La coquille Saint-Jacques comme capteur biologique en Antarctique

01/02/2008

Si pour beaucoup les coquilles Saint-Jacques évoquent d’exquis souvenirs culinaires, pour les biologistes marins, ces bivalves représentent un outil essentiel dans leur recherche. En effet, non seulement elles fabriquent des marques journalières lorsqu’elles grandissent mais elles archivent également des informations chimiques, isotopiques et structurelles au sein du véritable « calendrier » que constituent leurs valves. Aussi les coquilles Saint-Jacques européennes sont-elles un modèle biologique idéal pour tous ceux qui souhaitent étudier les réponses de la faune benthique, autrement dit l’ensemble des organismes vivant au fond de la mer, aux fluctuations de l’environnement côtier, du Maroc à la Norvège.
Pour autant, partout ou la famille des pétoncles se développe, c’est-à-dire de la façade atlantique aux côtes chiliennes, il est intéressant pour les biologistes marins de s’appuyer sur ce modèle afin d’étudier des écosystèmes aux spécificités « originales » comme celui de la pointe géologique de la terre Adélie.
« C’est ainsi que ces idées, développées à Brest, ont été exportées en Antarctique », rappelle Laurent Chauvaud, chargé de recherche CNRS au sein du Laboratoire des sciences de l’environnement marin, le LEMAR, et plongeur professionnel. Elles l’ont été à travers MACARBI (Monitoring environnemental en Antarctique basé sur l’étude des structures carbonatées de bivalves), un programme soutenu par l’IPEV (Institut Paul Emile Victor) et placé sous la responsabilité de Yves-Marie Paulet, directeur-adjoint du LEMAR. Portant sur l’étude du bivalve Adamussium colbecki, MACARBI a pour objectif de parvenir à établir des enregistrements de l’environnement antarctique. C’est en Terre Adélie, à la station antarctique française Dumont d’Urville, que sont effectués les prélèvements et les analyses nécessaires.
La première campagne de ce programme s’est déroulée durant l’été austral 2005-2006. « A cette occasion, nous avons surtout développés des outils et des méthodes de mesure in situ dans un environnement polaire, en effectuant notamment des plongée sous-marines. Mais nous avons alors travaillé essentiellement sur la fonction de respiration et ses variations temporelles », précise le chercheur du LEMAR. Pendant la seconde campagne, au cours de l’été austral 2006-2007, deux aspects ont été plus particulièrement étudiés : le processus de calcification et le comportement du bivalve. « Certes nous avons cherché à enrichir les connaissances concernant le milieu de vie de ce coquillage. Mais cette campagne nous a permis également de récupérer des individus marquées l’année précédente », explique-t-il. Disposant ainsi d’une meilleure connaissance de la biologie fonctionnelle de ce petit organisme, les chercheurs ont pu commencer à travailler sur la calibration des signaux isotopiques et microchimiques contenus dans la coquille de ce bivalve.

La troisième campagne qui se déroule actuellement, et au cours de laquelle est programmée une centaine de plongées, vise d’une part à poursuivre les mesures physiologiques (croissance, respiration, alimentation) sur le pétoncle polaire, d’autre part, à décrire le réseau trophique par analyses isotopiques et à estimer l’importance des microalgues benthiques au sein de ce réseau trophique. « A terme, nous espérons pouvoir associer les données collectées sur les bivalves aux signaux climatiques et anthropiques de l’environnement » précise Laurent Chauvaud.

Source : BE France numéro 204 (15/01/2008) – ADIT / ADIT –
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/52550.htm