De sa construction à son naufrage en passant par les premières plongées sur l’épave dans les années 1980, redécouvrez l’histoire du Titanic, ce paquebot devenu mythique.

Naissance d’un géant

Trois « super-paquebots » pour la White Star Line

L’idée de la construction du Titanic germe dans les esprits de J. Bruce Ismay et de James Pirrie en 1907 lors d’un dîner à Londres.

Titanic-Cherbourg (Coll. Claude MOLTENI DE VILLERMONT)
Le Titanic en rade de Cherbourg © Collection Claude MOLTENI DE VILLERMONT

Le premier est Président de la compagnie de navigation White Star Line tandis que le second est associé senior de la société Harland et Wolff, qui a construit tous les navires de la White Star Line. Leur objectif : contrer leur principal concurrent la Cunard Line qui vient de lancer le Lusitania et le Mauretania.

Ces deux compagnies britanniques, la White Star Line et la Cunard Line, se partagent le marché du transport transatlantique de passagers sur les lignes d’Amérique du Nord.

La White Star Line souhaite construire 3 « super-paquebots » : plus grands, plus sécurisants et plus luxueux qu’aucun autre au monde. Leurs entrées en service s’échelonneront de 1911 à 1914. Ces bâtiments devront transporter 2 400 passagers, 2 000 tonnes de fret à une vitesse moyenne d’environ 22 nœuds. La White Star Line mise sur la capacité et le luxe des installations ainsi que sur la régularité et la sécurité plutôt que sur la vitesse. C’est en effet l’époque du « Ruban Bleu » : une course de vitesse où les paquebots doivent traverser le plus vite possible l’océan Atlantique.

Avec ces navires, la White Star Line pourra proposer un départ de Southampton tous les mercredis et une arrivée à New York 6 jours et demi plus tard.

Les chantiers navals Harland et Wolff situés à Belfast (Irlande du Nord) sont chargés de la construction des 3 « super-liners ». Ils emploient plus de 14 000 personnes et peuvent fabriquer simultanément 8 navires. Pour mener à bien le projet, ils entreprennent de transformer 3 formes de radoub en 2 bassins géants. Un pont roulant haut de près de 75 mètres, le plus grand jamais réalisé, est construit au-dessus des nouvelles cales sèches.

L’architecte Alexander Carlisle et l’ingénieur en chef des chantiers Thomas Andrew définissent les caractéristiques générales des 3 bâtiments. Avec 268 mètres de long et 45 000 tonnes, les 3 nouveaux paquebots surclassent le Lusitania et le Mauretania. Ils seront les plus grands navires du monde et leurs noms sont parlants : Olympic, Titanic et Gigantic.

Dans le même temps, J. Bruce Ismay, Président de la White Star Line, engage des pourparlers avec les responsables du port de New York qui ne disposent pas de quais assez longs pour accueillir ces nouveaux navires.

Le 16 décembre 1908, les ouvriers posent le 1er élément de la quille du futur Olympic. Le 31 mars 1909, c’est au tour du Titanic. Le 20 octobre 1910, l’Olympic est lancé et remorqué au bassin où son armement sera achevé.

Le 31 mai 1911, le Titanic est lancé devant des milliers de spectateurs. L’achèvement des travaux a lieu en mars 1912. Les essais se déroulent le 1er avril. Deux jours plus tard, le navire arrive à Southampton d’où il appareillera une semaine après pour New York.

Un paquebot moderne et sécurisé

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Un graphique comparant la taille du Titanic (269 mètres) avec des monuments célèbres de l'époque comme le gratte-ciel Woolworth (New York) et ses 241 mètres de haut ou la grande pyramide de Guizèh ("Kheops") et ses 137 mètres de hauteur. © NOAA

Le Titanic mesure 269 mètres de long (une trentaine de mètres de moins que la tour Eiffel). Large de 28 mètres de large, il possède 10 ponts, dont 4 ponts promenades privés. Il mesure, de la quille aux cheminées, 53 mètres de hauteur.

En comparaison, le Lusitania et le Mauretania mesurent respectivement 262 et 264 mètres de long. Il possède en outre trois énormes ancres dont le poids total est de 31 tonnes ! J. Bruce Ismay décide de le doter de 4 énormes cheminées (dont l’une factice) car cela lui confère, selon lui, une ligne plus harmonieuse.

