En 1987, 1 892 objets, provenant du champ de débris situé autour de l’épave du Titanic, sont remontés à la surface.

Ils sont confiés au laboratoire EDF Recherche & Développement Valectra, basé à Saint-Denis (92) qui va s’employer à restaurer ces objets de toutes tailles et de toutes natures afin qu’ils puissent être exposés à l’air libre devant le grand public.

1892 objets sont remontés du champs de débris en 1987

Des objets bien conservés mais fragiles

© PP Shirshov Institute of Oceanology (1)
© PP Shirshov Institute of Oceanology

Le 15 avril 1912, à 2h20 le Titanic, sombre dans l’Atlantique Nord à 3 800 mètres de profondeur.

Peu de temps après le naufrage, des projets pour localiser ou renflouer le Titanic sont envisagés mais les technologies permettant de descendre à de telles profondeurs ne sont mises au point qu’au début des années 1980.

Le 1er septembre 1985, une expédition franco-américaine dirigée par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et le Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI) localise l’épave.

En 1987, Titanic Ventures, qui deviendra quelques années plus tard RMS Titanic, Inc. est désigné comme régisseur exclusif de l’épave du Titanic.

Une 1re campagne est menée avec l’Ifremer et son sous-marin scientifique d’observation et d’intervention, le Nautile. 1 892 objets sont remontés à la surface.

Après 75 années passées sous l’eau, ces objets, qui semblent remarquablement bien conservés, restent malgré tout extrêmement fragiles.

Au-dela de 1 000 mètres de profondeur, les phénomènes de corrosion sont ralentis en raison de la rareté de l’oxygène, de l’obscurité quasi-totale et d’une température basse.

Par ailleurs, les animaux et les végétaux sont rares à ces profondeurs.

Une conservation préventive depuis leur remontée à la surface jusqu’à leur traitement en laboratoire est mise en place : ces objets ne doivent absolument pas sécher à l’air libre sous peine de se fissurer ou de s’effriter (c’est le cas par exemple du métal).

Les objets métalliques sont donc conservés dans des bacs d’eau douce (renouvelée régulièrement) afin d’éviter tout contact avec l’air.

Ils sont maintenus par de la mousse absorbante, couramment utilisée chez les fleuristes.

Les bacs sont ensuite placés dans une chambre froide afin d’éviter le développement de microorganismes.

Il faut noter que certains métaux, comme le plomb ou l’étain, se détériorent peu au contact de l’air.

Un stockage au sec ou dans un récipient hermétique est suffisant.

L’argent ou l’or, de leurs côtés, ne nécessitent pas de conditions de stockage particulières.

Entre 1987 et 2004, 5 500 objets ont été prélevés dans le champ de débris : du modeste bibelot à l’énorme morceau de coque de 20 tonnes…

Sur les 8 expéditions archéologiques menées sur l’épave du Titanic, 5 ont été réalisées avec le sous-marin français Nautile © 1998 RMS Titanic Inc. / Matthew TULLOCH
Sur les 8 expéditions archéologiques menées sur l’épave du Titanic, 5 ont été réalisées avec le sous-marin français Nautile © 1998 RMS Titanic Inc. / Matthew TULLOCH
© PP Shirshov Institute of Oceanology (7)
© PP Shirshov Institute of Oceanology

Intervention du laboratoire EDF Recherche & Développement Valectra

© PP Shirshov Institute of Oceanology (4)
© PP Shirshov Institute of Oceanology

Les archéologues sont ensuite confrontés à 2 problèmes principaux :

  • Des concrétions (ou gangue) très dures – composées de produits de corrosion associés à des éléments de l’environnement tels que des coquillages et des minéraux (sable…) – recouvrent certains objets.

Il est difficile de les enlever sans abîmer les objets.

  • Le séjour prolongé dans l’eau modifie la structure des matériaux.

À la surface, ces objets deviennent très fragiles au contact de l’humidité de l’air et de l’oxygène.

Des reprises de corrosion se produisent sur les objets métalliques (fer, cuivre…). Ainsi, un objet en fer ou en cuivre remonté des profondeurs peut s’effriter rapidement au contact de l’air.

En 1982, le professeur Claude VOLFOVSKY (Université de Paris I), le Groupe de Recherche en Archéologie Navale et les ingénieurs Jacques MONTLUÇON et Noël LACOUDRE du laboratoire EDF Recherche & Développement Valectra travaillent conjointement sur le traitement d’objets archéologiques auparavant immergés.

Les procédés basés sur l’électricité et les techniques électrochimiques font leurs preuves et gagnent la confiance des archéologues sous-marins.

Le 22 septembre 1987, le laboratoire EDF Recherche & Développement Valectra, basé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), réceptionne les 1 892 objets remontés de l’épave du Titanic.

