Vous pourriez aussi aimer
Partager cette page
Georges HOUOT rentre dans le sas du FNRS III © M. Berthelot
Georges HOUOT rentre dans le sas du FNRS III © M. Berthelot

Georges HOUOT

Un début de carrière à la surface

Georges HOUOT effectue ses études au Prytanée militaire de la Flèche dans la Sarthe (l’un des 6 lycées de la Défense français). Il obtient au terme de ses études secondaires un baccalauréat scientifique.

En 1933, il entre à l’École navale de Brest où il suit une formation d’Officier torpilleur et participe à une croisière d’instruction à bord de la Jeanne d’Arc. Le 1er octobre 1936, il devient Enseigne de vaisseau de 2e classe et sert sur l’aviso Ailette, navire stationnaire qui surveille les pêches en Manche, mer du Nord et Islande.

L’année suivante, il devient Enseigne de vaisseau de 1re classe. Après être passé par l’école des torpilleurs sur le Condorcet à Toulon en 1939, il embarque sur le croiseur Gloire en juin 1940. À bord, il participe aux combats de Dakar pendant la Seconde Guerre mondiale.

Revenu à Toulon en 1942, il sert ensuite à bord des torpilleurs Hardi et Casque, avant d’intégrer la légion de la Gendarmerie maritime en 1943 quand la flotte est sabordée. Il devient Lieutenant de vaisseau en avril 1943 et embarque en février 1945 sur la frégate Croix-de-Lorraine qui fait campagne en Indochine et sur laquelle il est engagé comme Commandant en second jusqu’en avril 1947.

Il prend ensuite le commandement du pétrolier Lac Pavin, qui est désarmé quelques mois plus tard. Affecté comme Officier de manœuvre à l’École des mousses en octobre 1948, il remplace en 1949 Jacques-Yves COUSTEAU au commandement du bâtiment base de recherches sous-marines, l’Ingénieur Élie Monnier.

« Sans que je le sache encore, une nouvelle carrière s’ouvrait à moi. »

Georges HOUOT
Georges HOUOT

La révélation des premières plongées

À bord de l’Élie Monnier, il effectue des dragages de mines sur la côte du Languedoc. Il assure également des missions hydrographiques et des études en géologie et acoustique sous-marine le long des côtes de Provence et de Corse.

C’est pendant cette période qu’il s’initie et se passionne pour la plongée sous-marine, participant activement aux plongées des marins et officiers placés sous ses ordres, et ce malgré les séquelles d’une attaque de poliomyélite qui lui a paralysé les jambes pendant plusieurs mois.

En effet, selon ses médecins, il est formellement interdit à Georges HOUOT de se baigner, un paradoxe pour cet homme qui se passionne rapidement pour les grands fonds et commande un navire de recherches sous-marines. C’est pourquoi, sur le conseil du « Mousquemer » Phillippe TAILLIEZ, il se fait fabriquer une combinaison étanche sur mesure (en raison de sa grande taille) qui lui permet de ne pas être en contact direct avec l’eau.

La découverte des profondeurs : le FNRS III

En 1951, le commandement de Georges HOUOT à bord de l’aviso Élie Monnier touche à sa fin. Il attend de connaître sa prochaine assignation, non sans un certain regret.

« À vrai dire, aucune désignation ne me tentait ; l’Élie Monnier m’avait offert les plus belles satisfactions de ma carrière. […] Finies les descentes en scaphandre autonome à 50 ou 60 mètres, finis les tête-à-tête, au carré, avec les savants ou les spécialistes embarqués sur l’Élie Monnier pour de courtes missions. »

Le 9 octobre 1950, une convention est signée entre la France et la Belgique, qui confie à l’arsenal de Toulon la refonte du FNRS II, construit par le physicien suisse Auguste PICCARD. L’objectif est que le FNRS II, dont il ne reste plus que la sphère, devienne après travaux un tout nouveau bathyscaphe. Tous les autres éléments doivent donc être repensés et construits.

Dans cette convention, Auguste PICCARD et Max COSYNS (codirecteur de l’expédition du FNRS II à Dakar en 1948) sont désignés comme conseillers scientifiques. Il est également stipulé qu’une fois le submersible opérationnel, un officier de la Marine sera désigné pour le piloter.

Georges HOUOT contacte alors l’ingénieur principal du Génie maritime André GEMPP, qui est chargé des sous-marins à l’arsenal de Toulon. Ce dernier lui conseille de postuler pour obtenir le poste de pilote à bord du futur FNRS III. En juillet 1951, Georges HOUOT est chargé par la Marine de suivre les travaux d’achèvement du sous-marin.

« En août 1951, je quittai l’Élie Monnier et mon commandement ; ma carrière de « bathyscaphier », « bathyscaphandrier », « bathyfoleur », « bathynaute » ou « océanaute », comme on voudra, commençait ! »

Avant la fin des travaux, André GEMPP est muté en Indochine. Il est remplacé par un ingénieur sorti de l’École maritime six mois plus tôt : Pierre WILLM.