La sécurité est de mise sur le Titanic avec une coque à double fond et 16 compartiments étanches. La fermeture des portes étanches s’effectue depuis la passerelle par commande électrique. Le navire peut continuer à flotter avec 2 compartiments principaux envahis.

Tous les organes majeurs (chaufferies, machines, turbine) sont placés dans des compartiments indépendants. En cas de voie d’eau, 5 pompes de ballast, en liaison avec 3 pompes de cale ont une capacité d’évacuation de 400 tonnes d’eau à l’heure. Par ailleurs, des détecteurs de fumée et de chaleur ont été installés dans tous les locaux névralgiques directement reliés à un centre de sécurité capable d’intervenir dans les plus brefs délais.

Côté propulsion, le Titanic possède 3 immenses hélices mues par des moteurs à vapeur développant 46 000 chevaux pour une vitesse de croisière d’environ 22,5 nœuds (environ 42 km/h). La vapeur est fournie par 29 chaudières et 159 foyers.

L’énergie électrique (10 000 ampoules, sans compter les appareils culinaires, le chauffage, le système de réfrigération et d’aération !) qui dépasse celle consommée par une ville moyenne de l’époque est fournie par 4 dynamos d’une puissance de 400 kilowatts.

Le Titanic dispose également d’une installation téléphonique moderne utile pour les passagers (les cabines de luxe peuvent ainsi entrer en communication avec le bar, le restaurant) et pour l’équipage (le mécanicien-chef a la possibilité d’entrer en liaison avec la salle des machines et avec chacune des 6 chaufferies situées dans des compartiments étanches).

Pour communiquer avec la terre, le paquebot possède une installation TSF (Télégraphie Sans Fil) de grande puissance. Il est équipé de 2 grands mâts de 62 mètres de haut qui portent les antennes utilisées pour la transmission des messages radio.

Il semble par ailleurs offrir une grande sécurité de navigation : équipements « dernier cri » (compas, table traçante…), et dispose d’un appareil de détection acoustique d’obstacles immergés.

Le Titanic face à son destin

Le grand départ

Le 4 avril 1912, dans le port de Southampton, l’équipage du Titanic achève les derniers préparatifs avant le grand départ prévu le 10 avril.

Côté provisions : 34 000 kilos de viande, 7 000 laitues, 40 tonnes de pommes de terre, 6 810 litres de lait, 36 000 oranges et 20 000 bouteilles de bière sont embarqués. De grandes quantités de vaisselle, couverts, verrerie sont également prévues : 12 000 assiettes plates, 2 500 carafes à eau, 8 000 fourchettes, 1 200 plats à pudding… ! Côté linge, on embarque 6 000 nappes, 25 000 serviettes de toilette et 45 000 serviettes de tables…

Le Titanic est si imposant que les réserves de charbon de 3 bateaux sont nécessaires pour le voyage, soit 13 000 m3 répartis dans 12 soutes. Il consomme en effet 1,5 kg de charbon pour chaque mètre parcouru.

Le Titanic a la capacité d’embarquer 2 435 passagers et 885 hommes d’équipage (3 320 personnes au total) mais « seulement » 2 201 personnes (1 316 passagers et 885 hommes d’équipage) prennent place à bord du paquebot.

Le 10 avril, vers 10h, les premiers passagers montent à bord du paquebot.

Ils sont répartis sur différents niveaux selon qu’ils sont en 1re, 2e ou 3e classes : chaque classe possède sa propre passerelle et des ponts séparés. Il faut rappeler qu’en 1912, le monde était divisé en classes sociales nettement partagées en fonction du milieu d’origine, de la fortune et de l’éducation reçue.

Le bateau est luxueux et sa décoration raffinée. Les 4 suites royales offrent de somptueux aménagements. Chaque suite comporte ainsi un salon, 2 chambres à coucher, 2 garde-robes, une salle de bains avec toilettes attenantes.

Les passagers de 1re classe composés d’aristocrates et de personnes fortunées disposent d’un gymnase, d’un bain turc, d’une piscine, de cafés et d’un fumoir (réservé aux hommes).

