« Il nous faut prélever des échantillons du sous-sol océanique à quelques kilomètres de profondeur pour démontrer l’appartenance du plateau continental arctique au territoire de la Russie », a déclaré le géophysicien Léopold Lobkovski, membre correspondant de l’Académie des sciences russe et directeur du Laboratoire de sismologie et de géodynamique de l’Institut d’océanologie de l’ASR. Le chercheur russe a cité l’exemple de la dorsale Lomonossov, bien connu désormais. C’est une chaîne linéaire, qui relie le plateau continental de la Russie et du Danemark – c’est la raison pour laquelle les Danois affirment tout autant que les Russes que cette chaîne leur revient.
Mais, objecte Léopold Lobkovski, tous les experts sérieux s’accordent à dire que la dorsale Lomonossov est une prolongation du plateau continental russe. La seule question qui pourrait se poser serait de savoir quelle en est la nature : s’agit-il d’une chaîne continentale ou d’une chaîne océanique ? L’Islande, par exemple, est une île purement océanique, basaltique. Les îles Hawaï, aussi, sont d’origine purement océanique. Il existe de nombreux exemples du même type dans l’océan mondial.
Il est évident que la dorsale Lomonossov est d’origine continentale, poursuit Léopold Lobkovski. Pour les spécialistes de la tectonique des plaques, cette question est réglée, et ils n’ont pas besoin de forage profond. Pour ce qui est de l’Arctique orientale et des dorsales Mendeleïev et Alpha, la question se pose. Ces chaînes sont d’une forme plus complexe que la dorsale Lomonossov. Et elles ne sont pas linéaires. Là, la réponse n’est, fondamentalement, pas évidente. Il peut y avoir des structures purement océaniques, qui se seraient formées voilà plus d’une centaine de millions d’années. Pour savoir si la dorsale Mendeleïev a une origine continentale, il faudra forer au moins sur plusieurs kilomètres. On aura alors une preuve indiscutable.
La « Stratégie de développement de la zone arctique » signée par le président russe Dmitri Medvedev stipule que le problème de la juridiction du plateau continental étendu de la Russie doit être résolu d’ici 2014, poursuit Léopold Lobkovski. C’est aussi en 2014 que la demande de la Russie d’élargir son plateau continental doit être examinée. Il est fort probable que la commission internationale nous dise à nouveau qu’elle ne dispose pas de suffisamment de données. Les données géophysiques ne suffiront pas, estime le chercheur: il faudra fournir les résultats de forages profonds. On ne pourra en faire l’économie, conclut-il.
Source : BE Russie numéro 27 (26/01/2010) – Ambassade de France en Russie / ADIT
http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/62015.htm