Pendant 18 mois, une équipe de 6 personnes va s’employer à restaurer ces objets de toutes tailles et de toutes natures (métal, porcelaine, ivoire, cuir, verre, papier, textile…) afin qu’ils puissent être exposés à l’air libre devant le grand public.

« Dans cette aventure, l’équipe de Saint-Denis qui rassemblait de véritables guérisseurs d’objets allait trouver une occasion exceptionnelle de mesurer pleinement les possibilités des techniques électrochimiques, d’en tester l’efficacité mais aussi d’en cerner les limites. »

Jacques MONTLUÇON et Noël LACOUDRE dans « Les objets du Titanic : la mémoire des abîmes »

Première étape : la conservation des objets

L’objectif de la conservation est d’arrêter les processus de dégradation des objets puis de mettre tout en œuvre pour assurer leur conservation à long terme.

Pour les métaux ou alliages sensibles aux chlorures (ferreux et cuivreux), un traitement de stabilisation ou déchloruration permet d’enrayer le phénomène de corrosion active qui se produit après leur remontée à la surface.

Les cuirs et les papiers nécessitent, quant à eux, d’être traités pour éliminer les dépôts de sels.

Carreau en céramique dit dalle de Mettlach fabriqué par Villeroy & Boch © EDF Copyright – Droits réservés (12)
Carreau en céramique dit dalle de Mettlach fabriqué par Villeroy & Boch © EDF Copyright - Droits réservés

Inventaire

À leur arrivée dans le laboratoire EDF, les objets sont inventoriés. Les numéros d’inventaire sont indiqués sur des plaques chimiquement neutres à l’aide de feutres indélébiles.

Les objets sont ensuite regroupés par type de matériaux pour éviter des réactions chimiques.

Pot en faïence à décor floral, marqué du sigle de la White Star Line © EDF Copyright – Droits réservés
Pot en faïence à décor floral, marqué du sigle de la White Star Line © EDF Copyright - Droits réservés

Stockage

Les matériaux organiques (cuirs, papiers, textiles) sont stockés au froid, dans un mélange d’eau (entre 2° et 5°C) et de biocides (produits qui détruisent les micro–organismes).

Les céramiques, les verres ainsi que les objets métalliques sont conservés dans de l’eau de ville, de moins en moins salée.

Examen / Diagnostic

Détail d’un collier © EDF Copyright – Droits réservés
Détail d’un collier © EDF Copyright - Droits réservés

Afin de mieux voir la structure de chacun d’entre eux, les objets sont examinés à l’aide d’une loupe binoculaire ou d’un microscope électronique à balayage.

De plus, pour connaître leur structure interne, certains objets sont radiographiés (rayons X). Un examen sous ultraviolets a, par ailleurs, permis de déchiffrer des papiers tachés ou délavés.

Méthodes de conservation

© PP Shirshov Institute of Oceanology (6)
© PP Shirshov Institute of Oceanology

Les méthodes chimiques sont couramment utilisées pour stabiliser les métaux et arrêter le processus de corrosion : les objets sont immergés dans plusieurs bains contenant des produits susceptibles d’extraire les chlorures.

Les matériaux organiques subissent quant à eux un dessalement par des rinçages dans de l’eau distillée.

Consolidation

Les objets sont ensuite consolidés grâce à des résines et des solvants adaptés.

Séchage

Après avoir été convenablement dessalés (matériaux organiques) ou stabilisés (métaux), les objets subissent un rinçage puis un séchage, qui doit être lent et contrôlé pour les objets organiques de façon à diminuer progressivement l’humidité du matériau.

Protection

Copyright 1998 RMS Titanic, Inc.Photo by Matthew Tulloch
© 1998 RMS Titanic Inc / Matthew TULLOCH

Les objets métalliques sont protégés par des résines synthétiques imperméables appliquées en surface puis sont conditionnés dans une atmosphère très sèche.

Les matériaux organiques sont conditionnés à l’humidité relative adaptée à leur constitution mais également isolés de la lumière.

« Au contact de l’air, la dégradation, la décomposition des objets du Titanic étaient inéluctables.

Les arracher à l’océan obscur et glacé allait rompre l’équilibre qui les protégeait.

Il fallait donc rétablir un nouvel équilibre, à l’air cette fois, et pour cela, traiter les objets selon leur nature : métal, porcelaine, ivoire, cuir, papier… »

Jacques MONTLUÇON et Noël LACOUDRE dans « Les objets du Titanic : la mémoire des abîmes »

Deuxième étape : la restauration des objets

Les traitements de restauration, qui consistent à nettoyer les objets, ont pour fonction principale de rendre à ces derniers un maximum de lisibilité (forme et aspect), c’est-à-dire de tenter de retrouver leur surface d’origine.

