1915-2022 : 107 ans se seront passés entre le naufrage du célèbre navire Endurance et sa découverte par une équipe de scientifiques. Retrouvé à 3 000 mètres de fonds, dans la mer de Weddell au large de l’Antarctique, l’Endurance est incroyablement bien conservé, bien que colonisé par la vie marine, grâce aux eaux glaciales qui l’abritent. Ainsi, en 2022, sa découverte fait remonter à la surface l’incroyable histoire de cette audacieuse expédition et de son équipage.

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Frank HURLEY et Ernest SHACKLETON au camp © Wikimedia Commons

Ernest Shackleton

Ernest Shackleton naît en 1874, en Irlande. Explorateur anglo-irlandais, il est considéré comme l’un des plus grands leaders du 20e siècle et l’une des figures principales de l’âge héroïque de l’exploration en Antarctique.

Déterminé et ambitieux, il tente à de nombreuses reprises de conquérir ce paradis blanc encore inexploré à l’époque : l’expédition Discovery (1901-1904), l’expédition Nimrod (1907-1909) et l’expédition Endurance (1914-1917). Cette dernière expédition, à la conquête du pôle Sud, ne se passe malheureusement pas comme prévu.

© Frank HURLEY, State Library NSW
L'Endurance © Frank HURLEY, State Library NSW

Un paradis devenu enfer

Alors que le célèbre navire traverse la mer de Weddell, il se retrouve piégé par la glace bien trop dense et difficilement pénétrable pour une construction comme l’Endurance. En effet, la coque du bateau n’est pas conçue de façon à empêcher la glace de peser sur la structure du navire lorsque celui-ci la traverse.

Ainsi, il dérive pendant dix mois avant que l’équipage, composé de 28 hommes, décide d’abandonner le navire. Nous sommes en octobre 1915. Les hommes débarquent alors sur la banquise, à pied, avec un minimum de matériel.

Un mois plus tard, écrasé par le poids de la glace, l’Endurance se brise et sombre au fond de la mer de Weddell, à 3 000 mètres de profondeur. Le capitaine du bateau, Frank Worsley, consigne les coordonnées exactes du naufrage. Nous sommes le 21 novembre 1915.

© State Library NSW
L'Endurance coincé dans la glace de la mer de Weddell (1915) © State Library NSW

S’ensuivent alors 18 mois de survie dans l’immensité de la banquise. Les 28 hommes et leurs chiens de traineau doivent faire face aux nuits totalement vidées de lumière, au froid pouvant aller jusqu’à -30°C et au manque de vivres. Pour se rationner, ils se mettent à chasser le phoque et le manchot. Lorsque ceux-ci viennent à manquer également, l’ordre est donné d’abattre les chiens. C’est un coup de massue pour Ernest Shackleton et tout l’équipage.

En avril 1916, la glace se fend. Les trois canots de sauvetage de l’Endurance sont mis à l’eau, direction l’Île de l’Eléphant. Mais celle-ci est trop loin des routes maritimes, empêchant ainsi tous secours de venir à eux.

Une ultime expédition salvatrice

Shackleton n’abandonne pas et tente une dernière expédition de sauvetage. Avec un équipage réduit, il part de l’Île de l’Eléphant en direction de la Géorgie du Sud. Ils y trouvent le secours tant espéré et reprennent alors la mer pour aller récupérer les hommes restés sur l’Île de l’Eléphant.

Plus d’un an et demi après le début de l’expédition, l’ensemble de l’équipage de l’Endurance quitte enfin ce « paradis » blanc sain et sauf. C’est un véritable miracle.

Expédition Endurance22 : la reconquête d’un navire légendaire

Alors que le lieu de repos de l’Endurance était toujours introuvable, une équipe de chercheurs met les voiles pour la mer de Weddell, bien décidé à résoudre ce mystère. Le 5 février 2022, l’expédition Endurance22 est lancée.

A peine un mois plus tard, le 5 mars 2022, les premières images d’une épave sont transmises par des robots sous-marins autonomes. Cela ne faisait aucun doute pour toute l’équipe, il s’agit bien de l’Endurance. Et, même si certain pouvait en douter, l’un des robots sous-marins leur amène une preuve irréfutable : des images de la poupe du navire révèlent des lettres en laiton scintillantes qui forment le mot « Endurance ».