Les femmes se rendent dans le salon de lecture et de correspondance. Deux salons de coiffure (l’un en 1re classe et l’autre en 2e) sont également accessibles : les passagers peuvent également y acheter des souvenirs de voyages tels que des cartes postales, des fanions…

Pour se rendre dans la vaste salle à manger (30 mètres de longueur) richement décorée avec des alcôves et des fenêtres à vitraux, les passagers de 1re classe empruntent un grand escalier de style Art nouveau, surmonté d’un dôme en verre…

Les passagers de 2e classe, où l’on compte des professeurs et des commerçants, disposent d’installations comparables à celles de la 1re classe sur d’autres paquebots.

Les repas servis aux passagers de 2e classe sont d’ailleurs préparés dans les mêmes cuisines que ceux des passagers de 1re classe !

Les passagers 3e classe sont le plus souvent des émigrants européens partis chercher fortune dans le Nouveau Monde. À bord du Titanic, ils voyagent dans de meilleures conditions que sur la plupart des autres paquebots.

Bien que cantonnés dans les parties basses du navire, ils logent dans des compartiments de 4 à 6 couchettes (à la place des dortoirs traditionnels) et disposent d’une salle à manger où leur sont servis 4 repas par jour (sur les autres bateaux, ils doivent emmener leur nourriture). Ils disposent également d’un salon commun et d’un fumoir.

Un passager déboursera un minimum de 40 dollars pour une couchette dans une cabine de 3e classe, 65 dollars en deuxième et 125 en première. Les cabines de luxe et les suites atteignent des prix fabuleux. Ainsi, un appartement avec 3 ou 4 domestiques coûte 4 500 dollars.

Le Titanic appareille le 10 avril pour son voyage inaugural à destination de New York. Il effectue auparavant 2 escales à Cherbourg en France et à Queenstown en Irlande.

L’escale à Cherbourg

À Cherbourg, il mouille en grande rade le 10 avril entre 18h35 et 20h10. Vingt-quatre passagers sont débarqués. Le Titanic embarque 281 passagers. Ils sont transportés jusqu’au paquebot via les transbordeurs Nomadic (réservé aux 151 passagers de 1re classe et aux 28 passagers de 2e classe) et Traffic (102 passagers de 3e classe, sacs postaux et bagages).

transbordeur Nomadic © Collection Jean PIVAIN
Embarquement de passagers à bord du transbordeur Nomadic © Collection Jean PIVAIN

Parmi les passagers fortunés embarqués à Cherbourg, on peut citer John Jacob Astor IV, l’un des hommes les plus riches d’Amérique.

Le lendemain, le jeudi 11 avril, le Titanic mouille devant Queenstown à 11h30. 113 passagers de 3e classe et 7 passagers de 2e classe montent à bord. Le Titanic lève l’ancre à 13h30 pour entamer sa traversée de l’Atlantique nord.

Le naufrage

Entre le 12 et le 14 avril, le Titanic reçoit différents messages radio émanant d’autres navires lui signalant la présence d’icebergs. Le 12 avril, à 19h45, le navire français La Touraine envoie un message au Commandant Smith. Le 13 avril, le Rappahannock (qui a endommagé son gouvernail et sa coque au contact des glaces) envoie des signaux lumineux lorsqu’il croise le Titanic.

Le dimanche 14 avril à 13h40, les 2 opérateurs radio, Harold Bride et Jack Phillips, reçoivent un message du Baltic, un autre navire de la White Star Line :

« […] le vapeur grec Athinai signale avoir croisé des icebergs et une grande banquise ce jour, dérivant par 41°51 de latitude nord et 49°52 de longitude ouest […] »

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Gravure tirée du livre de Logan Marshall "The Sinking of the Titanic and Other Great Sea Disasters" paru en 1912 © NOAA

Le message est immédiatement donné au commandant Smith qui, au lieu de le transmettre aussitôt aux officiers de quart, le glisse dans sa poche. Il a précédemment communiqué au second lieutenant, Charles Lightoller, un message similaire provenant du Caronia. Ce télégramme est affiché dans la salle des cartes des officiers de quart.

Selon le témoignage du président de la White Star Line, Bruce J. Ismay (qui fait partie des passagers lors de ce voyage inaugural), le commandant Smith lui aurait remis le message du Baltic sans faire aucun commentaire. Il l’aurait ensuite récupéré vers 19h et l’aurait affiché dans la salle des cartes.

