque la lumière pénètre enfin. Vite regarder le profondimètre, à quelle immersion avons-nous aperçu la lumière. Puis s’émerveiller de toutes les nuances de bleu qui se succèdent jusqu’à la surface.

Parfois le Nautile est appelé à réaliser des plongées pour des communautés autres que scientifiques, comme la justice Italienne, pour remonter les débris d’un avion de ligne qui s’était abimé en mer tyrrhénienne en 1980. Puis ce seront des investisseurs qui voudront plonger sur l’épave d’un transatlantique célèbre découvert en 1985, le Titanic.

Titanic et autres plongées

1987, la première expédition Française sur le site du naufrage du Titanic. C’est l’excitation au sein de l’équipe du Nautile. Cette année-là, plusieurs centaines d’objets sont remontés par le sous-marin.

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Angelot en bronze du Grand Escalier du Titanic

Lors d’une plongée, Pierre-Yves est copilote de Jean-Michel NIVAGGIOLI. Ce dernier aperçoit une petite statuette en bronze qui repose sur le fond. Avec d’infinies précautions, ce qui s’avèrera être un angelot sera placé dans un panier qui le ramènera à la lumière. L’angelot fut pour beaucoup l’objet le plus emblématique remonté lors de cette expédition.

Puis l’envie d’aller voir ailleurs si la mer est plus bleue le motive à voyager. Il intègre un projet de sous-marin de tourisme qui emmène ses passagers sur les épaves de la baie de Saint-Pierre à la Martinique. 50 passagers, une immersion de 150 mètres, il s’agit alors du plus gros sous-marin à passagers exploité dans le monde.

Pierre-Yves a la charge du plan de recrutement et de formation des équipages, des relations avec les administrations et le parlement européen. Il n’y a jamais eu de sous-marin à passagers dans les eaux sous souveraineté Française. Tout est à créer d’un point de vue réglementaire. Les relations sont tendues mais le sous-marin, baptisé Mobilis, est construit en Allemagne, puis testé en Martinique et finalement autorisé à être exploité.

Une société de production audiovisuelle Française, filiale de Canal+ lance alors un énorme projet impliquant un navire « studio flottant », deux submersibles biplaces capables de plonger à 1 000 mètres, un hélicoptère et un système de plongée. Pierre-Yves est en charge du suivi de la construction des submersibles en Californie, de leur certification et de leur réception par l’acquéreur.

Lorsque les submersibles sont en France, il suit l’intégration des engins dans leur futur navire support ainsi que la formation des pilotes. Il officie comme responsable de l’équipe submersibles pendant deux ans.

Le forage pétrolier

Puis Pierre-Yves quitte le monde des engins sous-marins habités pour intégrer le monde des engins sous-marins téléopérés – ROV. Il créé une entreprise d’expertise sous-marine ATES qui emploie des plongeurs et utilise des ROV. Il est alors repéré par la principale société pétrolière Française, à la recherche d’un ingénieur qui connaisse les techniques permettant d’intervenir sur ses futurs champs pétroliers qualifiés de « grands fonds ».

En 1999, dans le Golfe de Guinée, la société pétrolière fore par des profondeurs allant jusqu’à 1 400 mètres. Il n’y a jamais eu de champs pétroliers aussi profonds. C’est l’aube naissante des engins téléopérés profonds en Afrique de l’Ouest. Pierre-Yves va veiller aux intérêts de la société pétrolière pendant 3 ans en Angola. Le projet utilisera jusqu’à 13 ROV en même temps.

Puis ce seront des champs pétroliers et gaziers qu’il faudra installer en Mer Caspienne, en Mer du Nord, dans le golfe de Guinée pendant 15 ans. Toujours avec des systèmes téléopérés, des ROV ou des ROT (Remotely Operated Tool).

De retour en France, Pierre-Yves développe un petit ROV 300m pour une société française. Il est chef de projet. Il termine sa carrière dans les bureaux d’une entreprise parapétrolière Italienne, au sein de laquelle il a la charge de la simulation de l’installation d’un champ de gaz par 3 000 mètres de fond au large de l’Égypte. Les ordinateurs remplacent les engins sous-marins le temps de la conception et de l’installation des équipements sous-marins.

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Aphur YONGDEN, Alexandra DAVID-NEEL et un enfant tibétain devant le Potala, Lhassa, février-avril 1924
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Vue de l’avant bâbord du submersible de recherche à propulsion nucléaire NR-1

Interview

Avez-vous un modèle, une figure emblématique, un livre, qui vous a inspiré ?

Bizarrement, je n’ai jamais considéré quelqu’un comme mon modèle. J’ai eu un ou deux mentors comme Paul-Henri NARGEOLET à qui je dois beaucoup dans ma carrière comme dans ma vie.

Un ou des livres qui m’ont inspiré : une nouvelle fois bizarrement, ce n’était pas des livres qui traitaient du monde sous-marin ou de personnalités ayant marqué l’exploration sous-marine. Adolescent, j’avais comme livre de chevet : « Voyage d’une Parisienne à Lhassa » de Alexandra DAVID-NEEL. Sa volonté, son obstination m’impressionnaient.

Y a-t-il un sous-marin que vous auriez aimé piloter ?

Le NR1. Un vrai sous-marin profond aux missions classifiées.

Comment imaginez-vous le futur du développement des engins autonomes habités ?

À part dans le domaine scientifique et dans le domaine des loisirs pour les plus riches, les submersibles vont disparaître. Ce sont les engins téléopérés qui maintenant ont pris le « lead ». Ils ont encore une marge d’évolution énorme notamment grâce à l’évolution de la technologie, des capteurs et de l’intelligence artificielle.

L’Homme a-t-il encore sa place au fond des océans ?

Oui mais pour y faire quoi ? Piller les fonds sous-marins ? Rechercher des épaves à « cargaison valorisable » ? Faire de la recherche ?