Le choix du type de nettoyage dépend de la forme de l’objet et de son matériau.

Toutefois, les nettoyages chimique et électrochimique sont toujours complétés par un nettoyage mécanique pour retirer au fur et à mesure les produits attaqués.

Un rinçage finalise le nettoyage.

Copyright RMS Titanic, Inc.
© RMS Titanic Inc

Nettoyage mécanique

Brossage, grattage, piquage, polissage, microsablage… grâce à des outils manuels (scalpel, pinceau, brosse douce…) ou mécanisés (microtour de dentiste, stylet vibrant à ultrasons, microsableuse…).

93_0289 Alma Box Cleaning © RMS Titanic Inc
© RMS Titanic Inc

Nettoyage chimique

Les objets sont plongés dans des bains de produits chimiques adaptés à la nature du matériau ou sont minutieusement nettoyés à l’aide d’un coton-tige imbibé.

Nettoyage électrochimique

L’électrolyse et l’électrophorèse sont des techniques de nettoyage innovantes utilisant l’électricité.

Le pinceau électrolytique permet d’extraire les oxydes métalliques © EDF Copyright – Droits réservés
Le pinceau électrolytique permet d’extraire les oxydes métalliques © EDF Copyright - Droits réservés

L’électrolyse permet d’utiliser le courant électrique sur les pièces métalliques. Le métal conduit en effet le courant.

L’objet est plongé dans une cuve dans laquelle on fait passer un courant électrique continu.

De petites bulles d’hydrogène vont alors se former. Le nettoyage est précis. Les souillures se décollent spontanément sous l’effet des bulles d’hydrogène.

L’intérêt de l’électrolyse est de permettre un sauvetage définitif en fragilisant les ions chlorures contenus dans l’objet avant un nettoyage mécanique.

Selon la taille de l’objet, le degré de corrosion et le type de traitement, le nettoyage peut prendre de quelques minutes (l’argent terni par exemple) à quelques années (déchloruration d’un objet à forte teneur en chlorures).

75 % des objets métalliques réceptionnés en 1987 ont été nettoyés par électrolyse.

L’électrophorèse permet de nettoyer les matériaux qui ne conduisent pas l’électricité tels que les matériaux organiques (dessalement et élimination des taches d’oxyde).

En 1987, 58,6% des papiers et 72,5% des cuirs ont été traités par électrophorèse.

Assemblage

restauration objets © EDF Copyright – Droits réservés (3)
© EDF Copyright - Droits réservés

Les objets fragmentés sont réassemblés à l’aide d’adhésifs réversibles et stables.

Les morceaux de papier sont doublés à l’aide de papier Japon.

Cette assiette a été prélevée par le Nautile grâce à la ventouse fixée sur son bras. Prélèvement délicat, pourtant sur les 170 céramiques ramenées en 1987, seules 3 assiettes ont été cassées !

Titanic, les guérisseurs d’objets / Électricité de France (EDF), 30 mars 2012 – 15 mn 10.

En 1987, EDF a mis à disposition ses technologies et son savoir faire pour le traitement et la sauvegarde d’objets issus de l’épave du Titanic.

Parmi les objets présentés à La Cité de la Mer

L’emballage de lames de rasoir Gillette

L’emballage a été nettoyé des oxydes et des sulfures de fer par traitements chimiques.

Cette opération a été suivie d’une neutralisation, destinée à éviter la persistance de leurs effets. Il a ensuite été séché à plat.

Emballage de lames de rasoir Gillette avant restauration © EDF Copyright – Droits réservés
Emballage de lames de rasoir Gillette AVANT restauration © EDF Copyright - Droits réservés
restauration objets © EDF Copyright – Droits réservés (1)
Emballage de lames de rasoir Gillette APRES restauration © EDF Copyright - Droits réservés

Le collier porte-bonheur

Les objets les plus délicats à traiter sont les bijoux composites car ils peuvent être composés de plusieurs métaux ou sertis de pierres précieuses et semi-précieuses.

Le médaillon du collier AVANT restauration © EDF Copyright – Droits réservés
Le médaillon du collier AVANT restauration © EDF Copyright - Droits réservés
Le médaillon du collier APRES restauration, traité par le laboratoire EDF : les mots « This Be Your Lucky Star » réapparaissent © RMS Titanic Inc
Le médaillon du collier APRES restauration, traité par le laboratoire EDF : les mots "This Be Your Lucky Star" réapparaissent © RMS Titanic Inc
© RMS Titanic Inc 2012 – Droits réservés
© RMS Titanic Inc 2012 - Droits réservés

Ce collier est une longue chaîne en or 15 carats entrecoupée de 11 perles de style Étrusque.

