Vous pourriez aussi aimer
Partager cette page
Julie Tourolle © Aymeric Picot, La Cité de la Mer
© Aymeric PICOT, La Cité de la Mer

Julie TOUROLLE, Ingénieure de recherche

Ingénieure de recherche en écologie marine au laboratoire Environnement profond de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploration de la Mer (Ifremer), spécialiste en cartographie des habitats.

De la géographie à l’écologie

Après des études en géographie à l’université de Caen, Julie TOUROLLE soutient en 2002 son mémoire sur « La gestion de l’environnement en milieu insulaire : Étude comparative de l’île aux Moines et de l’île d’Arz (Golfe du Morbihan) ».

Elle s’oriente ensuite vers un Master d’expertise et de gestion des littoraux dispensé à Brest et collabore, dans le cadre d’un de ses stages, à une étude de prévention des risques de submersion marine dans le Morbihan. Un phénomène dû, entre autres, à l’état de dégradation du cordon dunaire et à l’urbanisation du littoral.

Julie TOUROLLE se passionne alors pour la géomorphologie, une branche de la géographie qui étudie les formes du relief terrestre, notamment le rôle de l’érosion dans la formation des paysages.

Julie TOUROLLE fait, ensuite, une incursion dans le domaine de l’animation et de l’éducation : elle occupe un poste d’animatrice environnement au service du port de Saint-Vaast-La-Hougue durant 7 mois.

4
Paysage du littoral breton

« Je vais initier les enfants à la nature de façon ludique. Le milieu maritime est souvent méconnu pour eux. Leur apprendre les noms des coquillages, des poissons et le fonctionnement d’un port de pêche devrait les passionner. »

6

Puis, après avoir tenté, sans succès, le concours de l’IUFM pour devenir professeure des écoles, Julie TOUROLLE revient à ses premières passions : la géomorphologie, l’écologie marine et l’Océan.

Elle intègre, entre 2007 et 2011, le bureau d’étude sur l’environnement marin Astérie (Brest). Elle y est chargée de coordonner le projet national Cartham dont l’objectif est de cartographier les habitats marins dans le cadre des extensions des sites Natura 2000 en mer. Julie TOUROLLE s’intéresse notamment au golfe normano-breton.

5

Parallèlement, Julie TOUROLLE étudie les incidences des projets d’extraction et de rechargement de plages sur les habitats et espèces marines sur les sites Natura 2000. Elle co-rédige ainsi un guide méthodologique pour l’évaluation des incidences des projets d’extraction de matériaux en mer sur les sites Natura 2000 maritimes.

Elle va également, durant cette période, participer à des études d’impact sur l’écosystème marin dans le cadre de projets industriels, comme celui du cimentier Lafarge en 2007 qui souhaite extraire 600 000 tonnes de sable marin au large de l’île de Groix par 30 mètres de fond. Julie TOUROLLE est ainsi chargée de déterminer, entre autres, les conséquences écologiques sur la faune et flore du site et à proximité ainsi que les incidences sur les poissons (zone de nourricerie pour les juvéniles).

Le projet Lafarge sera finalement abandonné en 2009, après un avis défavorable du préfet maritime de l’Atlantique et du préfet du Morbihan.

8
7
Schéma de l'impact de l'exploitation marin sur le milieu © Ifremer

Prairies sous la mer cherche protection

En 2011, Julie TOUROLLE intègre le laboratoire d’Écologie Benthique Côtière de l’Ifremer Brest où elle poursuit son travail sur les zones maritimes Natura 2000 bretonnes. Elle coordonne les enquêtes de terrain et les programmes d’échantillonnage, s’intéressant notamment aux herbiers marins de zostères qui sont présents, entre autres, dans le Parc Naturel Marin d’Iroise.

Ces prairies sous-marines sont essentielles à la biodiversité (plus de 500 espèces peuvent y être présentes) et servent de lieux de reproduction, de ponte, de nurserie et de refuge pour certaines espèces marines.

10
Emprise des sites Natura 2000 marins bretons de la directive Habitat (ZSD, état 2015)
9
Herbier de Zostères marines

Des ressources minérales profondes…

11
Fumeur noir dans les abysses

Julie TOUROLLE rejoint, en 2013, le laboratoire Environnement profond de l’Ifremer Brest. Elle coordonne, l’année suivante, une Expertise Scientifique Collective (ESCO) sur les impacts environnementaux de l’exploration et de l’exploitation des ressources minérales des grands fonds océaniques (nodules polymétalliques, sulfures hydrothermaux ou encroûtements cobaltifères).

« Avec l’épuisement des ressources terrestres, soumises à une pression toujours accrue, l’océan profond fait figure de nouvel eldorado pour les richesses biologiques, pétrolières et minières… »

En effet, face à l’intérêt croissant que suscitent ces ressources, l’État français a chargé le CNRS et l’Ifremer :

  • d’établir un état des connaissances scientifiques quant aux impacts potentiels de leur exploration et de leur exploitation sur les milieux et écosystèmes qui leur sont associés ;
  • d’identifier les verrous scientifiques et technologiques à lever pour définir les conditions d’une exploitation durable de ces ressources.

