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Pierre Mollo © Baptiste Almodovar, La Cité de la Mer
© Baptiste ALMODOVAR, La Cité de la Mer

Pierre MOLLO

Biologiste, enseignant-chercheur et retraité actif, spécialisé dans l’étude du plancton, Pierre MOLLO partage sa passion pour « le petit peuple de la mer » en essaimant à travers le monde des observatoires.

La mer, une histoire de jeunesse…

Pierre MOLLO est né en 1948 à Port-Louis (Morbihan). Il grandit en Bretagne élevé par ses grands-parents car ses parents ont ouvert à Paris une poissonnerie et une charcuterie. Petit-fils et arrière-petit-fils de pêcheurs, il rêve lui aussi de prendre le large…

« J’ai été baigné toute ma jeunesse dans le monde de la pêche, au rythme des tempêtes, au rythme des beaux temps, au rythme de la pêche généreuse et puis aussi au moment où il n’y avait pas grand-chose dans le filet et donc dans l’assiette. »

… mais sa mère trouve le métier trop difficile et décide de l’emmener à Paris faire des études. En 1965, il obtient un CAP d’ajusteur puis travaille durant 3 ans dans une usine de fabrication de machines-outils pour l’automobile. Le soir, après l’usine, il rejoint le conservatoire d’art dramatique de Saint-Ouen (Île-de-France) car il se passionne pour le théâtre. Il effectue ensuite son service militaire dans la Marine.

Une rencontre décisive

En 1969, alors qu’il est en vacances à Port-Louis (Morbihan – Bretagne), Pierre MOLLO rend service à des Japonais en leur procurant 50 kg de crabe pour nourrir des larves de crevettes.

Cette rencontre sera le point de départ d’une nouvelle passion, d’une nouvelle vie… En effet, les nippons, qui sont mandatés par une filiale de la Compagnie Générale Transatlantique pour développer un élevage de crevettes à Quiberon (Morbihan – Bretagne), proposent à Pierre MOLLO de collaborer à ce projet.

« À l’époque, ils avaient vingt ans d’avance. Ils m’ont tout appris de la production du phytoplancton, dont se nourrissent les zooplanctons pour assurer le bon développement d’une filière aquacole. »

Sa passion pour le plancton ne le quittera plus.

« Le plancton, c’est en fait une multitude d’espèces, du bébé crevette aux organismes minuscules qui composent le plancton permanent. Une simple goutte d’eau contient des merveilles à observer. Ce sont des créatures modestes mais indispensables à toute vie sur Terre. »

Deux ans plus tard, Pierre MOLLO démissionne de son poste, ne souhaitant pas contribuer à l’industrialisation de l’aquaculture. « L’aquaculture, elle sera artisanale, au service de l’environnement, au service des gens. »

En 1972, il est sollicité par une coopérative de marins-pêcheurs de l’île d’Houat (Morbihan – Bretagne) pour travailler avec eux dans la gestion des ressources halieutiques. L’objectif est de réensemencer la mer pour éviter la disparition de la petite pêche artisanale.

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Larve de homard

« Je leur ai expliqué qu’il fallait monter un laboratoire dans lequel on produirait du plancton végétal, puis du plancton animal, ensuite on déciderait ensemble des espèces à repeupler. »

Il va donc monter un laboratoire de culture de phytoplancton ainsi que la première écloserie au monde de homards dans laquelle 150 000 juvéniles nourris au phytoplancton seront produits chaque année.

Dans le même temps, la production de l’écloserie se diversifie : elle produit des larves de crevettes. Les techniciens font des essais sur les palourdes, les huîtres, les praires, etc… En 1975, commence une production de naissains d’huîtres plates pour proposer cette technique aux ostréiculteurs.

« À partir de cette date, j’ai compris l’importance du petit peuple de la mer, le plancton, pour prévenir l’érosion de la biodiversité de l’invisible des océans. »

Une carrière professionnelle pour transmettre son savoir

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Les marais salants de Guérande

En 1976, Pierre MOLLO met le cap sur les marais salants de Guérande (Loire-Atlantique – Pays de la Loire) afin de mettre en place une formation salicole diplômante au Lycée d’enseignement professionnel. L’objectif de cette formation, qui voit le jour en 1979, est de former une nouvelle génération d’exploitants, souvent non issus du milieu salicole, à l’exploitation d’un marais salant.

