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Daniel Reyss © Baptiste Almodovar, La Cité de la Mer
© Baptiste ALMODOVAR, La Cité de la Mer

Daniel REYSS, biologiste

Spécialiste des écosystèmes profonds, il dirige de nombreuses campagnes en mer mettant en œuvre Cyana et Nautile. Conseiller scientifique de La Cité de la Mer, il est l’auteur d’ouvrages de vulgarisation sur l’Océan profond.

Daniel REYSS est né le 19 juin 1935 à Dakar (Sénégal).

Une rencontre déterminante

Adolescent, Daniel REYSS est ami avec le fils de Théodore MONOD. Ce dernier est à la fois botaniste, zoologiste, géologue, archéologue et géographe mais il se passionne également pour l’océanographie.

À l’âge de 14 ans, Théodore MONOD l’invite à découvrir un curieux engin dans le port de Dakar (Sénégal) : c’est le bathyscaphe FNRS II qui est encore dans les cales de son navire support, le Scaldis.

« Théodore Monod m’a montré le FNRS II en me disant « Voilà ce qu’il faut que tu fasses plus tard ». C’est lui qui m’a dit de faire ce travail-là. »

Son inventeur Auguste PICCARD est présent, ainsi que le Commandant Jacques-Yves COUSTEAU. C’est le premier contact avec un monde qui deviendra bientôt le sien et qui est à l’origine de sa vocation.

Les premières plongées

Il débute sa carrière, en 1960, à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il est tout d’abord assistant puis maître assistant et enfin maître de conférence en biologie marine.

Préparant une thèse sur la faune d’un canyon sous-marin proche de Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), il effectue une première plongée avec la soucoupe SP350, qui vient d’être lancée.

Pilotée par Albert FALCO, chef plongeur de la Calypso, la SP350 peut plonger jusqu’à 350 mètres de profondeur (d’où son nom SP, signifiant Soucoupe Plongeante).

« J’ai pu faire 19 plongées venant compléter un travail en surface, classique mais dense, de plus de 100 prélèvements, dragages ou chalutages et 120 carottages de sédiment […] grâce à la soucoupe plongeante SP350 de Cousteau et son équipe. »

En 1963, de retour à la vie civile après 18 mois passés dans la Marine nationale comme second sur un patrouilleur côtier, il obtient son doctorat en océanographie biologique. Il débute alors un travail de recherche étendu à l’ensemble des canyons sous-marins de la mer Catalane (située dans la Méditerranée des côtes de la Catalogne jusqu’aux îles Baléares).

Pour la première fois, Daniel REYSS initie une nouvelle méthode de travail : il plonge une quinzaine de fois avec la SP350 et peut en direct observer, photographier et effectuer des prélèvements dans les canyons, tout en s’appuyant sur les techniques classiques employées jusqu’alors (dragages, chalutages et carottages).

En février 1966, Daniel REYSS se joint à une campagne biologique pluridisciplinaire qui a lieu au large de Madère (Portugal).

Des biologistes de différentes nationalités (le danois Torben WOLFF, l’allemand Günther MAUL ou le portugais Luiz SALDANHA) se retrouvent et plongent à bord du bathyscaphe Archimède, entre 1 500 et 5 000 mètres, pour recenser la faune du relief sous-marin.

Durant ces années, Daniel REYSS fait la description de nouvelles espèces abyssales récoltées par des scientifiques français ou internationaux (Institut océanographique américain Woods Hole…).

En février 1967, il étudie ainsi une collection de Cumacés provenant d’une campagne du navire océanographique américain Atlantis II dans l’océan Atlantique entre Dakar (Sénégal) et Recife (Brésil). Les Cumacés sont des petits crustacés vivant enfouis au fond des mers à toutes les profondeurs. Ils ont l’avant du corps renflé et un abdomen long, grêle et mobile.

De campagnes en campagnes

En 1969, il embarque à bord du navire océanographique Jean Charcot, lors de la campagne NORATLANTE, qui a pour but de mieux connaître la structure du sol dans l’Atlantique Nord, en particulier au niveau de la dorsale médio-Atlantique.

Après avoir soutenu une thèse de doctorat es-sciences sur les faunes profondes de Méditerranée, il entre en 1970 au Centre National pour l’Exploitation des Océans (CNEXO) de Brest pour diriger le nouveau programme français de recherche sur l’écologie abyssale.

