La faisabilité du barrage marémoteur sur la Severn

18/06/2008

Il y a près d’un siècle que l’utilisation de l’énergie marémotrice est envisagée dans l’estuaire de la Severn au niveau de Bristol (Angleterre) et Cardiff (Pays de Galles) où les amplitudes des marées comptent parmi les plus fortes du monde avec 14 mètres d’amplitude maximale. La taille de l’ouvrage nécessaire, long de 15 à 20 km, son coût estimé à 23 milliards de livres (soit environ 29 milliards d’euros), prohibitif pour un investisseur privé, et l’impact écologique de l’ouvrage ou ses effets sur la circulation maritime ont toujours fait renoncer à sa réalisation. La flambée des prix pétroliers, la tendance à l’utilisation de sources d’énergie non fossiles, voire une possible montée du niveau de la mer qui inonderait partiellement la ville de Cardiff, ont amené le gouvernement britannique à reconsidérer le projet.
L’étude de faisabilité en cours doit aboutir en 2009 à une décision d’étude approfondie, suivie d’un premier choix entre les différentes options techniques offertes. Cette étude plus approfondie comportera des volets sur l’impact environnemental, l’intégration dans le réseau électrique, les coûts et le montage financiers, l’impact régional économique et social, la planification, et la communication sur le projet.
Un séminaire, organisé par la Royal Academy of Engineering à Londres le 22 mai 2008, a permis de faire un premier point sur la question. D’abord, la solution fournissant le plus de puissance (7 GW, soit environ 5% de la production britannique d’électricité) serait bien le barrage transversal de l’estuaire, utilisé dans les deux sens, à marées montante et descendante. Un réservoir ne produisant de l’électricité qu’à marée basse serait sensiblement moins puissant (2,5 GW) pour un investissement à peine moins élevé, de même qu’un ensemble d’une centaine de lagons situés sur l’estuaire. Par contre, la comparaison est difficilement possible avec un parc d’hydroliennes sous-marines.
Les premières études d’impact, réalisées par l’équipe du Prof. Roger Falconer de l’université de Cardiff laissent prévoir une baisse de la turbidité et de la charge microbienne des eaux de l’estuaire, et un impact quasi-nul sur des inondations potentielles consécutives à de fortes pluies. Peu d’effets sont envisagés sur la faune aviaire, quant à ceux sur les équilibres entre espèces et les quantités de poissons présents, ils n’ont pu être précisément établis.
Les fortes incertitudes du projet sont de deux ordres : financière tout d’abord, avec les prix de l’électricité, et le prix des permis de CO2. L’expérience d’Eurotunnel a laissé un souvenir mitigé s’agissant du partenariat public-privé ou du financement privé intégral de grands projets. L’engagement public semble inévitable sur un projet de cette envergure ; technique ensuite, avec le couplage au réseau électrique d’une grosse source fatalement périodique, dont les pics de production ne coïncident pas forcément avec les besoins de la consommation. Mais aussi, la fabrication et l’assemblage des énormes caissons nécessaires à fermer la Severn et la production des turbines pourraient sursaturer les capacités industrielles britanniques, qui auront à faire face vers le même moment (2012-2020) aux besoins de l’industrie nucléaire.

Source : BE Royaume-Uni numéro 87 (17/06/2008) – Ambassade de France au Royaume-Uni / ADIT –
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/55061.htm