Les plongées profondes des raies résolvent le mystère de leur cerveau

17/07/2014
Diable de mer chilien (Mobula tarapacana) © Dr. Peter Wirtz

Une nouvelle étude montre que certaines raies, comme les diables de mer chilien, plongent à presque deux kilomètres sous la surface de l’océan. Certaines de leurs plongées sont les plus profondes et les plus rapides jamais observées dans la mer.

Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que les diables de mer chilien vivaient exclusivement à proximité de la surface. Mais ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient étaient dotés d’une masse de vaisseaux sanguins, permettant de garder leur cerveau « au chaud ». En effet, la partie avant du crâne du diable de mer chilien est remplie d’un maillage analogue à une éponge constituée de grandes et de petites artères. Ce réseau, appelé rete mirabile, a été identifié il y a 30 ans.

Pourquoi le diable de mer chilien était-il doté de ce réseau. C’était restait un mystère… Nous avons compris, grâce à cette étude, que cela lui permet de conserver une activité cérébrale élevée, même dans un environnement froid a déclaré le Dr Simon Thorrold, chercheur à l’Institut Océanographique Woods Hole et auteur principal de l’article paru dans la revue Nature Communications.

Le Dr Thorrold pense que les diables de mer chilien se nourrissent lors de leurs plongées profondes, leur cerveau actif bien irrigué leur permet de capturer les petits poissons qui abondent dans les couches profondes de l’océan.

Pour arriver à ces conclusions, le Dr Thorrold et ses collègues se sont rendus dans l’archipel des Açores pour y équiper 15 diables de mer chilien (Mobula tarapacana) de balises spéciales, leur permettant d’enregistrer des données telles que la profondeur, la lumière, la température ou la position géographique.

Au bout de 5 mois, les balises se sont détachées et sont remontées à la surface, pour transmettre leurs données aux chercheurs par satellite.

 Ces données ont permis, pour la première fois, de reconstituer la migration du diable de mer chilien, sur plus de 3 800 km. Mais ce sont les autres mesures qui ont retenu l’attention des scientifiques.

La première chose que j’ai regardé ce sont les relevés de température, a déclaré le Dr Thorrold, et j’ai vu des températures d’environ 4°C – c’est un animal qui est censé vivre sous les tropiques, je me suis dit qu’il devait y avoir une erreur.

Mais les données de profondeur ont confirmé que les températures glaciales enregistrées étaient le résultat de plongées durant 1h à 1h30, jusqu’à 1 848 m de profondeur.

Très peu de poissons, dont les requins baleines, plongent à ces profondeurs. Le record (2992 m) est actuellement détenu par la baleine à bec.

Pendant la journée, mais pas la nuit, les diables de mer chilien flânent dans les 2m sous la surface de l’eau. Cela suggère qu’ils utilisent la chaleur du soleil pour récupérer de leurs plongées profondes.

Autre constatation faite grâce à cette étude : les diables de mer chilien sont rapides, nageant vers les profondeurs jusqu’à 22km/h, une vitesse beaucoup plus élevée que les requins et les baleines. Le Dr Thorrold estime qu’il s’agit d’une autre stratégie pour rester « au chaud ». La chaleur générée par leurs muscles peut être stockée et utilisée pour approvisionner en sang le cerveau, afin de le maintenir actif dans les profondeurs glacées.

Ces nouveaux résultats mettent en évidence notre méconnaissance de la vie dans ces écosystèmes profonds. Nous espérons que les raies vont nous permettre de mieux comprendre les écosystèmes profonds car ces animaux évoluent entre la surface et les abysses.  conclue le Dr Thorrold.

Source : BBC News