Du 16 juin au 19 juillet 1971, Daniel REYSS est chef de mission de la campagne WALDA qui se déroule dans le golfe de Guinée.

L’objectif de cette campagne est de reconstituer l’histoire géologique du socle africain depuis la séparation entre les 2 continents de l’Afrique et de l’Amérique du Sud jusqu’à nos jours. Une étude biologique est menée en parallèle et s’intéresse à la répartition des faunes abyssales et bathyales de part et d’autre de la dorsale Walvis.

Du 23 avril au 13 mai 1972, Daniel REYSS fait partie de l’équipe de la campagne Polymède II. Les biologistes étudient la faune abyssale vivant sur la dorsale méditerranéenne, dans les mers Ionienne et Egée.

Entre août 1972 et octobre 1981, le CNEXO lance le programme BIOGAS. Plusieurs campagnes biologiques portant sur la description des peuplements abyssaux dans le golfe de Gascogne sont réalisées.

Daniel REYSS, chef du programme, participe aux 4 premières campagnes (entre août 1972 et février 1974). Il est le chef de mission lors de la seconde campagne qui a lieu du 17 au 22 avril 1973. Grâce à l’observation des micro-organismes et des bactéries, les biologistes du CNEXO sont à même de dresser l’inventaire de la faune évoluant dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne.

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La soucoupe plongeante SP350
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Archimède en immersion au large de Madère en 1966
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Parc de la Villette, Paris

En 1973, il devient chef du département biologie, pêche et aquaculture du CNEXO à Paris, tout en continuant à participer aux campagnes en mer.

De 1978 à 1981, soucieux de partager ses connaissances, il devient directeur du Département liaisons extérieures au Musée des Sciences de La Villette (Paris).

Entre 1981 et 1983, il est promu directeur scientifique adjoint du CNEXO à Paris.

Premier plongeur français sur les sources hydrothermales

Du 2 au 21 mars 1982, Daniel REYSS participe à BIOCYATHERM, première campagne de recherche biologique française sur les sources hydrothermales. Découvertes en février 1977, les sources hydrothermales sont alors encore méconnues, seuls quelques biologistes américains ont eu la chance de les observer.

La mission, qui met en œuvre Cyana, a pour objectif d’étudier la faune qui vit au niveau des sources d’eau chaudes profondes situées sur la dorsale du Pacifique Est.

L’expédition est dirigée par Daniel DESBRUYÈRES, responsable de la jeune équipe d’écologie profonde du CNEXO.

Le 12 mars 1982, Daniel REYSS réalise sa plongée record, à 2 600 mètres de profondeur à bord du Cyana.

« J’ai eu la chance d’être le premier biologiste français à plonger sur les sources hydrothermales […]. Pour le biologiste que j’étais, qui découvre ce monde extraordinaire qu’on ne soupçonnait même pas deux ans auparavant, je crois que cela a été ma plus belle expérience et la plus belle émotion que j’ai jamais vécue en plongée. »

© Ifremer
Faune des sources hydrothermales du Pacifique © Ifremer

Un rôle majeur dans la découverte des fonds marins

En 1984, le CNEXO fusionne avec l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes, créant ainsi l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer).

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Le Nautile, sous-marin scientifique d’observation et d’intervention d’Ifremer

Daniel REYSS est alors en charge des programmes de biologie marine de l’Ifremer et dirige de nombreuses campagnes en mer, mettant en œuvre les sous-marins Cyana et Nautile.

Entre 1984 et 1985, il est nommé chef de la « Mission mer », du ministère des DOM-TOM (Départements et Territoires d’Outre-Mer).

De 1986 à 1990, Daniel REYSS est adjoint du directeur des recherches océaniques de l’Ifremer, en charge de la biologie abyssale et de la télédétection.

Il poursuit parallèlement ses missions auprès du Ministère des DOM-TOM en devenant secrétaire exécutif de la commission chargée de la coordination et du financement de la recherche en sciences de la vie et de la terre dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer.