À 13h45, le navire allemand Amerika, signale 2 grands icebergs dans une zone proche du Titanic. Ce message ne sera pas transmis au commandant Smith.

Suivront les messages du Californian à 19h30 et du Mesaba à 21h40. Ce dernier radiogramme donne la position des glaces (de 42° à 41°25 latitude nord et de 49° à 50°30 de longitude ouest) et signale une banquise très épaisse avec un grand nombre de gros icebergs ainsi que des champs de glaces. Il ne sera pas non plus transmis au commandant.

Il semble que l’opérateur était submergé de travail : il devait en effet envoyer les nombreux messages adressés par les passagers à leurs amis, familles ou relations d’affaires… Il a par ailleurs transmis plusieurs radiogrammes à la passerelle et ce dernier message ne lui paraît pas spécialement important.

À 21h20, le commandant Smith discute avec le 2e lieutenant Lightoller : la nuit est claire, la mer est calme, il n’y a pas un souffle de vent. Les deux hommes se demandent à quel moment ils risquent de rencontrer la banquise et comment ils pourront la repérer.

Le commandant Smith quitte son adjoint en lui indiquant que si le temps se voile, il faudra réduire la vitesse du bateau. Il lui demande également de le prévenir immédiatement s’il éprouve le moindre doute.

Dix minutes plus tard, Lightoller donne instruction aux deux veilleurs postés dans le nid-de-pie de faire particulièrement attention aux icebergs et glaces dérivantes. Une instruction qui sera renouvelée à 22 heures lors de la relève.

Vers 22 heures, tandis que certains passagers regagnent leurs cabines, d’autres bravent le froid de la nuit (la température est de 0,5°C) pour une dernière promenade sur le pont. Le fumoir de 1e classe grouille de monde, plusieurs tables sont occupées par des joueurs de bridge. Une heure plus tard, les salles et salons du Titanic sont presque vides.

À 23h40, les 2 veilleurs postés dans le nid-de-pie, Frederic Fleet et Reginald Lee Robinson remarquent une masse noire devant eux, ils sonnent alors la cloche 3 coups, indiquant une présence sur l’avant. L’un des deux veilleurs empoigne le téléphone. Au bout du fil, dans la timonerie, le 6e lieutenant Moody lui répond.

« Un iceberg, droit devant ! »

Moody transmet le message au 1er lieutenant Murdoch qui au même moment aperçoit l’iceberg.

Il se jette alors sur le télétransmetteur relié à la salle des machines pour donner l’ordre de faire machine arrière et ordonne en même temps au quartier-maître Hichens de virer à tribord. Celui-ci réagit immédiatement en tournant vivement la roue. Murdoch actionne également le levier de fermeture des portes étanches.

Tous retiennent leur souffle tandis que la masse sombre se rapproche rapidement. Le changement de cap s’amorce. Il semble que le Titanic va éviter l’obstacle mais, au moment où l’iceberg commence à défiler le long du flanc tribord, le bruit d’une déchirure se fait entendre.

À 23h50, l’iceberg ouvre une brèche à tribord sur plus de 90 mètres au-dessous de la ligne de flottaison. Des blocs de glace tombent sur le pont.

L’eau s’engouffre dans la coque et monte de plus de 4 mètres dans les parties basses de l’avant. Les 6 premiers compartiments étanches et la chaufferie sont submergés en moins de 10 secondes. Les barrières automatiques n’atteignant pas le plafond, l’eau passe de salle en salle.

Le commandant Smith alerte alors l’ingénieur en chef Andrews qui confirme l’ampleur des dégâts. L’avant du navire, près de l’endroit heurté par l’iceberg, s’enfonce dans l’eau. Andrews estime qu’il reste environ 1h, 1h30 avant le naufrage (en fait 2h30 s’écouleront entre le moment de l’impact et sa disparition).

Les réactions des passagers varient selon l’endroit où ils se trouvent et de leur activité au moment de l’impact. La plupart d’entre eux sont endormis et ne se sont aperçus de rien. Quelques passagers inquiets de ne plus entendre le bruit des moteurs sortent de leurs cabines. Néanmoins, pour l’ensemble des passagers, il semble inconcevable que le Titanic, surnommé l’insubmersible, ait pu subir des dommages irréparables.