« (Notre objectif) n’est pas de prescrire des solutions […] mais de fournir aux différents acteurs concernés – États, chercheurs, industriels, populations, etc. – l’information la plus complète à notre disposition afin de susciter une véritable concertation et permettre une exploitation raisonnée et socialement acceptable des ressources profondes », explique Sylvain LAMARRE, directeur adjoint scientifique à l’Institut écologie et environnement du CNRS et l’un des pilotes scientifiques de l’expertise.

… aux coraux d’eau froide

12
Coraux d'eau froide

Depuis 2017, Julie TOUROLLE coordonne le projet européen Marha qui a pour objectif de préserver les habitats naturels marins des sites Natura 2000, aussi bien la structure physique (sable, rochers, vases…) que les êtres vivants qui y vivent (animaux, végétaux, micro-organismes).

Julie TOUROLLE s’intéresse plus particulièrement aux coraux d’eau froide qui vivent dans des eaux entre 4 et 12°C, sans lumière, entre 50 et plus de 3 000 m de profondeur. Ces récifs, qui constituent un habitat pour de nombreuses autres espèces animales, se développent, entre autres, dans le golfe de Gascogne, au niveau des canyons sous-marins qui entaillent la pente continentale, comme le canyon de Lampaul situé au large de la Bretagne.

« Les récifs coralliens ne se trouvent pas uniquement dans les eaux chaudes et peu profondes des îles tropicales. On en trouve dans les eaux froides du golfe de Gascogne, où les activités humaines exercent de nouvelles pressions sur les écosystèmes océaniques profonds. »

13
Campagne ChEReef 2021, Golfe de Gascogne

Les menaces d’origine humaine sont nombreuses (chalutage, pollution, réchauffement climatique…). Or, le temps de récupération de ces écosystèmes est très long. D’où l’importance et la nécessité de les étudier plus en détail pour mieux les préserver, voire les restaurer.

C’est donc dans ce cadre qu’Ifremer a lancé, de 2021 à 2026 le projet ChEReefOBS (Characterization and ecology of cold-water coral reefs – Observatory) qui s’articule autour d’une série de campagnes en mer pour mieux comprendre la dynamique des récifs de coraux d’eau froide dans les canyons du golfe de Gascogne.

14

La première campagne en mer ChEReef 2021, conduite par les chefs de mission Julie TOUROLLE et Lénaick MENOT, a eu lieu du 4 août au 5 septembre 2021, utilisant notamment le robot sous-marin HROV Ariane, capable de plonger jusqu’à 2 500 mètres de fond. Les équipes étaient chargées de cartographier à très haute résolution le canyon de Lampaul.

« Nous allons cartographier finement notre zone d’étude et le submersible Ariane nous permettra d’identifier le meilleur emplacement pour installer notre observatoire fond de mer à 800 mètres de profondeur. »

15
Observatoire sous-marin

Cet observatoire sous-marin récoltera un grand nombre de données (taux d’oxygène de l’eau, température, courants…) et filmera 15 minutes par jour pendant 5 ans un récif de coraux, permettant ainsi aux scientifiques d’observer le comportement des polypes et de la faune associée. Le robot HROV Ariane a, par ailleurs, prélevé des coraux d’eau froide qui ont été installés dans les aquariums d’Océanopolis (Brest). Julie TOUROLLE pourra ainsi les étudier de près et mesurer comment le changement climatique affecte les coraux d’eau froide.

« Les résultats du projet ChEReef devraient permettre d’apporter des réponses pour mieux préserver, voire restaurer, les coraux d’eau froide. »

Julie TOUROLLE participe activement à la vulgarisation et à la médiation scientifique auprès du grand public que ce soit au travers de jeu comme DeepSeaSpy, de manifestations (Fête de la science, Sciences pour tous…) ou d’embarquements d’artistes lors de missions en mer. Ainsi, dans le cadre de ChEReef 2021, elle a accueilli l’artiste Nicolas FLOC’H qui a photographié les paysages des grands fonds en sanglant le caisson de son appareil photo sur le robot sous-marin HROV Ariane.

« Notre collaboration avec Nicolas FLOC’H est aussi une manière pour nous de toucher un public nouveau peut-être plus sensible à l’art qu’à la science et de leur faire découvrir ces écosystèmes peu accessibles et vulnérables pour mieux les protéger. »

17
16
Crédits photos

© Ifremer │ ChEReef 2021 │ BOBECO 2011 │ Olivier Dugornay │ Océanopolis │ Office Français de la Biodiversité, ofb.gouv.fr │ Myrabella │  Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0 │ GFDL