« Lorsque la caméra glisse sur le pont en bois du navire, la vidéo montre des cordes centenaires, des outils, des hublots, des rampes et même les mâts et la barre, tous dans un état de conservation exceptionnel en raison des températures froides, de l’absence de lumière et du faible taux d’oxygène propres à ce lieu de repos aquatique. » – National Geographic, Simon Worrall, 9 mars 2022

La quête d’une épave longtemps introuvable

Mais pourquoi cette épave fût si difficile à trouver ? Perdue dans les abysses de la mer de Weddell, l’épave repose dans un environnement à la nature impitoyable : isolée, agitée et jonchée de glace brisée, Shackleton l’appelait « la pire mer du monde ». Rares furent les personnes préparées à de telles aventures, encore moins avec le matériel maritime à disposition au début du 20e siècle, ce qui rend d’autant plus audacieuse l’expédition de Shackleton.

De plus, bien que les coordonnées du naufrage aient été consignées par le capitaine, trouver son emplacement se révéla être un problème plus épineux que prévu. En effet, en raison de la mauvaise visibilité le jour du naufrage, les mesures permettant de calculer la direction et la vitesse de déplacement des morceaux de glace n’étaient pas déterminées. De même, les cartes du ciel étant aujourd’hui plus précises, l’équipage n’avait pas calculé correctement les horloges de l’Endurance.

Ces éléments réunis et recalculés par les scientifiques déplacent finalement la position du navire à l’ouest de la position enregistrée à l’époque par le capitaine Worsley.

© Falklands Maritime Heritage Trust & James Blake
Expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, James BLAKE
© Falklands Maritime Heritage Trust & Nick Birtwistle
Expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, Nick BIRTWISTLE
© Falklands Maritime Heritage Trust & Esther Horvath
Expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, Esther HORVATH
© Falklands Maritime Heritage Trust & Nick Birtwistle
Expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, Nick BIRTWISTLE
© Falklands Maritime Heritage Trust & Esther Horvath
Nat HEWIT, Stefanie ARNDT et Lucy COULTER, membres de l'expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, Esther HORVATH
© Falklands Maritime Heritage Trust & Esther Horvath
Expédition Endurance22, image de l'épave affichées dans la salle de contrôle de l'AUV à bord du S.A.Agulhas II © Falklands Maritime Heritage Trust, Esther HORVATH
© Falklands Maritime Heritage Trust & Esther Horvath
John SHEARS, Mensun BOUND et Nicolas VINCENT, membres de l'expédition Endurance22 © Falklands Maritime Heritage Trust, Esther HORVATH

L’équipage de Endurance22

Experts reconnus en exploration des grands fonds, dont certains ont été formés à Intechmer, les membres de l’expédition Endurance22 nous offrent aujourd’hui des images exceptionnelles d’une épave posée, presque intacte, dans une eau glacée, grâce aux technologies de pointe dont ils disposent, comme des drones sous-marins pour accéder au plus près de l’épave et la filmer.

 

Nicolas VINCENT © endurance22.org
Nicolas VINCENT © Endurance22.org
  • Nicolas VINCENT est le Directeur des opérations sous-marines de l’expédition Endurance22.

Formé à Intechmer entre 1989 et 1991, Nicolas est ingénieur sous-marin, spécialiste en robotique sous-marine, directeur des opérations sous-marines de Deep Ocean Search avec 30 ans d’expérience.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22

« Je suis le Subsea Project Manager de l’Expédition. Ce projet représente 3 ans de ma vie.

J’ai été nommé par le sponsor du projet en 2019 alors que l’expédition précédente venait de perdre un drone à $6M sous la glace.

Il m’a fallu repartir de la feuille blanche pour inventer et construire une solution capable d’intervenir par 3 000m de fond sous 5m de glace dérivante. Un défi que nul n’avait jamais réussi auparavant.

