La pollution aussi dans les fosses océaniques les plus profondes

23/06/2016
Des amphipodes (petits crustacés à l'allure de crevette ) vivant dans les fosses océaniques © OceanLab/Université d'Aberdeen/AP

Des chercheurs ont démontré que des crustacés vivant dans la fosse des Mariannes et la fosse des Kermadec (entre 7 000 et 10 000 mètres de profondeur) contiennent des concentrations plus élevées de produits chimiques que des animaux vivant sur le littoral.

Les prélèvements ont été réalisés dans la fosse des Mariannes, la plus profonde au monde avec ses 10 920 mètres, et la fosse des Kermadec, 4e dans le classement avec ses 10 047 m.

Nous pensons souvent que les fosses océaniques restent lointaines et préservées de l’action des hommes. Mais ce n’est pas le cas… explique Alan Jamieson, chercheur à l’Université d’Aberdeen.

Les amphipodes – des crustacés à l’allure de crevettes – prélevées dans la fosse des Mariannes et dans la fosse des Kermadec, contenaient ainsi :  

  • des BPC (biphényles polychlorés ou polychlorobiphényles) qui sont utilisés pour fabriquer des plastiques ou comme agents « anti-fouling » pour empêcher les salissures (berniques, algues,…) d’adhérer aux coques des navires. Les PCB sont interdits en France depuis 1987, entre autres pour leur risque cancérigène.
  • des PBDE (polybromodiphényléthers) qui sont utilisés pour ignifuger des matières plastiques et des textiles. Ils ont aussi été employés à haute dose dans les années 1970 et 1980 pour l’extraction pétrolière. Les PBDE sont suspectés de perturber le système hormonal et d’interférer avec le système neuronal.

Dans la fosse des Mariannes, les crustacés contiennent 15 fois plus de BPC que dans la fosse des Kermadec.

C’est encore plus élevé que dans les estuaires de deux des fleuves les plus pollués – les rivières Pearl et Liao – en Chine explique Alan Jamieson.

En revanche, la fosse des Kermadec contient 5 fois plus de PBDE que dans la fosse des Mariannes.

Une concentration plus élevée que sur les côtes de l’île du Nord en Nouvelle-Zélande souligne les scientifiques.

Douglas Bartlett, microbiologiste à l’Institut océanographique américain Scripps (San Diego, Californie) affirme : Cette découverte est spectaculaire, cela démontre que les fosses océaniques ne sont pas si éloignées de nous et que tout est connecté.

Le message à retenir est que lorsque nous vidons nos ordures dans l’océan, ils finissent par s’accumuler dans les fosses les plus profondes car ils n’ont nulle part où aller déclare Alan Jamieson.

Pour les chercheurs, ces niveaux de polluants très élevés sont préoccupants car les fosses océaniques profondes sont des gisements naturels encore inexploités – une source potentiel d’organismes qui pourrait être utile pour des applications commerciales, y compris la découverte de médicaments.

Les scientifiques pensent que ces fosses pourraient également être un important puits de carbone : les bactéries vivant dans les profondeurs consomment le dioxyde de carbone atmosphérique, contribuant à atténuer le changement climatique.

« Si l’activité microbienne est affectée par toute cette pollution, je me demande ce qu’il adviendra du cycle du carbone en général conclue Douglas Bartlett.