Georges HOUOT et Pierre WILLM travaillent ensemble, et lorsque la construction du bathyscaphe est achevée en mai 1953, les essais débutent. Georges HOUOT effectue, dans la nuit du 15 au 16 mai 1953, le premier essai de régénération de l’air à bord de la sphère du bathyscaphe, en compagnie du Dr. GUILLERM, médecin du Centre d’études pratiques des sous-marins. Les deux hommes restent, avec succès, 12 heures enfermés dans 4 mètres cubes.

Après de nombreux contrôles, le FNRS III, plus petit bâtiment de la Marine française, est mis à l’eau le 3 juin 1953. Georges HOUOT en devient le Commandant.

1
Le Commandant Georges HOUOT (2e à gauche) et l’équipe du FNRS III au Japon

Les premiers essais du sous-marin sont effectués en rade de Toulon de juin à août 1953. Le bathyscaphe de 26 tonnes se pose à 2 000 mètres de profondeur – sa capacité de profondeur maximale étant fixée à 4 000 mètres.

À l’automne 1953, le FNRS III est prêt à se lancer dans l’exploration des grands fonds. Cette même année, Georges HOUOT devient Commandant des bathyscaphes. Le 15 février 1954, le FNRS III atteint 4 050 mètres de profondeur au large de Dakar.

Cette plongée confère à Georges HOUOT et Pierre WILLM une notoriété internationale ! Leur record mondial reste invaincu pendant 6 ans… Il est battu par Jacques PICCARD et Don WALSH qui, à bord du Trieste, plongent à 10 916 mètres de profondeur le 23 janvier 1960.

« À 13h30 donc, nous nous sommes enfin posés sur le fond. Un reporter m’a demandé, à notre retour en surface, quelles avaient été nos impressions. Je lui ai répondu : Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on commence par ressentir un sentiment rassurant en reprenant contact avec la terre ; on oublie totalement les quatre kilomètres qui vous séparent de la surface, de l’air libre et de la lumière car on retrouve le sol, l’élément sur lequel on est accoutumé de vivre ! »

2
Le Commandant Georges HOUOT à droite et Pierre WILLM devant le FNRS III

En août 1952, Georges HOUOT devient Capitaine de corvette. Il pilote le FNRS III de 1953 à 1960 à 65 reprises, à l’occasion de la grande majorité de ses 93 plongées (en comptant les essais) en Méditerranée, au Portugal, à Dakar et au Japon. Chaque année, le bathyscaphe passe plusieurs mois à Toulon où l’on s’assure de son bon fonctionnement. Georges HOUOT devient, en juillet 1959, Capitaine de frégate.

Un nouveau défi : le projet B11000

Grâce au succès de ces plongées et à la fiabilité du FNRS III, Georges HOUOT se lance dans la construction d’un nouveau bathyscaphe. Dès 1955, il réfléchit avec Pierre WILLM à la création d’un nouvel engin, capable d’atteindre les fonds marins les plus profonds de la planète, notamment les 11 000 mètres de la Fosse des Mariannes, tout en restant facilement manœuvrable.

Le FNRS III n’est pas vraiment utilisé pour la recherche et les scientifiques qui prennent place à bord cherchent plus à évaluer son utilité qu’à exploiter ses compétences. En novembre 1955, les membres du Comité du bathyscaphe valident le projet de construction du futur bathyscaphe.

Pierre WILLM établit un avant-projet, mais il faut cependant attendre 1958 pour réunir les fonds nécessaires et démarrer la construction à Toulon. La sphère habitable est agrandie pour accueillir plus de matériel scientifique, mais également pour permettre à Georges HOUOT et ses 1,87 mètres d’y tenir debout ! La sphère a un diamètre de 2,10 mètres.

3
La maquette du projet B11000

Pour la vision directe vers l’extérieur, 3 hublots sont installés sur la sphère du bathyscaphe, ainsi que 12 projecteurs. Le sous-marin est également conçu pour se déplacer plus rapidement que le FNRS III.

Une carrière à bord d’Archimède

Le 28 juillet 1961, le bathyscaphe baptisé Archimède est mis à l’eau, avec Georges HOUOT à son commandement. Le submersible possède par ailleurs son propre navire remorqueur, le Marcel Le Bihan. Il effectue ses premières plongées durant l’automne et l’hiver 1961 à Toulon. Si le sous-marin commence sa carrière, c’est en revanche la fin de celle du FNRS III.

« Les essais de l’Archimède marquèrent la fin de carrière du FNRS III. Nous espérions sabrer le champagne pour fêter sa centième plongée, mais c’est après sa 99e descente, un petit tour à 1 420 mètres, que notre bon vieux camarade des heures les plus enivrantes gagna l’Arsenal, en 1961, pour ne plus en ressortir. »

4
Les essais d’Archimède dans la fosse des Kouriles

Le 15 juillet 1962, Georges HOUOT et Pierre WILLM effectuent leur première plongée en grande profondeur à bord du bathyscaphe Archimède dans la fosse des Kouriles, au Japon. Ils atteignent 9 200 mètres de profondeur.