« Alors là, c’est une aventure humaine fantastique avec les paludiers de Guérande où je vais m’apercevoir que repeupler la mer c’est bien, mais entretenir des zones humides pour faire du sel et favoriser le développement du plancton, c’est pas mal non plus. »

Ce plancton nourrit les parcs conchylicoles qui alimentent à leur tour, par les millions de larves pondues (plancton animal), poissons et crustacés du littoral au bénéfice des pêcheurs. Le plancton devient ainsi le trait d’union des activités réciproques et favorise la biodiversité des écosystèmes.

L’ambition de Pierre MOLLO sera donc de montrer à ses élèves cette interdépendance « planctonique » entre paludiers, conchyliculteurs (professionnels de l’élevage des coquillages, notamment huîtres et moules) et pêcheurs ainsi que la nécessité de préserver ces métiers. Sur place, il installe un laboratoire au milieu de 2 000 hectares de marais salants.

De 1982 à 1985, une nouvelle opportunité s’offre à lui : animer la formation continue du lycée maritime Paul Bousquet de Sète (Hérault – Occitanie). Il y monte également avec ses élèves une petite écloserie. Mais, c’est au Centre d’enseignement et de recherche du ministère de l’Agriculture – CEMPAMA (rebaptisé Agrocampus-Ouest) de Beg-Meil (Finistère – Bretagne) que Pierre MOLLO consacrera 25 années à transmettre son savoir et à travailler sans relâche pour le développement durable du littoral et de ses métiers au titre d’enseignant-chercheur.

« C’est l’enseignement qui occupe mes préoccupations : transmettre pour les générations à venir mes connaissances mais aussi faire partager mes émotions planctoniques dans des lycées. »

Autodidacte et homme de terrain, Pierre MOLLO obtient en parallèle son baccalauréat et poursuit ses études à Jussieu (Paris) où il décroche en 1991 une Maîtrise d’ethnologie.

Produire de la connaissance et la diffuser en Bretagne…

En 1995, Pierre MOLLO contribue à la création de l’association Cap vers la nature à Concarneau (Finistère – Bretagne) dont il est aujourd’hui Président d’honneur. L’objectif est de faire découvrir la richesse et la productivité des milieux littoraux et inciter aux comportements responsables.

En 2003, il met en place L’Observatoire du Plancton à Port-Louis (Morbihan – Bretagne). Sa vocation est de rendre accessible à tous la connaissance des milieux aquatiques et de favoriser leur protection durable. L’observatoire organise également des animations, des conférences, des sorties nature ainsi que des formations sur le plancton.

« Je consacre mon temps à convaincre les citoyens de l’importance du plancton parce que le plancton ça concerne tout le monde, pas seulement les scientifiques. Et donc l’idée a été, il y a une vingtaine d’année à peu près, d’imaginer comment construire des outils qui pourraient rendre accessible le plancton au citoyen. »

En 2005, il initie Plancton du Monde avec le CEMPAMA et le parc de découverte des océans, Océanopolis (Brest) avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer. L’objectif est de faire découvrir au grand public la diversité du plancton avec notamment la mise en place d’un site internet et des cycles de conférences.

« Je me souviens d’une réflexion d’un enfant qui regardait pour la première fois une goutte d’eau au microscope et qui a sorti les yeux du microscope en disant : C’est géant. »

…et à travers le monde !

Retraité hyperactif depuis 2009, Pierre MOLLO s’attache particulièrement à essaimer des observatoires du plancton à travers le monde notamment au Bénin, en Ukraine, au Cambodge, au Vietnam, en Argentine, en Espagne…

Au Tchad, il aide les pêcheurs de microalgues à développer leurs activités et à commercialiser la spiruline. Au Lac Victoria (Tanzanie), il met en place des nurseries de plancton pour relancer la production du poisson tilapia, décimé par la perche du Nil. En Chine, il transmet ses connaissances sur le plancton pour mieux aider à protéger les écosystèmes aquatiques et à développer une agriculture durable.

« À chaque fois, j’aide les personnes intéressées par le plancton à trouver du matériel d’observation. Je les forme, les accompagne dans leurs démarches. Il faut du temps pour comprendre ce que l’on a sous les yeux. »

Se nourrir de plancton

Pour promouvoir les algues dans notre culture alimentaire, Pierre MOLLO fonde en 2010 l’association Plancton et Innovations qui imagine et conçoit des solutions pour inviter les personnes à découvrir et à manger du plancton.