Trois pendentifs placés de façon aléatoire complètent ce bijou :

  • un cochon porte-bonheur ;
  • une étoile modifiée avec au centre un trèfle à 3 feuilles entrelacées
  • un médaillon griffé composé en partie haute d’une étoile avec en son centre un diamant rose et en partie basse d’une banderole gravée des mots suivants : This Be Your Lucky Star.

L’assiette plate du service de la salle à manger de 2e classe

Cette assiette a posé des problèmes aux techniciens d’EDF.

En effet, après 2 mois de renouvellement des bains de stockage, elle présentait des efflorescences blanches de sels dans les microfissures des couvertes (enduit vitrifiable dont on recouvre les porcelaines).

Cette assiette a alors été mise en rinçage continu dans de l’eau de ville, suivi de bains d’eau déminéralisée. De plus, des mesures de conductivité et des tests de présence de chlorures ont été régulièrement effectués.

Le pinceau électrolytique permet d’extraire les oxydes relativement inaccessibles © EDF Copyright – Droits réservés
Le pinceau électrolytique permet d’extraire les oxydes relativement inaccessibles © EDF Copyright - Droits réservés
Persistance des sels dans les motifs du décor d’une assiette © EDF Copyright – Droits réservés
Persistance des sels dans les motifs du décor d’une assiette © EDF Copyright - Droits réservés

Si aucune efflorescence n’est apparue après deux mois de ce traitement, des traînées blanchâtres persistaient par contre dans les motifs floraux du décor.

Dégagés mécaniquement sous loupe binoculaire, les sels laissent apparaître des cavités, et le décor semble avoir été rongé.

Après 8 mois de séchage et de stockage à l’air libre, aucun sel n’est réapparu dans ces cavités.

Les taches d’oxyde de fer sur cette assiette ont été dégagées grâce à un procédé mis au point par EDF.

Il s’agit d’un pinceau électrolytique qui permet d’extraire les oxydes relativement inaccessibles.

La soucoupe à café du service de la salle à manger de 1re classe

Provenant sans doute de la dégradation de la coque du paquebot et de celle des objets dispersés sur les sédiments, de fines particules d’oxydes de fer recouvraient toutes les pièces en céramique.

C’est ainsi que disparaissent les enduits vitrifiables dont on recouvre les porcelaines, s’estompent les décors.

Ainsi, le sigle de la White Star Line, apposé sur la plupart des éléments des services de table, ou la frise décorative de cette soucoupe en porcelaine se sont effacés.

La soucoupe avant restauration (à gauche) et après traitement (à droite) par le laboratoire EDF : le logo de la White Star Line réapparaît © EDF Copyright – Droits réservés
La soucoupe avant restauration (à gauche) et après traitement (à droite) par le laboratoire EDF : le logo de la White Star Line réapparaît © EDF Copyright - Droits réservés

Le carreau de sol en céramique dit « dalle de Mettlach » Villeroy & Boch

L’oxyde de fer est sans danger pour les céramiques. Mais il s’incruste dans les fissures et donne un aspect peu esthétique à l’objet.

L’élimination des oxydes sur le carreau de céramique Villeroy & Boch de type Mettlach s’est avérée relativement aisée, bien qu’elle ait demandé beaucoup de patience.

Un nettoyage mécanique sous eau courante, quelques tamponnages chimiques et un scalpel ont suffi à restaurer ce carreau de céramique.

Le carreau avant restauration © EDF Copyright – Droits réservés
Le carreau avant restauration © EDF Copyright - Droits réservés
Le carreau après avoir été traité par le laboratoire EDF © RMS Titanic Inc
Le carreau après avoir été traité par le laboratoire EDF © RMS Titanic Inc

Et après…

Tasse de la salle à manger de 3e classe, en faïence vernie, portant le logo de la White Star Line © 2014 RMS Titanic Inc
Tasse de la salle à manger de 3e classe, en faïence vernie, portant le logo de la White Star Line © 2014 RMS Titanic Inc

Une fois que les objets ont été consolidés, séchés et restaurés, leur stockage ou leur exposition dans un musée est soumis à des recommandations précises : température, humidité, éclairage…

Cela passe donc par une collaboration étroite entre les archéologues chargés de la fouille, les conservateurs-restaurateurs des laboratoires où les objets sont pris en charge et traités, et enfin les responsables des musées ou lieux d’exposition où les objets sont présentés au grand public.

Titanic 2023 : retour sur l'installation à La Cité de la Mer de 43 objets qui ont voyagé sur le mythique paquebot

Titanic : retour sur l’installation à La Cité de la Mer de 43 objets qui ont voyagé sur le mythique paquebot, au cœur de notre parcours « Titanic, retour à Cherbourg » pour l’exposition temporaire « Objets oubliés, histoires retrouvées » (2023-2025).