Le 25 juillet 1962, l’Archimède effectue sa plongée record à 9 545 mètres avec à son bord Henri-Germain DELAUZE alors responsable du Laboratoire des Bathyscaphes du CNRS, le Professeur japonais Tadayoshi SASAKI et le Lieutenant O’BYRNE.

De campagnes scientifiques…

Entre 1961 et 1970, Georges HOUOT effectue 64 plongées à bord d’Archimède. En 1963, la campagne DEEPSCAN est organisée en partenariat avec les Américains pour explorer la fosse de Porto Rico.

Georges HOUOT pilote le bathyscaphe pendant plusieurs plongées et atteint 8 300 mètres de profondeur. Des carottes de sédiments et des roches sont prélevées pendant cette campagne. Le bathyscaphe plonge en Méditerranée, au Japon, à Porto Rico, en Grèce, à Madère et aux Açores, revenant à Toulon pour des opérations de maintenance entre chaque campagne.

5
Le Commandant Georges HOUOT(à droite), en compagnie d’Henri-Germain DELAUZE (à gauche) et de deux autres membres de l’équipe, au large de Madère

… en missions de localisation d’épaves

Le 27 janvier 1968, Minerve, sous-marin d’attaque de la Marine française, disparaît au large de Toulon. Il est impossible que l’équipage ait pu survivre, mais pour comprendre les causes du drame, il est important de retrouver l’épave.

Un certain laps de temps s’est écoulé entre le dernier contact avec le sous-marin et l’heure présumée du naufrage, ce qui rend difficile l’estimation de la localisation de l’épave. Les recherches en surface ne donnent rien, et la Marine n’est pas équipée pour effectuer des recherches en profondeur. L’Archimède est alors mobilisé. Il découvre plusieurs épaves lors de ses recherches, mais malheureusement pas celle de la Minerve.

6
Archimède réapparaît en surface après une plongée

Le 4 mars 1970, c’est le sous-marin Eurydice qui disparaît en mer, au large de Saint-Tropez. À cette date, l’Archimède est en plein carénage et ne peut donc pas plonger pour tenter de repérer l’épave, mais des débris sont repérés.

La Marine française fait appel au Mizar, bâtiment de la Marine américaine, qui localise et photographie des éléments du sous-marin Eurydice. Au cours du mois de mai 1970, l’Archimède effectue de nombreuses plongées sur l’épave, photographiant les débris et morceaux de l’Eurydice. Les éléments étudiés ne permettent cependant pas de comprendre les causes du naufrage.

Un héritage riche

Georges HOUOT prend sa retraite en novembre 1970 après 37 années de service dont 17 à la tête du Groupe des bathyscaphes. Il compte pas moins de 144 plongées à bord du FNRS III et d’Archimède.

7
Le Commandant Georges HOUOT et une partie de l’équipe d’Archimède

Le Commandant Georges HOUOT décède le 7 août 1977 à La Garde (Var) et reste connu comme l’un des pères du bathyscaphe.

Il est l’auteur de trois ouvrages consacrés à ses expéditions sous-marines : « Le Bathyscaphe ou 4 050 mètres au fond de l’océan » (Éd.de Paris, 1954), « La Découverte sous-marine » (Éd. Bourrellier, 1959), « Vingt ans de bathyscaphe » (Éd. Arthaud, 1972).

Il a reçu de nombreuses distinctions et décorations à titre scientifique : Commandeur de la Légion d’honneur, Commandeur de l’ordre du Mérite de la recherche et de l’invention, Officier des Palmes académiques, Officier de l’ordre de Léopold de Belgique, Lauréat de la fondation Singer-Polignac, Lauréat de l’Académie des sciences, Médaille d’or du Mérite, Médaille d’or de la Société de géographie, Grand Prix de la technique de la ville de Paris, Membre de la Société des explorateurs français.

Jean JARRY, chargé de l’équipement scientifique d’Archimède, dresse ainsi le portrait de Georges HOUOT :

« Convaincu de l’avenir des engins habités profonds, Georges HOUOT considère sa mission de commandant du bathyscaphe comme un véritable sacerdoce. Il connaîtra tous les plans de l’engin aussi bien, sinon mieux, que les ingénieurs chargés de son entretien. Il n’hésitera jamais à revêtir un bleu de travail et à descendre dans le compartiment des batteries, même quand il portera les cinq gallons de capitaine de vaisseau. C’est un chef qui demande beaucoup à ses hommes, mais sait reconnaître leurs mérites et leur accorder du repos quand ils en ont besoin. »

Crédits photos

© Collection Jean JARRY │ Collection Henri THÉBAULT │ Colletion Henri-Germain DELAUZE