Les chercheurs espagnols séquencent actuellement le génome de milliers de micro-organismes prélevés dans les profondeurs des océans du globe. Planctons, bactéries, algues, virus : l’océan profond recèle de nombreuses espèces encore inconnues. L’étude devrait permettre de mettre au jour des dizaines de millions de nouveaux gènes. Les premiers résultats font aussi état d’organismes aux propriétés spectaculaires qui pourraient être utilisées dans les domaines de la bioénergie, de l’alimentation ou encore des cosmétiques.
Les capacités pour séquencer le génome des espèces vivantes ont été décuplées ces dernières années. Les moyens en instruments analysant l’ADN et en ordinateurs permettant d’analyser ces données et de les stocker ont été fortement développés, notamment en Catalogne. C’est grâce à ces dispositifs nouveaux que les chercheurs espagnols ont pu se lancer dans un projet de grande ampleur du séquençage du génome de milliers de micro-organismes marins.
Les échantillons ont été prélevés au cours d’une mission nommée Malaspina 2010 qui a parcouru les océans Atlantiques, Indien et Pacifique, afin de recueillir des données sur l’impact du changement climatique sur les océans et étudier leur biodiversité. Nommée ainsi en référence à l’expédition scientifique conduite à la fin du 18e siècle par le navigateur Malaspina, et financée par le ministère espagnol en charge de la science ainsi que par la marine nationale, qui a fourni le navire Hesperides, ou encore la fondation BBVA, le projet piloté par le Centro de Investigaciones Cientificas (CSIC) a impliqué plus de 250 chercheurs issus de 19 établissements espagnols et 16 institutions étrangères, dont les agences spatiales européennes et américaines (ESA et NASA). Les chercheurs disposent ainsi aujourd’hui d’environ 2 000 échantillons d’eau de mer issus de l’océan profond (entre 200 et 4 000 mètres de profondeur). Les organismes vivants dans ces zones sont en grande partie inconnus, les travaux s’étant concentrés jusqu’à présent sur la partie superficielle des océans.
Ce projet de grande ampleur nommé Malaspinomics, a déjà permis de démontrer que 60% des espèces vivantes analysées étaient jusqu’alors inconnues. Parmi celles-ci, certaines présentent des propriétés spectaculaires. Des bactéries sont capables de dégrader des composés hautement toxiques produits par les activités humaines qui se sont accumulés dans les fonds océaniques. D’autres utilisent les produits de cette dégradation comme source de carbone et d’énergie. Une chaîne alimentaire complète basée sur ces produits s’est donc mise en place. Les chercheurs parlent ainsi de « plantes de recyclage », qui peuvent aussi constituer des indicateurs de pollution marine.
Le potentiel biotechnologique de ces découvertes apparaît énorme. Les nouvelles espèces identifiées ou les gènes séquencés pourraient être autant de sources d’inspiration pour bon nombre d’applications dans le domaine de la production d’énergie à partir d’organismes vivants – la bioénergie – ou encore dans le domaine de l’alimentation ou de la cosmétique.
Ce projet est porté à la fois par l’Institut des Sciences de la Mer du CSIC, le Centre d’Analyse Génomique de Barcelone, le Centre National de Supercalcul de Barcelone et l’Institut Espagnol d’Océanographie. 16 universités sont parties prenantes. Le projet a mobilisé près de 6 millions d’euros depuis son lancement.
BE Espagne numéro 128 (12/07/2013) – Ambassade de France en Espagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/73567.htm