Cependant, pour les quelques passagers de 3e classe qui logent dans les cabines situées à l’avant, près de la zone d’impact, la réalité est tout autre : ils ont bien entendu le choc et se retrouvent déjà les pieds dans l’eau.

À 23h58, le commandant Smith ordonne de transmettre le CQD. D’autres CQD seront envoyés jusqu’à 00h38.

L’évacuation des passagers

À 00h05, le commandant Smith ordonne le rassemblement de l’équipage et donne l’ordre d’amener les canots à hauteur du pont. À l’époque, les règles instituées par le ministère du commerce britannique n’obligeaient pas l’installation de canots en nombre suffisant à bord des paquebots. À bord du Titanic, il y a 14 grands canots de sauvetage pouvant contenir chacun 64 personnes, 2 canots de secours et 4 radeaux pliables de 38 places chacun – soit une capacité totale de 1 176 personnes. Or, il y a à bord 2 201 personnes (1 316 passagers et 885 hommes d’équipage).

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Gravure tirée du livre de Logan Marshall "The Sinking of the Titanic and Other Great Sea Disasters" paru en 1912 © NOAA

Les passagers sont invités à enfiler leurs gilets sauvetages. Composés de flotteurs en liège recouverts d’une toile épaisse, ils assurent le maintien en surface d’une personne mais ne les protègent pas du froid glacial de l’eau.

À 00h45, Le 1er canot (n°7) est mis à l’eau coté tribord. Le commandant Smith donne l’ordre de faire embarquer les femmes et les enfants d’abord. Malheureusement, des canots seront mis à l’eau alors qu’ils ne sont pas remplis.

Au même moment, le quartier-maître Rowe envoie la première fusée de détresse. Ce geste est répété toutes les 5 min.

À 00h58, les 2 opérateurs radio décident d’envoyer le signal de détresse adopté officiellement par les pays signataires de la Convention radiotélégraphique internationale de Berlin : le S.O.S. Ces trois lettres, choisies pour la simplicité de leur codage et leur reconnaissance instantanée en morse, doivent être répétées à brefs intervalles.

À 01h30, l’avant du Titanic pique nettement dans l’eau.

À 02h00, la plage avant disparaît sous l’eau. L’ouverture, à l’arrière, d’une des grilles d’accès permet à de nombreux passagers de 3e classe d’accéder enfin au pont des embarcations. Cinq minutes plus tard, le canot D (le dernier – bâbord) est mis à l’eau. Il ne reste que les canots pliables A (tribord) et B (bâbord), placés sur le toit du logement des officiers. La gîte devient de plus en plus forte.

À 02h15, l’eau bouillonne dans l’écoutille de proue poussant la foule à se masser vers la poupe. Deux minutes plus tard, la proue du Titanic s’enfonce dans l’eau. La première cheminée s’effondre, les lumières du paquebot vacillent et s’éteignent.

À 02h20, la partie arrière du Titanic se dresse verticalement vers le ciel, se maintient dans cette position quelques instants. Elle se remplit d’eau et finit par couler à son tour. C’est l’heure officielle où le Titanic sombre par 41.46 Nord et 50.14 Ouest avant de reposer à 3 800 mètres de profondeur.

Un lourd bilan et quelques rescapés

Sur les 1 316 passagers, 499 sont sauvés (soit 37,94%) (dont 203 sur les 325 embarqués en 1re classe soit 62,46% ; 118 sur 285 en 2e classe soit 41,40% ; 178 sur 706 en 3e classe soit 25,21%). 212 des 885 hommes d’équipage (23,95%) survivent au naufrage (soit au total 711 personnes sur les 2 201 embarquées).

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Gravure tirée du livre de Logan Marshall "The Sinking of the Titanic and Other Great Sea Disasters" paru en 1912 © NOAA

Les pertes subies par les passagers de 3e classe sont dues au fait qu’ils étaient logés dans les ponts inférieurs plus difficiles d’accès et que beaucoup d’immigrants ne comprenaient pas l’anglais.

