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Pierre Willm © Sylvain Guichard, La Cité de la Mer

Pierre WILLM

Un début de carrière avec le bathyscaphe FNRS III

Pierre WILLM est né le 29 mars 1926 à Argenteuil (Val-d’Oise). Il fait ses études au Lycée Condorcet à Paris puis à l’École polytechnique. En 1948, il entre à l’École du Génie Maritime. Son choix se porte sur la Marine, car il peut réaliser un tour du monde sur la Jeanne d’Arc, le navire-école de la Marine Nationale.

Il obtient son diplôme d’Ingénieur du Génie Maritime en 1951. Six mois plus tard, Pierre WILLM succède à l’ingénieur GEMPP à la Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN) de l’arsenal de Toulon. Ce dernier lui confie l’étude d’un nouveau bathyscaphe : le FNRS III, petit frère du FNRS II qui lui a d’ailleurs « légué » sa sphère, en acier moulé.

Imaginé par Auguste PICCARD et financé par le Fonds National belge de la Recherche Scientifique (FNRS), le bathyscaphe FNRS II fait une plongée à vide à 1 380 mètres de profondeur le 31 octobre 1948.

« Il a bien résisté à la pression mais l’engin était déchiqueté par la houle en surface. […] L’idée a été reprise par la Marine. Pourquoi ? Parce que le Commandant Cousteau qui commandait L’Elie Monnier à l’époque a ramené un rapport au Ministre de la Marine en disant : « Il faut que la France finisse cette belle aventure » et les belges ont été tout à fait d’accord. Une convention FNRS belge, CNRS français et Marine nationale a été conclue. »

Pierre WILLM s’enthousiasme pour le caractère scientifique du projet, et c’est en collaboration avec le Commandant Georges HOUOT qu’il construit le FNRS III.

Les premières plongées du FNRS III

En mai 1953, le FNRS III est mis à l’eau. Les essais sont concluants. Des plongées en rade de Toulon sont effectuées, avec succès, de juin à août 1953 : la première à vide à 1 500 mètres ; les trois suivantes habitées à 750 mètres, 1 500 mètres et 2 000 mètres. À l’automne 1953, le FNRS III est opérationnel. La décision est prise de le tester à sa profondeur maximale : 4 000 mètres.

Le 15 février 1954, Pierre WILLM et Georges HOUOT embarquent à bord du FNRS III et effectuent une plongée record à 4 050 mètres de profondeur lors d’une campagne au large de Dakar (Sénégal). Les deux hommes font la une des journaux ! HOUOT- WILLM, recordmen du monde des profondeurs, en première page de Paris-Match !

« La terre est là, sous nos yeux, et nous fait oublier la colonne d’eau qui nous sépare de la surface ; 50 000 tonnes veulent écraser notre habitacle, mais nous nous en soucions peu ! »

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Pierre WILLM (gauche) et le Commandant Georges HOUOT devant le FNRS III

Après cet épisode glorieux, la mission de Pierre WILLM sur ce projet est pleinement accomplie. Il laisse ainsi le bathyscaphe aux bons soins du Commandant Georges HOUOT. Il s’installe à Paris où il est chargé, entre 1955 et 1958, de la conception de sous-marins au Service technique des Constructions et Armes Navales.

La construction du bathyscaphe des records : Archimède

En 1958, Pierre WILLM revient à l’arsenal de Toulon et entreprend, toujours en compagnie du Commandant Georges HOUOT, la construction du projet B11000, qui deviendra plus tard le bathyscaphe Archimède.

« Le dessin, je dois le dire, je l’ai fait en grande partie le dimanche après-midi et les fonds ont été déclenchés grâce à un chèque d’un million de francs belges c’est-à-dire 7 millions de centimes versés au compte du CNRS pour le bathyscaphe 11000. »

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Pierre WILLM dans la sphère d’Archimède

L’ambition des deux hommes est encore plus grande que pour le FNRS III. L’objectif de Pierre WILLM et de Georges HOUOT est de construire un bathyscaphe à vocation scientifique capable de plonger jusqu’à 11 000 mètres pour permettre aux scientifiques de travailler au fond dans les meilleurs conditions possibles.

L’Archimède est lancé le 28 juillet 1961. Le 15 juillet 1962, Pierre WILLM et Georges HOUOT effectuent leur première plongée en grande profondeur à bord du bathyscaphe Archimède. Ils atteignent 9 200 mètres, dans la fosse des Kouriles, au Japon.

« Sur l’Archimède, je n’ai pas dormi la nuit qui a précédé la plongée à 9 200 mètres. J’avais peur parce que c’était plus profond et que j’étais plus âgé. J’avais mes quatre enfants qui m’attendaient à la maison… »

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Archimède au Japon en 1962

Le 25 juillet 1962, l’Archimède effectue sa plongée record à 9 545 mètres, avec à son bord Henri-Germain DELAUZE alors responsable du Laboratoire des Bathyscaphes du CNRS, le Professeur japonais Tadayoshi SASAKI et le Lieutenant O’BYRNE.

