De nouveaux encouragements pour les énergies marines

29/06/2013

Les énergies marines représentent un des domaines de recherche en énergies renouvelables, qui, bien qu’assez jeune, attire une attention croissante. Le début de l’année 2013 aura été ponctué de plusieurs annonces encourageantes concernant les marées et courants moteurs. Entre la publication d’un rapport scientifique revoyant à la hausse le potentiel énergétique de ces technologies, des résultats d’une étude environnementale de près de cinq ans menées sur un dispositif installé au large de l’Irlande du Nord, et les décisions de financements britanniques et européens, les énergies marines suscitent toujours autant, sinon plus d’intérêt qu’en 2012.

Plus de 20% de l’électricité britannique

Dans un rapport publié en janvier 2013 dans le journal Philosophical Transactions of the Royal Society A, des scientifiques ont avancé que l’énergie provenant des marées motrices pourraient représenter plus de 20% de la demande en électricité britannique dans les prochaines années. Bien que les méthodes de production d’électricité à partir des vagues et des marées, actuellement divisées en deux catégories (turbines sous-marines implantées dans des zones à forts courants, ou barrages marémoteurs placés dans des estuaires de marées, mettant à profit les flux d’eau pour mettre en mouvement des turbines) soient encore incertaines, les chercheurs de la Royal Society ont affirmé être « extrêmement optimistes » dans le potentiel des deux types de dispositifs. Le co-rédacteur du rapport, Dr Nicholas Yates du National Oceanography Centre (NOC, Centre national d’océanographie), a ainsi expliqué : « On peut raisonnablement espérer obtenir jusqu’à 15% des besoins en électricité du Royaume-Uni à partir de barrages marémoteurs. […] En plus de ces chiffres, on peut ajouter 5% provenant de courants de marées, avec un développement futur des technologies, à mon avis très probablement sous-estimé à ce jour ».

Récemment, un grand projet de barrage à travers l’estuaire de la rivière Severn, au Pays de Galles, s’est vu refusé par le gouvernement de coalition, à cause d’impacts environnementaux trop conséquents. Bien que les officiels se soient dits prêts à réévaluer une nouvelle version du projet, le Dr Yates estime qu’il est « dommage que l’estuaire de la Severn ait attiré l’attention en termes de marées motrices, ce lieu n’est pas approprié pour démarrer les travaux, il est trop grand […] Il faut commencer par plus petit, comme l’ont fait les danois avec l’éolien – commencer petit, apprendre vite, et grandir ».

D’après les auteurs du rapport, l’année 2013 pourrait être une année importante pour les marées motrices. Parmi les appareils à déployer, la compagnie MeyGen (voir plus loin) va installer le tout premier parc de turbines sous-marines dans le Pentland Firth, qui devrait pouvoir générer jusqu’à 40 MégaWatt d’électricité, soit suffisamment pour alimenter 38 000 habitations. D’après le Pr AbuBakr Bahaj, de l’Université de Southampton, « Ceci est une étape cruciale pour nous, puisque ce sera le premier parc de turbines alimentées par les marées. Il représentera une proposition viable pour nous, en ce qui concerne les aspects énergétiques de la mer – cela nous fournira un nouvel élément du mix énergétique, plus fiable que le vent ».

Enfin, des analystes ont également cherché à savoir si l’électricité provenant de ces sources présentait des risques de clignotements, problème souvent rencontré avec les anciennes éoliennes, et souvent sources d’agacement pour les consommateurs. Une des personnes ayant étudié le dispositif SeaGen (voir plus bas), Joseph MacEnri d’ESB International, a affirmé que les résultats étaient très bons, avec très peu de clignotements constatés, et ajouté que « Globalement, cet appareil se comporte comme une éolienne moderne et efficace ».

Un feu vert environnemental pour SeaGen

Le projet SeaGen, à Strangford Lough en Irlande du Nord, représente la plus grande turbine sous-marine au monde qui soit connectée au réseau électrique. Installé en 2008, ce dispositif composé de 2 immenses hélices, est fixé sur les fonds marins au sein d’un des sites recevant les plus forts courants de marées au monde. Cependant, la question de l’impact environnemental,  comme pour tous les dispositifs de production d’énergies marines, reste au cœur de ce projet, d’autant que la région de Strangford Lough représente l’une des zones les plus protégées d’Europe, car fournissant un habitat naturel unique pour certains oiseaux et animaux marins.