Pour cela j’ai analysé les problèmes de dérives de glace, puis déterminé et construit le drone le plus adapté, et, j’ai enfin dû inventer des procédures jamais employées auparavant dans l’industrie.

Pour en savoir plus sur Nicolas VINCENT, découvrez son portrait.

Sébastien BOUGANT © Deep Ocean Search
Sébastien BOUGANT © Endurance22.org
  • Sébastien BOUGANT est expert en logistique et en opérations complexes en mer.

Adjoint de Nicolas VINCENT, il a endossé toute la préparation et le suivi logistique pour que les membres de l’équipage restent tous concentrés sur un seul objectif : trouver l’épave !

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

« Mon rôle a été d’être l’adjoint de Nicolas VINCENT, le responsable de l’expédition, pendant la préparation sur le dimensionnement des équipements du camp en cas de déploiement depuis la glace.

Parallèlement à ça, j’ai été en charge de monter l’équipe avec Nicolas pour trouver les bonnes personnes afin d’avoir une équipe la plus performante et polyvalente possible.

Environ 12 mois avant le début de l’expédition, j’ai été l’interlocuteur principal de l’armateur du navire, l’Agulhas 2 pour préparer la mobilisation du matériel en cas de déploiement des équipements subsea depuis le navire, mais également sur tous les aspects logistiques (plan de cargaison, localisation du carburant grand froid, trouver les solutions de communications satellites pour l’équipe et les équipes média pour les lives depuis la zone de recherche avec la problématique de la couverture satellite dans ces zones).

Il a fallu également préparer l’approvisionnement de plusieurs dizaines de m3 de carburant aviation pour les hélicoptères et pour les générateurs que nous avions prévu de faire tourner avec ce type de carburant afin de limiter l’approvisionnement de carburant à un seul type, le Jet 1A1.

Pour en savoir plus sur Sébastien BOUGANT, découvrez son portrait.

Jean-Christophe CAILLENS © endurance22.org
Jean-Christophe CAILLENS © Endurance22.org
  • Jean-Christophe CAILLENS est un Commandant à la retraite de la Marine Nationale.

Il se consacre aujourd’hui aux opérations sous-marines et a participé aux projets les plus difficiles de la planète.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

J’étais le Subsea Operation Manager. J’étais donc en charge de l’ensemble des opérations effectuées dans l’emploi des équipes en place, afin de trouver puis de cartographier l’épave, mais aussi dans la gestion du matériel sous-marin utilisé pour atteindre les objectifs dans les temps.

Pour en savoir plus sur Jean-Christophe CAILLENS, découvrez son portrait.

Emmanuel GUY © endurance22.org
Emmanuel GUY © Endurance22.org
  • Emmanuel GUY est expert en sécurité et guide de haute montagne.

Au sein de l’équipe Endurance22, il a assuré la sécurité des biens et des personnes sur les camps de glace.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

Mon rôle dans cette fabuleuse expédition était de monter des camps sur la banquise, assurer la sécurité des operateurs(trice), et aider aux lancements des AUV.

Il faut être bien préparé et équipé pour vivre de telles aventures.

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Pierre LE GALL © endurance22.org
Pierre LEGALL © Endurance22.org
  • Pierre LEGALL est diplômé d’Intechmer en océanographie prospection. Pendant l’expédition, il était responsable de l’acquisition et du traitement des données.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

Pendant l’expédition, j’étais Surveyor, responsable de l’acquisition des données avec Clément SCHAPMAN et François MACE.

Mais mon rôle principal était de traiter les données en quasi temps réel avec mon collègue Fred SOUL (en quart opposé). Cette technique nous permettait de réagir rapidement en cas de cible sonar intéressante, d’évaluer la qualité des données, ou d’adapter les zones à explorer en fonction de la dérive de la glace.

Pour en savoir plus sur Pierre LEGALL, découvrez son portrait.

Grégoire MORIZET © endurance22.org
Grégoire MORIZET © Endurance22.org
  • Grégoire MORIZET, diplômé d’Intechmer, ingénieur sous-marin : il était responsable hydrographe du quart de nuit et supervisait la mobilisation des équipements de prospection.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

J’étais responsable hydrographe du quart de nuit et je m’occupais de la mobilisation technique des équipements de prospection (navire/salles de contrôles et capteurs sur les engins sous-marins).