« J’ai été conquis par cette atmosphère des grands fonds […] parce que même devant Toulon, les essais en 1954, c’était miraculeux ! […] Nous étions les premiers. C’est un peu comme la découverte d’un sommet vierge dans les Alpes. »

Un nouveau défi : l’Argyronète

En 1963, la carrière de Pierre WILLM prend un autre tournant. André GIRAUD, alors Directeur général adjoint de l’Institut Français du Pétrole (IFP), lui propose de diriger le programme Marine. Il accepte, car il connaît l’intérêt que porte l’IFP à la prospection en mer.

En effet, depuis 1963, l’IFP poursuit un programme de recherches marines dont l’objectif est la mise au point de techniques de prospection et d’exploitation des gisements sous-marins d’hydrocarbures. Bien que des engins télécommandés aient été élaborés, le recours à l’observation directe et à l’intervention humaine rapprochée s’avère indispensable.

De plus, l’expérimentation faite par le Centre d’Études Marines Avancées (CEMA – créé par le Commandant COUSTEAU), des « maisons sous la mer » en 1962 lors du programme Précontinent encourage l’IFP à investir dans ce domaine. C’est pourquoi l’IFP et le CEMA se lancent dans l’étude de la construction d’une « maison sous la mer auto-pulsée et autonome » : l’Argyronète (d’après le nom d’une araignée aquatique tissant sous l’eau une cloche de soie qu’elle remplit d’air).

Proposée par le Commandant COUSTEAU, l’Argyronète est à la fois une maison sous la mer où vivent des plongeurs à saturation et un sous-marin classique dont l’équipage vit sous pression atmosphérique normale.

Pierre WILLM, en collaboration avec l’équipe du CEMA, dessine les plans de l’Argyronète. Ce submersible est conçu pour permettre à 4 océanautes de vivre et de travailler à 600 mètres de profondeur pendant 8 jours. La construction commence le 2 septembre 1968, le projet est financé par l’IFP et le CNEXO (Centre National pour l’Exploitation des Océans). La réalisation est confiée au CEMA sous la direction Pierre WILLM, chef de projet.

Il est convenu que l’Argyronète appartienne au CNEXO qui en assurera la gestion et l’entretien. Toutefois, l’IFP ou les industries pétrolières seront autorisées à l’utiliser dans le cadre de missions pétrolières. Le 9 septembre 1971, le ministre du Développement Industriel et Scientifique donne l’ordre de suspendre les travaux, la facture s’étant, entre-temps, alourdie.

De l’Argyronète au SAGA

Le projet est repris en 1982 par la Comex, dirigée par Henri-Germain DELAUZE, et l’Ifremer (ex-CNEXO) sous le nom de SAGA. Le 16 octobre 1987, le SAGA (Sous-marin d’Assistance à Grande Autonomie) est lancé à Marseille, en présence du Premier ministre Jacques CHIRAC.

En mai 1990, il bat le record de profondeur d’intervention depuis un sous-marin, en relâchant un plongeur à – 317 mètres. Cet exploit passe inaperçu aux yeux du grand public, mais constitue néanmoins une étape importante dans la conquête des profondeurs.

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Le sous-marin SAGA à Marseille

Au mois d’octobre 1990, le président d’Ifremer, Pierre PAPON, annonce que les crédits pour poursuivre l’exploitation du SAGA sont supprimés. La Comex n’ayant pas les moyens d’en assumer seule la dépense, c’est la fin de la courte carrière du SAGA.

Une fin de carrière bien chargée

Chargé de la conduite d’études, Pierre WILLM participe à de nombreuses autres constructions au sein de l’IFP, dont des plateformes semi-submersibles pour la mer du Nord ou encore un engin télécommandé capable de faire de l’observation et de la télémanipulation, surnommé « télénaute » (il sera utilisé lors de la recherche du sous-marin Minerve en 1968 au large de Toulon). Passionné par son travail, Pierre WILLM reste à l’IFP jusqu’à sa retraite en 1987 en qualité de Directeur Scientifique.

Le 21 juin 2001, Pierre WILLM inaugure l’installation d’Archimède dans la future Cité de la Mer qui ouvre ses portes au public moins d’un an plus tard. Le 8 juin 2007, il revient à La Cité de la Mer en l’honneur d’Henri-Germain DELAUZE, avec lequel il a collaboré sur le projet SAGA.

Le 14 juin 2011, Pierre WILLM est invité à La Cité de la Mer, à l’occasion de la soirée grand public « L’aventure française », pour partager ses expériences à bord de l’Archimède.

Enfin, par sa présence, il fait honneur à La Cité de la Mer le 12 février 2014, à l’occasion de de la mise en place, au sein de la Grande Galerie des Engins et des Hommes, de la maquette échelle 1 du DEEPSEA CHALLENGER.

Pierre WILLM décède le 28 mars 2018. Il a reçu de nombreuses distinctions et décorations à titre scientifique : Officier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’ordre national du Mérite, Chevalier de l’ordre de Léopold (Belgique), Grand prix de la technique de la Ville de Paris (1966).

Crédits photos

© Collection Henri-Germain DELAUZE │ Collection Alain HOUOT │ Collection Alain TOCCO │ La Cité de la Mer, Sylvain GUICHARD.