« Le plancton, dans toutes ses dimensions, donne à rêver pour que demain, nos mers et océans contribuent à nourrir les 10 milliards d’humains de notre planète. »

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En 2010, il coréalise également avec Jean-Yves COLLET, le documentaire de 26 min, « La cuisine au plancton ». Avec le chef de cuisine et premier ouvrier de France 2004, Marc FOUCHER, il valorise 3 espèces de plancton végétal : la spiruline, la chlorelle et l’odontelle. Pierre MOLLO s’intéresse particulièrement à la spiruline, cette microalgue très riche en protéines, fer, oligoéléments…

« La spiruline est populaire pour son fort taux en protéines, le plus important parmi les êtres vivants des milieux aquatiques. Son intérêt pour l’humanité est la possibilité de la produire en milieu contrôlé et de développer ainsi l’utilisation de ce plancton qui se trouve à la base de la chaîne alimentaire depuis environ 3 milliards d’années. »

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En 2014, il devient ainsi le conseiller scientifique d’une start-up qui souhaite commercialiser une « phytotière », c’est-à-dire une sorte de yaourtière pour microalgues qui permettrait à tous de se nourrir. Puis en 2016, il coécrit un livre de recettes étonnantes, « Savez-vous goûter… les algues ? », sous la direction du Dr Danièle MISCHLICH, spécialiste en santé publique.

Aimer et faire aimer le petit peuple de l’Océan grâce à l’image…

Dès 1971, Pierre MOLLO réalise des petits films en 16 mm pour conserver une trace de ses différents travaux. Son premier film, de 17 min, « La construction de l’écloserie », est consacré aux pêcheurs de l’île de Houat. En tout, il tourne 25 courts et moyens-métrages sur la mer et les gens qui en vivent, comme « La mer féconde » (1982) ou encore « Une mer en ses terres » (1984) en collaboration avec Geneviève DELBOS.

En 1991, le long métrage « Houla-Ko et le fils du soleil et du vent », réalisé avec Jean ALAUD et Geneviève DELBOS sur l’aventure béninoise, reçoit le 1er prix du Festival de Douarnenez.

Pierre MOLLO diffuse les films auprès de ses élèves, mais aussi auprès du grand public à l’occasion de conférences. En 2010, il est le conseiller scientifique de la mini-série « Planète Plancton » de Jean-Yves COLLET puis du film « Ωcéans » de Jacques PERRIN et Jacques CLUZAUD, pour lequel il va lui-même prélever, dans la rade de Brest, le plancton qui sera filmé.

… à l’écrit…

En 2009, le livre « L’enjeu plancton : l’écologie de l’invisible », qu’il coécrit avec la chargée d’étude Maëlle THOMAS-BOURGNEUF, rappelle le rôle primordial du plancton dans notre écosystème et promeut une aquaculture durable, sous la pierre angulaire du plancton, qui permettra de nourrir la planète.

Puis en 2013, paraît « Le manuel du plancton », coécrit avec Anne NOURY, réalisatrice de documentaires et auteure. Ce livre très complet présente notamment l’étude du plancton comme un moyen de détecter les pollutions ou le changement climatique.

… et à la musique

Homme sensible à la poésie et aux images fabuleuses du plancton, Pierre MOLLO souhaite aussi faire découvrir le « petit peuple de la mer » par la musique.

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Livre "L'enjeu plancton"
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Livre "Le manuel du plancton"

« Moi, à travers une goutte d’eau, j’observe des myriades de petites vies, avec une imagination fertile et des rêves, car c’est d’eux que naissent les grands projets. »

C’est la rencontre fortuite avec le compositeur-pianiste brésilien de « Un chant pour la planète », Antonio SANTANA, qui va lui permettre de réaliser son rêve : mettre en musique les images du plancton !

Pour préparer ce projet, Pierre MOLLO, en compagnie de Jean-Yves COLLET et Philippe COYAULT de Océanopolis, choisissent des images belles et surprenantes de la vie sous-marine prises au microscope. Celles-ci sont projetées sur grand écran en harmonie avec la musique.

En juillet 2018, à l’occasion du 400e anniversaire de la ville de Port-Louis, Pierre MOLLO et Antonio SANTANA font découvrir au public une œuvre symphonique dédiée à la mer, « La Voix des Océans ». Un succès !

« Croiser le regard et le son à travers une symphonie est une occasion inédite de faire connaître au grand public le plancton et sa fragilité. »

La symphonie est à nouveau jouée à l’occasion de l’exposition « La Mer XXL » à Nantes, en juin 2019. D’autres concerts sont programmés pour continuer à diffuser la beauté du plancton, mais aussi son importance pour la survie de la planète. Pierre MOLLO continue d’animer très régulièrement des conférences pour mieux faire connaître auprès du grand public « celui qui produit plus de 50% de notre oxygène ».

Crédits photos

© Pierre MOLLO │ Creative Commons, Hans Hillewaert │ Creative Commons, Nono vlf.