La mer, source de médicaments

02/04/2009

Pour la première fois, des scientifiques norvégiens ont réussi à produire de nouveaux médicaments à partir de bactéries prélevées dans la mer.
Les onze espèces de bactéries qui libèrent des substances capables de tuer les cellules cancéreuses, et trois autres bactéries qui produisent de nouveaux antibiotiques ont été découvertes par des chercheurs de SINTEF et l’Université Norvégienne pour les Sciences et la Technologie (NTNU), à Trondheim en Norvège. En collaboration avec des groupes de recherche basés à Moscou et à l’Université de Bergen (groupe du Prof. Stein Ove Døskeland), ils ont réalisés des progrès importants dans le domaine de la biotechnologie.

Jamais les scientifiques norvégiens n’avaient encore effectué l’ensemble du processus, de la collecte des bactéries dans les fjords à l’obtention de nouvelles substances en bouteille. Derrière leur succès se cache un long et laborieux processus de sélection, de culture, d’isolement et de tests. Toutefois, il faudra encore un certain temps avant de pouvoir être sûr que le processus se poursuivra jusqu’aux phases de production et de commercialisation des médicaments.

Les chercheurs de SINTEF et NTNU ont « bioprospecté » la mer pendant cinq ou six ans à la recherche de substances intéressantes, produites par des bactéries marines. La vaste gamme d’expertise de ce groupe de recherche le rend unique puisqu’il réunit des compétences en physiologie et en génétique, et a accès à des laboratoires modernes de sélection et de fermentation.

Beaucoup de bactéries ont été prélevées dans le fjord de Trondheim. Elles ont des fonctions antibiotiques, mais la plupart d’entre elles sont déjà connues et donc sans intérêt. Les nouveaux composés qui peuvent être brevetés sont les plus intéressants. « Les substances ayant une nouvelle structure chimique et, nous l’espérons, un mécanisme d’action différent de ce que nous connaissons déjà, pourrait être extrêmement utile, par exemple dans la lutte contre le cancer. C’est pourquoi nous avons besoin de plus de structures candidates. Toutes ne peuvent pas donner de nouveaux médicaments, mais si nous réussissons avec une ou deux d’entre elles, nous serons très heureux », explique le Professeur Sergey Zotchev de NTNU. Une recherche récente sur quelques bactéries sélectionnées a conduit à des résultats passionnants.
A Bergen et Moscou, les 11 substances anti-cancer ont été testées contre des leucémies et des cancers de l’estomac, du colon et de la prostate. « Nous avons constaté la mort des cellules cancéreuses, tandis que les cellules normales survivent et que les extraits individuels agissent sur différents types de cellules cancéreuses », explique Håvard Sletta, chercheur senior chez SINTEF. « Toutefois, nous n’avons pas encore identifié les substances actives dans les composés produits par ces bactéries ».

Des expériences de laboratoire minutieuses ont permis aux scientifiques de déterminer la structure chimique de l’une des trois substances qui peuvent être utilisées comme antibiotiques et dont ils savent désormais qu’elles agissent contre les bactéries multirésistantes. Vers la fin du mois de mars 2009, cette substance devrait être testée sur des animaux à Moscou. Si les résultats s’avèrent positifs, ils pourront faire une demande de brevet. « S’il s’avère que cette substance ne fonctionne pas chez les animaux, le pire qui puisse arriver serait que nos travaux soient mis en attente. Tout ce qu’il faut pour que nous poursuivions nos recherches est une modification chimique de la molécule, mais cela exige beaucoup de travail et nous pourrions alors être arrêtés faute de financement », précise Sergey Zotchev. « Nous devons nous rappeler que les bactéries prélevées dans la mer produisent des antibiotiques afin de lutter contre leurs propres concurrents, plutôt que d’agir contre les infections dans le corps humain ».

Source : BE Norvège numéro 86 (20/03/2009) – Ambassade de France en Norvège / ADIT –
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/58286.htm