Une majorité de femmes (296 sur 402 soit 73,63%) et d’enfants (57 sur 109 soit 52,29%) sont sauvés. On dénombre en effet 146 hommes sauvés sur les 805 embarqués (soit 18,14%).

Le Carpathia qui, à 150 km du lieu du naufrage, a capté un des S.O.S, arrive sur le lieu de naufrage à 4h00. Il recueille les 711 rescapés entre 4h10 et 8h10. À 8h50, il quitte le lieu du naufrage. Le Carpathia s’amarre sous une pluie battante au pier 54 à New York, le 18 avril à 21h35.

Les commissions d’enquêtes

Rapidement, deux commissions d’enquête sont ordonnées, l’une anglaise, l’autre américaine, afin de déterminer les causes du naufrage :

La première est diligentée par le Gouvernement britannique. Elle est présidée par John Charles BIGHAM « Lord Mersey » assisté d’experts spécialisés dans la construction et l’architecture navale. Les auditions s’ouvrent à Westminster le 2 mai et s’achèvent le 6 juin 1912.

La deuxième est mise en place à l’initiative du Sénateur Républicain du Michigan William Alden SMITH, un proche du commandant SMITH avec qui il avait navigué en 1906.

Commission d’enquête américaine © Library of Congress
Commission d’enquête américaine © Library of Congress

La commission, composée de 3 sénateurs Républicains et 3 sénateurs Démocrates débutent ses auditions le 19 avril 1912 à l’Hôtel Waldorf-Astoria de New York.

Le premier témoin auditionné est Joseph Bruce ISMAY, Président de la White Star Line.

Durant les 18 jours d’auditions, 86 témoins sont entendus. La transcription de l’enquête représente plus de mille pages.

À l’issue de ces deux enquêtes, les commissions rédigent, entre autres, un certain nombre de recommandation pour pallier les nombreuses erreurs ou négligences qui ont mené au naufrage du Titanic :

Concernant la navigation :

  • En cas d’avis de glaces, le navire doit progresser la nuit à une vitesse modérée ou changer de cap de façon à s’éloigner de la zone dangereuse.
  • Les personnels affectés aux postes de vigie doivent effectuer des tests de vision.
  • Un navire qui ne secourt pas un navire en détresse, alors qu’il en a la possibilité, commet un délit.

Concernant la structure du navire :

  • Les cloisons et compartiments étanches doivent être conçus de manière à ne pas mettre en péril la flottabilité du navire.
  • Le doublage de la coque doit être étendu du fond jusqu’au-dessus de la ligne de flottaison.

Concernant les procédures d’évacuation :

  • Les navires doivent être équipés d’un nombre suffisant de canots de sauvetage ; passagers et équipage doivent en être largement informés.
  • Des exercices de sauvetage doivent être effectués régulièrement.
  • Dans chaque cabine un plan indiquant au passager le chemin le plus court entre sa cabine et le canot de sauvetage attribué doit être affiché.

Concernant la communication :

  • Tous les navires doivent être équipés de la Télégraphie Sans Fil.
  • Un nombre suffisant d’opérateurs doit être formé afin de garantir un service continu la nuit et le jour, pour assurer la réception immédiate de tous messages de détresse, d’avertissements…

Toutes ces recommandations serviront de base à l’écriture de la première convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer également appelé convention SOLAS (Safety Of Life At Sea).

Adoptée en 1914, la convention SOLAS stipule les normes minimales de construction, d’équipement et d’exploitation des navires, compatibles avec leur sécurité.

Mise à jour régulièrement, elle est considérée comme le plus important de tous les traités internationaux concernant la sécurité des navires de commerce et est intégrée à la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer.

Découverte et étude de l’épave

Le naufrage du Titanic
Le naufrage du Titanic © Willy STOWER

Découverte

L’histoire du Titanic reprend en 1985. Depuis le naufrage, plusieurs projets de recherche plus ou moins réalistes ont entretenu le mythe du paquebot. Mais à l’été 1985, c’est finalement la campagne de recherche entreprise par l’IFREMER et l’Institut océanographique américain Woods Hole Oceanographic Institution qui permet de retrouver l’épave.