« J’ai eu la chance d’être, parfois, le premier scientifique à profiter de ce que la technique et ses concepteurs nous apportaient. J’ai eu aussi la chance d’être, tout au long de ma vie, à des postes qui m’ont permis, même parfois loin du terrain, de jouer un rôle dans la découverte qui s’ouvrait à nous et de faciliter la suite pour nos successeurs. »

Daniel REYSS : un médiateur de la culture scientifique

Il participe en 1988 avec le Nautile, à la réalisation, pour la Géode, du film « The Deepest Garden » qui invite, entre autres, le spectateur à plonger à bord du Nautile sur les sources hydrothermales.

En 1991, Daniel REYSS occupe le poste de directeur adjoint du Palais de la Découverte durant un an. Au travers de cette fonction, il contribue au rayonnement de la culture scientifique et technique auprès d’un large public.

Responsable, de 1993 à 1999, des publications et des éditions de l’Ifremer, il est rédacteur en chef des revues « Recherches Marines » et « La vie des Sciences » de l’Académie des sciences.

Enfin, il est l’auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation sur les grands fonds, notamment « Dans la nuit des abysses » (Éd. Gallimard jeunesse) et « La découverte des abysses » (Éd. Pocket).

Daniel REYSS diffuse également ses connaissances auprès des jeunes générations grâce à la réalisation d’un CD-Rom en collaboration avec le Muséum National d’Histoire Naturelle. Il est aussi conseiller scientifique dans le cadre de la parution de l’encyclopédie : « Mer : découvrir, observer, s’amuser » (Éd. Fleurus).

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Daniel REYSS devant le Cyana, dans la Grande Galerie des Engins et des Hommes à La Cité de la Mer

À la retraite depuis 2000, il reste néanmoins très impliqué dans la diffusion des savoirs sur l’océan profond, notamment en tant que conseiller scientifique de La Cité de la Mer.

Ainsi, selon Bernard Cauvin, PDG de La Cité de la Mer, Daniel REYSS « a été, avec Henri-Germain DELAUZE et Pierre WILLM, l’un des pionniers de la création puis de la maturation de La Cité de La Mer, car dès 1993/1994 il (a accompagné) l’émergence du premier partenariat de Cherbourg avec l’Ifremer ».

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Daniel REYSS en compagnie d’un des pilotes du Remora 2000

En 2010, il est invité par l’Agence des aires marines protégées à plonger à bord du sous-marin Remora 2000 de la Comex, dans le cadre d’une campagne d’exploration des canyons sous-marins.

Récompensé pour son action envers la communauté scientifique Daniel REYSS est Chevalier des Palmes Académiques. Il est également Officier de l’Ordre National du Mérite.

Invité régulièrement à La Cité de la Mer, il partage sa passion de l’Océan profond lors de soirées grand public comme en 2011 à l’occasion de la soirée « L’ aventure française ».

En 2017, il est mis à l’honneur par l’Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer au travers de l’exposition « Les 3D : Découvrir, Décrypter, Diffuser » présentée au Biodiversarium.

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Le « Wall of Fame » à La Cité de la Mer

Depuis 2017, Daniel REYSS a rejoint, aux côtés de Pierre WILLM ou Anatoly SAGALEVICH, le « Wall of Fame » des Explorateurs des Abysses visible dans la Nef d’Accueil de La Cité de la Mer.

« Ma carrière n’a rien eu d’exceptionnelle […], j’ai simplement eu la chance d’être là où il fallait être, au bon moment, et de pouvoir jouer un rôle pionnier dans les tout débuts de l’approche de ce monde qui nous est toujours si cher, si primordial. »

En 2019, il contribue activement au catalogue de l’exposition itinérante « Plongée au cœur des canyons, une immersion profonde en Méditerranée » coproduit par le Parc national des Calanques et l’Office français de la biodiversité.

Daniel REYSS disparaît le 27 avril 2021, à l’âge de 85 ans.

« Si je devais, un jour que j’espère lointain, disparaître, ces quelques mots en épitaphe : toute ma vie, devant l’Océan, j’ai cherché, un peu, et rêvé, beaucoup. Et s’il ne me restait que quelques heures à vivre, je chercherais encore à voir le rayon vert. »

Crédits photos

© Collection Henri-Germain DELAUZE │ Collection Daniel REYSS │ Ifremer │ Office of the Oceanographer of the Navy │ La Cité de la Mer, Sylvain GUICHARD, Baptiste ALMODOVAR │ Ifremer │ Guilhem Vellut, Rio Samba School statue @ Parc de La Villette @ Paris (CC BY 2.0)