Une équipe de chercheurs français, anglais, allemands, canadiens et nord-étatsuniens révèle pour la première fois que les sources chaudes sous-marines stimulent la présence et la concentration du plancton végétal dans l’océan Austral.
On appelle ce phénomène de concentration de plancton végétal (phytoplancton) : efflorescence algale ou bloom phytoplanctonique.
Ils se traduisent par une augmentation relativement rapide de la concentration d’une (ou de quelques) espèce(s) de phytoplancton en eaux douces ou marines.
Cela se manifeste généralement par une coloration de l’eau (rouge, brun-jaune ou vert).
Ces blooms de plancton végétal sont essentiels à la vie marine et humaine : le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire, va en effet favoriser le développement des mollusques, de poissons et de mammifères marins.
Le plancton végétal absorbe également le dioxyde de carbone et produit plus de 50 % de l’oxygène de l’air que nous respirons.
Jusqu’à ce jour, les scientifiques pensaient que les blooms de phytoplancton dans l’océan Austral était uniquement liée au fer issues des régions côtières et de la banquise.
Une nouvelle étude menée par des chercheurs français, anglais, allemands, canadiens et nord-étatsuniens démontrent que les sources chaudes sous-marines jouent également un rôle dans leurs apparitions !
En effet, pour se développer, le plancton végétal a besoin de fer.
L’équipe de scientifiques a donc été bien étonnée de découvrir 2 efflorescences massives de phytoplancton au niveau du courant circumpolaire antarctique dans l’océan Austral : une zone qui présente habituellement des carences en fer…
Ces concentrations en plancton végétal se sont produites en décembre 2014 et 2015 en aval d’un arc de sources chaudes sous-marines actives situé au niveau de la dorsale océanique – gigantesque chaîne de montagnes sous-marines – sud-ouest indienne.
Le chercheur français Mathieu Ardyna (Sorbonne Université & CNRS, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer) et auteur principal de l’étude, explique :
« Notre étude montre que le fer provenant des cheminées hydrothermales peut s’élever, parcourir des centaines de kilomètres en haute mer (ndlr : ici près de 1 200 km !) et permettre au phytoplancton de prospérer dans des endroits très inattendus. »
Les sources hydrothermales profondes dégagent, en effet, de nombreux éléments métalliques dont du fer qui par, le jeu des remontées d’eaux profondes, arrivent à la surface alimentant ainsi le phytoplancton.
Le chercheur français Mathieu Ardyna ajoute :
« On sait depuis longtemps que les sources hydrothermales profondes créent des oasis de vie uniques.
Jusqu’à récemment, les scientifiques pensaient que ces effets nourrissants demeuraient assez locaux.
Mais de plus en plus de preuves provenant de simulations informatiques laissent entendre que le fer et d’autres éléments vitaux rejetés par les sources hydrothermales peuvent en fait alimenter les efflorescences planctoniques dans des zones beaucoup plus vastes. »
Ces efflorescences particulières pourraient être plus fréquentes qu’on ne le pense dans l’océan Austral (ainsi que dans l’océan mondial), en raison du nombre élevé des sources hydrothermales.
Pour parvenir à ces conclusion, les chercheurs ont combiné des données issues :
- des satellites de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du Centre National d’Études Spatiales (CNES) ;
- de 132 flotteurs BGC-Argo équipés de différents capteurs de mesure ;
- d’expéditions scientifiques menées sur les navires de recherche allemand Polarstern (23-31 mars 1996) et français Marion Dufresne (28 février au 25 mars 1996) ;
- d’observations hydrographiques relevées entre 1906 et 2016 émanant de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) ;
- des flotteurs Argo (sur la période 2002-2016) qui mesurent la salinité et la température entre 0 et 2 000 m de profondeur.
Cette étude (en anglais) est parue le 5 juin 2019 dans la revue Nature Communication.
Les laboratoires français impliqués dans cette étude sont le Laboratoire d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (LOV/OOV, Sorbonne Universités / CNRS), le Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN/IPSL, Sorbonne Université / CNRS / MNHN / IRD), le laboratoire TAKUVIK (Université Laval / CNRS), le Laboratoire d’océanographie microbienne (LOMIC/OOB, Sorbonne Universités / CNRS) et le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, Université Paul Sabatier / CNRS / CNES / IRD).