Après une étude de près de 5 ans, des chercheurs de l’Université de Belfast ont publié leurs résultats mi-janvier 2013, donnant un « feu vert environnemental » à l’appareil. Les craintes, notamment sur une éventuelle collision entre de larges mammifères marins et les turbines, se sont avérées fausses, avec pour conclusion les paroles de David Erwin, biologiste marin et plongeur : « Aucune modification dans l’abondance de phoques ou de marsouins en lien direct avec SeaGen n’a pu être remarquée ; ces animaux continuent de nager à côté du SeaGen, qui ne semble pas représenter d’entrave ou de soucis majeur pour eux. D’après ma longue expérience de Strangford Lough, j’ai toujours été confiant dans le fait que SeaGen pourrait opérer sans impact significatif, et je suis ravi de voir que les résultats de cinq années de travaux acharnés, avec l’aide d’experts figurant parmi les plus respectés dans leurs domaines, aient pu le confirmer ».

Franck Fortune, directeur technique de la consultance environnementale effectuée par Royal Haskoning, et qui a préparé le rapport pour Marine Current Turbines (MCT, entreprise mère de SeaGen), a également déclaré : « Les résultats des programmes de surveillance environnementale nous confortent dans l’idée que SeaGen pourra certainement continuer de fonctionner sans impact significatif sur l’environnement marin de Strangford Lough. Cela valide l’approche managériale innovante et adaptative prise par MCT en termes de surveillance et d’atténuation, soutenue par l’Agence Nord-Irlandaise de l’environnement ».

Des financements britanniques et européens

Les énergies marines ont par ailleurs bénéficié de l’annonce de nouveaux financements, à la fois au niveau local et européen. D’une part, le Crown Estate, organisme gérant les territoires maritimes britanniques, a annoncé le 16 janvier 2013 la mise à disposition de 20 M£ destinés à financer deux projets de marées ou vagues motrices. Cet investissement sera soumis à conditions, notamment la présence de fonds provenant d’autres compagnies mais également d’un soutien du gouvernement britannique. Les fonds permettront à aider à la construction de projets concernant des parcs d’appareils (et non un seul dispositif), pouvant générer 3 MégaWatt ou plus d’électricité. Ils devront également avoir au préalable obtenu toutes les autorisations nécessaires, depuis le bail du Crown Estate pour leur installation jusqu’à la connexion au réseau électrique britannique, et pouvoir atteindre un stade d’investissements de capitaux d’ici mars 2014 au plus tard.

Le directeur du portfolio énergie et infrastructures, Rob Hasting, a commenté : « Plusieurs technologies de marées et vagues motrices sont désormais fonctionnelles, et il est temps pour l’industrie de passer à l’étape de projets de démonstrations. Les premiers parcs d’appareils sont importants, puisqu’ils sont un point critique pour atteindre des projets à plus grande échelle au niveau britannique, puis mondial. En apportant notre capital et notre expertise, nous espérons pouvoir catalyser les investissements d’autres acteurs, afin de mener à bien des projets de construction et de mise en fonctionnement aussi rapidement que possible ».

À l’occasion de la 10e conférence Renewable UK Wave & Tidal, Greg Barker, secrétaire d’État à l’énergie et au changement climatique, ainsi que Fergus Ewing, ministre écossais délégué à l’énergie, aux entreprises et au tourisme, ont également annoncé des financements en faveur des énergies marines. En effet, le discours de Greg Barker a été ponctué de l’annonce des deux vainqueurs de la compétition Marine Energy Array Demonstrator scheme (MEAD, Programme de démonstration de parcs de technologies d’énergies marines), lancée en avril 2012, ayant pour but de soutenir le développement et les tests de pré-commercialisation de parcs de dispositifs en mer. Le programme de la compagnie MeyGen, dans le Pentland Firth (mentionnée plus haut), et l’entreprise SeaGeneration (Wales) Ltd, à Angelsey au Pays de Galles, se sont ainsi vu attribuer au total 20 m£ pour le développement de leurs parcs de turbines, respectivement de 1,4 MégaWatt (Andritz Hydro Hammerfest) et 2 MégaWatt (SeaGen-S, Siemens, voir Figure page d’accueil).

