Fertilisation de l’océan Antarctique : les premiers résultats mitigés de l’étude LOHAFEX

02/04/2009

La capacité de l’océan Antarctique à absorber du dioxyde de carbone serait plus limitée qu’on ne le pensait auparavant. C’est ce que laissent penser les premiers résultats de l’étude germano-indienne LOHAFEX. Les scientifiques de l’expédition ont observé pendant 39 jours les effets de la fertilisation en fer sur l’écosystème de l’océan Antarctique, le but étant d’étudier si l’expérience conduirait à une augmentation de la biomasse et donc à l’absorption, par photosynthèse, du dioxyde de carbone atmosphérique par l’océan.

L’équipe internationale a déversé, dans une zone proche des côtes argentines, 6 tonnes de sulfate de fer dissous sur une surface de 300 km2. Le secteur choisi pour l’étude se situe sur une colonne d’eau tournante d’environ 10 000 km2.
Durant les deux premières semaines de l’expérience, l’apport de fer a, comme les biologistes le supposaient, stimulé la croissance des phytoplanctons dont le nombre a doublé. Mais ce phénomène n’a pas continué. La consommation des phytoplanctons par de petits zooplanctons herbivores de type crustacés (copépodes) a ensuite augmenté, ce qui a eu pour effet de stopper leur croissance. Ainsi, seule une quantité très limitée de carbone a pu être absorbée et stockée au fond de l’océan.

Ce résultat va à l’encontre des premières hypothèses des scientifiques. En effet, dans les expériences précédemment conduites dans le domaine, il avait été montré qu’il était possible de stocker de grandes quantités de carbone au fond des mers. Les chercheurs avaient alors remarqué que la fertilisation en fer entraînait le développement d’un type d’algue, les diatomées. Grâce à une carapace en silice, cette espèce de phytoplancton parvenait à se protéger de la voracité des copépodes. Après leur mort, les micro-algues (et avec elles le carbone absorbé par le processus de photosynthèse) se déposaient au fond de l’océan. Le Dr. Wajih Naqvi de l’Institut indien d’océanographie (NIO) et ses collègues de la mission LOHAFEX supposent que le manque d’acide silicique dans la zone d’étude est à l’origine des résultats observés. En effet, les diatomées utilisant l’acide silicilique pour fabriquer leur carapace, elles n’ont pas pu se développer de manière correcte.

Autre résultat intéressant : « les amphipodes, une espèce de crustacés friande de zooplanctons, ont convergé vers le site de l’expérience », commente le Prof. Victor Smetacek de l’Institut allemand Alfred Wegener de recherche polaire et marine (AWI). Ces crustacés, d’une taille de deux à trois centimètres de long, constitue une grande partie de l’alimentation des calmars et des rorquals et assure donc un rôle essentiel dans l’écosystème de cette région du monde. Pourtant, la communauté scientifique ne dispose jusqu’à présent que de peu d’informations sur cette espèce.

Les scientifiques ont réalisé une deuxième tentative de fertilisation en fer (trois semaines après le début de l’expérience). Celle-ci n’a eu aucun effet sur la croissance du phytoplancton, la zone étant déjà saturée en fer.

Depuis sa conception, l’expérience LOHAFEX doit faire face à de nombreuses critiques de la part de certains groupes environnementaux. Ses détracteurs, pour qui cette étude va à l’encontre du droit international relatif à la protection des océans, ont tenté jusqu’au bout de bloquer le projet. Suite à une série d’expertises allemandes et internationales, l’étude a toutefois obtenu fin janvier 2009 l’autorisation de déverser dans les eaux internationales 6 tonnes de sulfate de fer dissous afin de fertiliser une zone de l’océan Antarctique. Depuis la présentation des premiers résultats le 23 mars à Berlin et la constatation des scientifiques que le procédé n’a eu, à ce jour, aucune influence bénéfique sur l’absorption de dioxyde de carbone atmosphérique, la polémique se poursuit autour du projet LOHAFEX.

Il est à noter que de nombreux échantillons et données restent à exploiter et analyser. Les conclusions définitives de l’expérience ne seront pas connues avant la fin de l’année 2009.

Source : BE Allemagne numéro 430 (1/04/2009) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT –
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/58500.htm