Du fer dans les océans : la géo-ingénierie grandeur nature

07/11/2012

Le rejet de 100 tonnes de sulfate de fer dans l’Océan Pacifique, à l’Ouest de la côte canadienne, réalisé en juillet dernier et révélé cette semaine par le Guardian, alimente le débat sur la géo-ingénierie, déjà très actif aux Etats-Unis.

L’ajout du sulfate de fer dans l’océan est une technique appelée « fertilisation océanique », qui vise à provoquer une efflorescence (« bloom ») de phytoplancton (dans le cas présent sur près de 10.000 km²), afin destocker du dioxyde de carbone et donc de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, le phytoplancton fixe le dioxyde de carbone par photosynthèse au cours de son développement et, lorsqu’il meurt et se décompose, le carbone se retrouve stocké au fond de l’océan (par sédimentation), comme le présente le schéma ci-dessous.

Pompes biologiques et physiques de dyoxide de carbone
Crédits : Isaac Sanolnacov

C’est ce principe qui a conduit l’homme d’affaires californien Russ George à développer un projet pour rejeter 100 tonnes de sulfate de fer au large des côtes canadiennes.
Le petit village d’Old Masset a donné son accord, y voyant une voie pour accroître les quantités de saumon dans ces eaux et récupérer des fonds grâce aux crédits carbone. Plus de deux millions de dollars ont été empruntés via le fonds de réserve du village pour ce projet. Comme l’explique John Disney, président de Haida Salmon Restoration, « c’est un projet du village pour faire revenir le poisson et séquestrer du carbone (…) c’est comme mettre du compost sur des laitues… nous avons du thon, du saumon, des baleines et des dauphins ».

Russ George avait déjà essayé de déverser des quantités importantes de fer près des îles Galapagos et Canaries mais il en avait été empêché par les gouvernements espagnols et équatoriens. Dans le cas présent, les membres de l’équipe de Russ George (notamment John Disney) déclarent avoir eu des discussions avec les autorités canadiennes mais celles-ci n’ont pour l’instant pas confirmé avoir été informées de cette initiative – encore moins l’avoir autorisée – et ont indiqué qu’une enquête était en cours.

Cette expérience grandeur nature a suscité l’ire des associations de protection de l’environnement. Selon l’International Union for Conservation of Nature (IUCN), cela constitue une violation des conventions internationales, dont la CDB (Convention sur la diversité biologique) et la Convention de Londres, qui interdisent toute fertilisation océanique à des fins commerciales.

La Conférence des Parties (CdP) de la CDB a réaffirmé la semaine dernière le moratoire sur la fertilisation océanique -à l’exception des travaux de recherches à petite échelle-, établi à Nagoya en 2010, en l’absence de connaissances scientifiques sur l’impact pour la biodiversité et sur les impacts sociaux, économiques et culturels et de réglementations internationales suffisantes. La CdP a par ailleurs invité les parties à faire part des mesures prises nationalement au secrétariat de la CBD pour qu’il compile ces informations. Le Secrétariat doit également préparer un rapport présentant une mise à jour des connaissances sur les impacts des techniques de géo-ingénierie sur la biodiversité et sur les réglementations, afin qu’il puisse être discuté au sein de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques à la CdP.

Pour en savoir plus

Source : BE Etats-Unis numéro 307 (26/10/2012) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71330.htm