Le secrétaire d’État a également annoncé la signature d’un mémorandum d’accord entre les deux Marine Energy Parks (MEP, parcs d’énergies marines) du Royaume-Uni, soit le South-West MEP (situé près des Cornouailles) et le Pentland Firth MEP, afin d’entériner leur collaboration scientifique et technique, et de formaliser la création d’un cluster de compétences dans le domaine des énergies marines au Royaume-Uni. Enfin, Greg Barker a mentionné le lancement par l’Energy Technology Institute (ETI, Institut des technologies de l’énergie), en collaboration avec l’entreprise écossaise Pelamis Wave Power (pionniers des énergies marines en Ecosse), un projet de 1,4 M£ ayant pour but d’améliorer la rentabilité des parcs de convertisseurs d’énergies des vagues à grande échelle dans les eaux britanniques (voir Figure suivante).

Dispositif Pelamis en test à Orkney. © Pelamis Wave Power

De son côté, Fergus Ewing a annoncé la décision du gouvernement écossais de soutenir les travaux de l’European Marine Energies Centre (EMEC, Centre européen des énergies marines), par le biais de deux subventions distinctes :
– d’une part, 1,1 M£ destinés à un projet de recherche étudiant le développement des navires de soutien opérationnel utilisés dans l’industrie marine autour des Orcades, dans le Nord de l’Ecosse ;
– d’autre part, 3 M£, débloqués à l’aide de Holyrood and Highlands and Island Enterprise, afin d’encourager l’expansion des sites de tests gérés par l’EMEC, indispensable pour que le centre puisse continuer à répondre à la demande croissante du marché.

Par ailleurs, la compétition européenne NER300, distribuant des fonds issus de la vente des crédits carbones aux nouveaux entrants, a permis à deux projets britanniques d’obtenir des financements européens. Au Nord de l’Ecosse, le projet SeaGen Kyle Rhea a obtenu jusqu’à 15 M£ pour la mise en place d’un parc de turbines de 8 MégaWatt entre l’Ecosse et l’île de Skye, tandis que le détroit d’Islay, dans l’Ouest de l’Ecosse, verra l’installation d’un parc de 10 MégaWatt à l’aide d’une subvention de 16,8 M£. Il est à noter que ce sont les deux seuls projets britanniques ayant été sélectionnés lors de cette compétition, qui a distribué un total de 1,2 M euros à 23 projets européens innovants dans le domaine de la réduction des émissions de carbone.

Conclusion

Bien que ces différents éléments soient tous très positifs pour le domaine des énergies marines, il ne faut pas oublier que les technologies sont encore à ce jour très jeunes, et que de nombreux obstacles existent toujours, à commencer par le manque de financement. La réalisation d’un projet exploitant les marées motrices reste très coûteuse, et la transmission charge (coût imposé pour transmettre de l’électricité sur le réseau électrique britannique) est suffisamment élevée, notamment en Ecosse, pour décourager certains investisseurs. En plus des financements déjà existants et de ceux énoncés plus haut, toute personne investissant dans des projets de marées motrices est gratifiée à hauteur de 40 £ par mégawatt/heure d’énergie générée. Ce programme prendra cependant fin en 2017. Si les marées et les vagues représentent un potentiel conséquent pour le futur des énergies renouvelables, il reste crucial que les gouvernements et les industries continuent d’apporter des subventions pour permettre les avancées des recherches et la diminution, à terme, des coûts de fabrication et de production.

Crédit photo : Vue d’artiste d’un parc de turbines SeaGen Crédits ©Marine Current Turbines, a Siemens Business

Source :  BE Royaume-Uni numéro 120 (11/04/2013) – Ambassade de France au Royaume-Uni / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/72775.htm