Gare Maritime Transatlantique de Cherbourg

I. Et Cherbourg devint un port d'escale... │ A. Préambule

A. Préambule

Plan de la rade de Cherbourg et du port militaire vers 1800

En 1661, en accédant au trône, Louis XIV songe à doter la France d’un puissant État naval.

Le port de Brest rayonne sur l’Atlantique tandis que Toulon exerce sa puissance sur la Méditerranée. Mais qu’en est-il de la Manche ? Louis XIV souhaite, en effet, rivaliser avec les grands ports d’Angleterre. En 1665, une commission est créée afin d’étudier le meilleur lieu stratégique mais les diverses études n’aboutissent pas.

En 1678, Jean-Baptiste Colbert, secrétaire d’État à la maison du roi et à la Marine, rédige un mémoire arguant la nécessité de créer un port de guerre sur les côtes normandes, mais son projet demeure sans succès. Puis, en 1686, Sebastien Le Prestre de Vauban, commissaire général des fortifications, inspecte Cherbourg. Dans son mémoire, il propose un projet d’amélioration du vieux port qui finalement restera vain. En 1699, il rédige un second mémoire, apportant ses préconisations quant au renforcement naval de Cherbourg. Il n’est toujours pas question de la construction d’un grand port mais grâce à lui, Cherbourg apparait enfin comme une place maritime forte.

 

En montant sur le trône en 1774, Louis XVI est animé du désir de relever la Marine. Il désigne, en 1776, le colonel Dumouriez pour étudier la création d’un port militaire à Cherbourg. En 1775, le Duc D’Harcourt, gouverneur de la Normandie confie à Monsieur Louis de La Coudre, Vicomte de La Bretonnière : « l’étude des mesures à prendre pour mettre la rade de Cherbourg en état de servir à la Marine militaire en cas de guerre avec l’Angleterre. »

 

Le mémoire rédigé par M. La Bretonnière est remis en 1777 à Monsieur de Sartines, Ministre de la Marine, et au Roi. Il préconise une digue implantée au large, orientée de l’Ile Pelée à Querqueville, montrant ainsi les avantages de Cherbourg par rapport à Saint-Vaast-la-Hougue. Le Roi, séduit, adopte le projet.

 

« On ne peut voir la belle rade qui s’étend devant Cherbourg entre la pointe de Querqueville et l’Ile Pelée, sans désirer d’y voir un port. »
– Le Colonel Dumouriez dans ses notes publiées par Hippeau

 

Toutefois, Louis XVI choisit le procédé d’immersion de cônes en bois remplis de pierres, imaginé par M. Alexandre Louis de Cessart, ingénieur des Ponts et Chaussées, pour constituer la base de la digue plutôt que le système de vieux vaisseaux remplis de pierres, complété par le déversement de pierres perdues, cher à M. La Bretonnière.

 

L’originalité grandiose de cette conception enflamme l’imagination de tous. Le travail consiste à construire des cônes en chêne de 45 mètres à la base, 20 mètres au sommet et 20 mètres de hauteur, de les remplir de pierres, de les remorquer et de les immerger à l’emplacement prévu pour ériger la digue.

Le 1er cône est immergé le 6 juin 1784, les autres suivent de manière régulière si bien que le Roi décide de se rendre lui-même à Cherbourg pour encourager les exécutants de cette grande œuvre. Il fait son entrée dans la ville le 22 juin 1786 dans l’enthousiasme général et dès le lendemain, il embarque dans le canot royal, débarque sur le 8e cône aménagé en tribune pour assister à l’immersion du 9e cône.

 

Malheureusement, le système des cônes ne résiste pas aux tempêtes d’hiver. Les parties émergentes des charpentes sont arasées, laissant échapper les pierres. Vingt cônes en tout furent installés mais ce système fut définitivement abandonné en 1789. Une commission nommée en 1792 par la Convention nationale décide la poursuite des travaux, après leur interruption pendant la Révolution Française, et Napoléon Ier relance les travaux de la digue avant de décréter en 1803 la construction du port militaire.

 

Tous les régimes après l’Empire poursuivront l’œuvre entreprise. En 1858, Napoléon III inaugure la plus grande rade artificielle du monde : superficie de 1 500 hectares protégée par la digue du large de 3 700 mètres de long et de l’avant-port militaire avec ses 2 bassins. Soixante dix années ont été nécessaires pour réaliser cette œuvre gigantesque.