Pour en savoir plus sur Grégoire MORIZET, découvrez son portrait.

Jérémie MORIZET © endurance22.org
Jérémie MORIZET © Endurance22.org
  • Jérémie MORIZET, diplômé lui aussi d’Intechmer de Cherbourg, est ingénieur sous-marin.

Il a non seulement dirigé l’équipe d’ingénierie sous-marine d’Endurance22, mais a également construit de toutes pièces le seul sonar à balayage latéral au monde capable d’atteindre 11 000 m de profondeur. Il est aujourd’hui le Français le plus profond au monde, avec des plongées allant jusqu’à 8 000m, en compagnie d’un certain Victor Vescovo…

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

J’ai eu 2 casquettes sur Endurance22 : « Ingénieur Survey » durant les préparatifs et « Superviseur Survey » durant l’exécution de la mission.

J’ai rejoint Nicolas VINCENT et Sébastien BOUGANT comme « Ingénieur Survey » sur les préparatifs techniques environ 1 an avant l’expédition. Nicolas avait déjà fait un certain nombre de choix techniques comme les véhicules et les capteurs. Il s’agissait pour moi de faire marcher tout cela ensemble : comment connecter les équipements ? Quelles configurations ? Quels câblages ? Rentrer en contacts avec les fabricants pour des développements spécifiques, préparer les commandes avec Sébastien…

Il a également fallu rédiger les procédures de tests des capteurs sous-marins, aller vérifier leurs bon fonctionnement et les calibrer en Suède puis à Toulon. Il a également fallu intégralement équiper et câbler la salle de contrôle des opérations.

En tant que « Superviseur Survey », lorsque l’expédition a démarré, il a fallu superviser l’installation du matériel à bord du brise-glace et tout retester. Il a fallu ensuite encadrer l’équipe d’hydrographes, régler les problèmes techniques quotidiennement pour leur permettre de travailler sereinement et efficacement. Il a fallu enfin rédiger un rapport de fin de mission et mettre en forme les données pour les préparer leur publication.

Pour en savoir plus sur Jérémie MORIZET, découvrez son portrait.

Maeva ONDE © endurance22.org
Maéva ONDE © Endurance22.org
  • Maeva ONDE, diplômée à Intechmer, est chef de projet sous-marin.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

J’ai intégrée l’équipe en tant que « Senior Surveyor ». Mon rôle était d’assurer le bon fonctionnement des capteurs embarqués sur le drone sous-marin, contrôler le positionnement acoustique de l’engin en temps réel, mais aussi analyser les données sonar et réaliser ensuite une cartographie générale de la zone de recherche.

Pour en savoir plus sur Maeva ONDE, découvrez son portrait.

François MACE © endurance22.org
François MACE © Endurance22.org
  • François MACE, l’un des trois meilleurs analystes sonar au monde, est ancien chasseur de mines et analyste sonar pour la Marine Française.

Quel a été votre rôle pendant l’expédition Endurance22 ?

Mon rôle, lors de cette mission, était d’apporter mon expertise dès lors qu’une anomalie sonar était observée, que ce soit en cours des plongées du ROV (Remote Operated Vehicle), ou rétrospectivement.

Pour en savoir plus sur François MACE, découvrez son portrait.

© Esther Horvath
L'équipe sous-marine de l'expédition Endurance22. Rangée supérieure, de gauche à droite : Pierre LEGALL, Grégoire MORIZET, Joseph LEEK, Robbie MCGUNNIGLE, John ALBERTSON, Fred SOUL, Jérémie MORIZET. Rangée du bas : J.C. CAILLENS, Chad BONIN, Clement SCHAPMAN, Nicolas VINCENT, Kerry TAYLOR, Maeva ONDE et François MACE © Esther HORVATH
© Falklands Maritime Heritage Trust & Esther Horvath
John SHEARS, Mensun BOUND, Nicolas VINCENT et J.C. CAILLENS © Esther HORVATH
© Esther Horvath
L'équipage de l'expédition Endurance22 © Esther HORVATH