Au cours de l’été, l’expédition (en préparation depuis deux ans) pour retrouver le paquebot est lancée. Ce n’est finalement que trois jours avant la fin des opérations, le 1er septembre 1985, que le navire est retrouvé. L’américain Robert BALLARD et le français Jean-Louis MICHEL aperçoivent une chaudière sur leurs écrans de contrôle. Les radars performants ont fini par retrouver le Titanic.

« À une heure du matin, j’ai vu sur les écrans défiler des signes avant-coureurs de ce qui, quelques minutes plus tard, s’est révélé être une chaudière. Sans aucun doute, c’était bien le site où gisait le Titanic, 4 000 mètres sous le navire. »

Jean-Louis MICHEL, ingénieur systèmes sous-marins, Ifremer
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© NOAA

L’épave git par 3 800 mètres de fond. Brisé en deux parties, le navire et ses débris s’étendent sur plus de 700 mètres.

Exploration

Plusieurs expéditions conjointes entre la France et les États-Unis ont lieu dans les années suivantes. En 1987 et 1993, 1994, 2000 et 2004, des expéditions sont mises en place et permettent de remonter, au total, plus de 5 500 objets retrouvés sur le champ de débris. Ces derniers sont à chaque fois soigneusement conservés et restaurés, permettant de retrouver des familles de passagers et de retracer des histoires personnelles émouvantes.

En 1995, une expédition menée par la Russie et les États-Unis permet au réalisateur canadien James CAMERON de réaliser des prises de vue pour son film « Titanic ». À bord des sous-marins Mir 1 et Mir 2, du P.P. Shirshov Institute of Oceanology, des images de l’épave sont filmées.

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© RMS Titanic Inc, PH Nargeolet

L’année suivante, une expédition de l’Ifremer et RMS Titanic aboutit à la réalisation d’une cartographie détaillée de l’épave et du site. Ce travail permet aussi d’inspecter la corrosion de l’épave. Deux ans plus tard, en 1998, une partie de la coque avec trois hublots est relevée par les même équipes. La masse de 18 tonnes revient à la surface sous l’œil des téléspectateurs américains qui suivent une retransmission en direct.

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© WHOI

Les premières images de l’intérieur du navire, quant à elles, sont tournées en 2005. Le Dr Anatoly SAGALEVITCH dirige une expédition associant James CAMERON, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et la chaîne de télévision Discovery Channel, dans le but de tourner le documentaire « Last mysteries of the Titanic ».

Ce travail doit aussi permettre d’évaluer les détériorations de l’épave. Lors de cette expédition, les ROV inventés par James CAMERON s’aventurent dans la cabine des passagers de 1re classe Isidor et Ida STRAUS, les bains turcs, mais aussi Scotland Road (couloir où se trouvaient les cabines des membres de l’équipage).

Ces images permettent par ailleurs d’émettre de nouvelles théories sur la façon dont le paquebot s’est brisé et a coulé.

Un avenir incertain

L’épave est aujourd’hui toujours étudiée, notamment pour évaluer la vitesse de sa détérioration. Spécialiste de l’épave du Titanic et Directeur du programme de recherches sous-marines pour Premier Exhibitions, RMS Titanic Inc., Paul-Henri NARGEOLET est également le consultant technique de Victor VESCOVO, (Caladan Oceanic) qui affrète le Limiting Factor, un sous-marin capable de plonger dans les fosses les plus profondes (à – 11 000 mètres).

En 2019, il effectue 5 plongées sur le Titanic. Cette mission confirme la détérioration progressive de l’épave, dont l’acier est « mangé » par la bactérie Halomonas titanicae.

Été 2021, 34 ans après sa première plongée à bord du Nautile, Paul-Henri NARGEOLET retourne explorer l’épave du Titanic dans le cadre de la mission « Titanic Survey Expedition – 2021 » organisée par OceanGate.

Grâce aux équipements derniers cris du submersible Titan, il plonge par 3 800 mètres de profondeur dans des conditions remarquables. L’équipe tourne aussi des images en 4K de l’épave, ce qui permet une modélisation photogrammétrique d’une précision inégalée. Ce travail met de nouveau en lumière la dégradation du paquebot.

En 2022, une nouvelle expédition de OceanGate permet de filmer les toutes premières images en 8K de l’épave. Ces images d’une qualité exceptionnelle permettent de révéler de nouveaux détails du navire.